Le 17 décembre 2013, la direction des Nouvelles Écritures de France Télévisions et HonkyTonk Films proposaient « Le Grand Incendie ». Ce webdocumentaire a permis de sortir l’immolation du simple fait divers pour lui permettre d’expliciter sa dimension sociale.
Les choix
L’idée initiale était de réaliser un documentaire sur les grands brûlés. Interpelés par une phrase du chirurgien Maurice Mimoun : «Ne se brûle pas n’importe qui», Samuel Bollendorff et Olivia Colo, les deux réalisateurs, avaient entamé des recherches sur ce sujet.
Un premier cas d’immolation passe sous leurs yeux, puis un deuxième, un troisième… Après mise en place d’un système d’alerte, ce dernier a alors révélé la funeste statistique d’une immolation tous les quinze jours entre 2011 et 2013.
Pour proposer autre chose que l’immédiateté impudique et trash du fait divers, que l’on peut qualifier d’horrifiante et violente, les deux auteurs ont choisi une présentation blanche fragmentée de quelques clichés de Samuel Bollendorff. Sur ce fond pur, deux lignes de sons pour porter deux paroles : celle des témoins, des proches ou des acteurs de ce moment de vie et celle de la communication des grands patrons ou responsables d’entreprises impliquées, de politiques ou des médias dans une plus grande généralité. L’image est, selon le choix du spectateur, visible entièrement ou translucide, plus à la manière d’un podcast qui ne se dit pas.et où l’on peut passer d’une ligne à l’autre pour essayer de comprendre ce geste ultime : mais qu’est-ce qui a pu provoquer ça ?
Pourquoi l’immolation par le feu?
Selon Xavier Pommereau, médecin psychiatre interviewé par Sud-Ouest, le suicide par immolation est un acte pluriel
- il est se donne à voir : public, il dénonce ou revendique une chose précise,
- Il occasionne d’horribles souffrances,
- Cette souffrance est une offrande sacrificielle à une cause idéologique ou psychologique,
- Le lieu devient alors hautement symbolique de la chose dénoncée,
Une façon active et tragique de dire : « Vous niez mon existence alors je n’ai plus à être » ou « mourir par le feu est moins difficile que vivre en enfer »
D’autres immolations dans l’Histoire
L'auto-immolation par le feu est pratiquée depuis longtemps dans certaines cultures et notamment par les moines bouddhistes depuis l'ère médiévale jusqu'à nos jours pour dénoncer des oppressions ou des persécutions.
Des immolations par le feu ont aidé à des prises de conscience et parfois à changer le monde comme celle de Jan Palach en août 1969.
Cet étudiant en histoire avait choisi de s’immoler sur la place Wenceslas, à Prague pour protester contre l'invasion de son pays, la Tchécoslovaquie, par l'Union soviétique.
Plus récemment le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune Tunisien, diplômé au chômage dont la police avait saisi l’étal de fruits et légumes qui était sa seule possibilité de nourrir sa mère et ses soeurs, s’est lui aussi immolé par le feu devant la préfecture. Cette immolation a été à l’origine des émeutes qui ont abouti à la révolution tunisienne.
Enfin vendredi 8 novembre 2019, étudiant Anas K. originaire de Saint Etienne, s’est aspergé d’essence avant de s’immoler devant un bâtiment du Crous de Lyon. Il souhaitait dénoncer sa propre précarité ainsi que la précarité de la majorité des étudiants.
Le Grand Incendie a obtenu le Visa d’Or RFI-France24 2014 du meilleur webdocumentaire au festival du photojournalisme de Perpignan en 2014.