Rencontre : « Mon crime »
Pour son nouveau film, « Mon crime », François Ozon poursuit ses ambitions féministes avec un polar comique ancré dans les années 1930. Aux côtés de ses deux actrices principales, Nadia Tereszkiewicz — César du meilleur espoir féminin 2023 — et Rebecca Marder, le réalisateur nous dévoile les ressorts intimes et politiques de cette nouvelle œuvre baroque.
« Mon crime » : une coproduction France 2 Cinéma, un partenariat France Télévisions, en salles dès le 8 mars !
Le Club Fans de Culture : Quelle est l’intrigue du film ?
Rebecca Marder : C’est l’histoire de deux jeunes femmes sans le sou : une avocate ratée et une actrice au chômage. En fait, ce sont deux visionnaires.
François Ozon : Elles vont, grâce à un hasard, avoir l’opportunité d’endosser un crime toutes les deux.
Nadia Tereszkiewicz : Mon personnage de Madeleine va être accusée de meurtre et, accompagnée de son avocate et meilleure amie Pauline, elle va être acquittée pour légitime défense. Leur vie va alors être bouleversée.
F. O. : Et tout ça se passe dans les années 1930 : une période où la condition féminine était très compliquée.
Le Club Fans de Culture : Quel est le ton de ce film ?
F. O. : C’est vraiment une comédie. Il y a beaucoup d’ironie et beaucoup d’inversement des valeurs. Si j’ai choisi de raconter cette histoire dans les années 1930, c’est pour avoir cette distance, et pouvoir rire de choses qui nous concernent aujourd’hui.
R. M. : À la lecture du scénario, il y avait des phrases qui fusaient, un peu burlesques. Et déjà j’étais saisie. J’ai ri à haute voix en lisant le scénario !
N. T. : Dans ce film, on parle d’un sujet qui est malheureusement toujours brûlant d’actualité, tout en ayant un ton léger et dans un rythme fou de comédie. Dès la lecture du scénario, j’avais envie de jouer ce personnage !
Le Club Fans de Culture : En quoi est-ce un film féministe ?
F. O. : Madeleine utilise un crime pour accéder à la notoriété et, d’une certaine manière, libérer la parole féminine et acquérir une conscience féministe presque à son insu. Au début, elle agit par opportunité, par moyen de survie. Et puis, petit à petit, elle devient presque un symbole politique.
R. M. : On dénonce par le rire le ridicule de tous ces vieux mâles blancs dominants ou, comme dit Nadia dans le film, ces « vieux cochons ». Je pense que le même sujet traité aujourd’hui ne serait pas une comédie.
N. T. : C’est troublant de constater que des phrases que je dis dans le film, dans les années 1930, résonnent avec aujourd’hui, et que je les pense aussi aujourd’hui... le combat est encore long.
F. O. : Ce film clôt un peu une trilogie sur la condition féminine. Huit femmes, c’était un film sur le renoncement du patriarcat, puisque l’homme se suicidait et laissait les femmes seules entre elles. Potiche, c’était l’avènement du matriarcat avec une femme qui prenait le pouvoir. Et là, c’est un film sur le triomphe de la « sororité » : un notion dont on parle beaucoup aujourd’hui et qui est très importante pour le mouvement féministe. Il s’agit de ce besoin de solidarité des femmes et de casser un peu ce cliché de la rivalité féminine que le patriarcat a toujours imposé.
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