Le départ
-Allo ? Allo ? Oui bonjour Bernard.
-Ecoute j’ai une proposition à te faire… Que dirais-tu de filmer en 8K pendant le tournoi de Roland-Garros ? Pour ton info les téléviseurs UHD 8K arrivent cette année sur le marché !
-8K ?
-Oui ! Des Japonais de l’entreprise Sharp nous prêtent pour l’occasion 2 caméras et les écrans 70’ et tu pourrais filmer avec Patrick Profit. C’est un réalisateur qui a de la bouteille niveau 4K déjà. Un pro des nouveaux formats quoi.
-Avec plaisir Bernard !
Rendez-vous la semaine des qualifications de Roland Garros pour prendre les caméras en main. Au programme : tourner tous les jours pour expérimenter l’outil et réussir à faire un Live pour la finale homme.
Le résultat en images :
La prise en main de la caméra 8K
L’aventure a commencé le 22 mai. Deux Japonais de l’entreprise Sharp nous ont apporté 2 caméras équipées d’objectifs Canon. Pour les connaisseurs : un 17/120 et un 50/1000.
Le premier était plutôt classique. Le second… Comment vous dire… Il était plus long et plus gros que la caméra ! Un téléobjectif qui vous permettait de voir dans le blanc des yeux de Nadal !
Alors bon, il était bien lourd et j’avoue avoir eu un gentleman avec moi. Patrick portait systématiquement la caméra et encore plus celle avec le téléobjectif. Cela paraît rien dans l’expérience ? Et bien si, j’ai pu profiter pleinement des tournages sans le poids excessif. Lui aussi bien sûr. Enfin j’espère.
Et ce téléobjectif nous a permis de mettre en valeur les qualités incroyables de détails de la 8K.
Une fois les caméras prises en main, nous avons fait quelques images dans le stade de Roland Garros. Il fallait trouver ses marques : Par exemple : on tourne en bt709 ou bt2020 ? Très technique ? C’est une question de panel de couleurs.
En réalité nous avons fait tous les essais possibles et nous avons opté pour la solution qui était parfaite pour les outils de montage et l’écran 8K que les Japonais nous avaient prêtés : bt709.
Les réglages
Sur le papier, la qualité bt709 n’était pas la meilleure d'un point de vue de la colorimétrie, mais toute la chaîne de post-production et l’écran 8K étaient optimisés pour ce format, et nous n’aurions pas eu le temps matériel d’exploiter la palette des couleurs du bt2020 en post-production.
Il faut avouer aussi que nous avions plus de plaisir, Patrick et moi, à travailler ainsi car le viseur couleur était moins fade. Et oui, c’est un peu comme le format RAW. Au départ l’image vous paraît plate et presque monochrome mais en réalité vous pouvez exploiter comme jamais la roue colorimétrique, les contrastes, la luminance etc…en post-production, et ainsi obtenir des images très travaillées et splendides. Ou pas.
Petit bémol tout de même sur le viseur me fait remarquer Patrick. Il a été habitué au viseur 4K de sa caméra F55.
Ceci dit nous n’avions aucun problème de mise au point.
Il n’est pourtant pas si loin le temps où les cameramen avaient des problèmes pour faire le point en HD. Et bien en 8K, aucun souci ! Quel plaisir de savoir que l’on fait une image aussi définie sans avoir de problème pour la capter !
Paris en 8K
Comme nous avions ces caméras pour la durée du tournoi nous avons eu l’opportunité de filmer Paris au réveil : ses monuments, ses rues.... Dès que le soleil caresse l’image que l’on choisit, elle est sublimée. C’est simplement magnifique. « 8katique » pourrait-on dire ?
De retour à Roland Garros, chaque jour nous allions sur le court Suzanne Lenglen ou le court central Philippe Chatrier pour voir et filmer les meilleurs tenniswomen et tennismen mondiaux grâce aux accès donnés par la FFT. Nous avons même eu de bons placements pour les finales Femmes et Hommes. Vu privilégiées donc, et images privilégiées !
La post-production
Nous montions les images au fur et à mesure. Les Japonais nous avaient prêté un ordinateur GVG suffisamment puissant pour permettre de lire les images avec fluidité. Permettre donc de faire le montage aisément. Parce que on n’y pense pas suffisamment mais un rush simple de 40 secondes pèse 24 Giga... En HD ce serait plutôt 1,5 G. Alors en 8K, avec nos ordinateurs basiques, on risque de voir tourner le sablier bien longtemps avant d’avoir la première image. En plus, Bernard, lui a voulu les compresser dans leur format de diffusion autant dire que le PC avait du boulot, au passage merci à la Start-Up berlinoise Spin Digital pour avoir fourni l’encodeur !
La cerise pour Patrick et moi ? Le plaisir, chaque jour, de voir nos images diffusées sur un écran 8K, via le player des Allemands installé sur un PC 24 coeurs d’INTEL et d’une puissante carte graphique nVidia le tout faisait merveille. Elles sont si définies qu’on se croit avec des lunettes 3D… les détails reliefs sortent et on peut presque les toucher. C’est un sentiment proche de l’immersion. Un petit plaisir en seconde semaine, le Président de la FFT a voulu la même installation dans sa salle à manger VIP, très fier de faire admirer ces magnifiques images à ses invités.
...et un live en 8K
Pour aller plus loin, pendant la finale Nadal/Thiem, l’équipe de l’Innovation numérique, Patrick et la production de France Télévisions ont réussi la prouesse de réaliser un Live 8K. Ils ont installé une fibre entre la caméra postée en haut du court Philippe Chatrier et le RGLab 100m plus loin. Quelques réglages plus tard, des connectiques parfaites et le direct a fonctionné. Le résultat antenne faisait vraiment la différence avec l’écran 4K voisin. Détails et définition. Comme quoi même quand on pense que l’on a déjà fait de notre mieux pour l’œil humain - de la 4K à la 8K on voit encore une différence !
Ces expériences furent réellement gratifiantes pour des gens d’images comme Patrick et moi. Conscients que cela fera partie de notre avenir.
We are ready for the future !