« Infrarouge - Un corps de femme »
Trois générations revendiquent le droit d'aimer
France 2
Info & société
Devant la caméra de Delphine Dhilly, trois générations de femmes, de 12 à 80 ans, témoignent de leur rapport au corps façonné, souvent maltraité, parfois oublié, par les injonctions de leur époque. Un documentaire essentiel qui, au-delà de souligner ce qui a changé, ouvre la voie de l’acceptation. « Un corps de femme », un documentaire « Infrarouge » à découvrir mercredi 22 mai à 22.45 sur France 2.
« Trop sexy, trop grosse, trop vieille… Les femmes maltraitent encore leur corps pour le soumettre aux injonctions de beauté et de perfection. Mais les temps changent et, fortes des combats de leurs aînées, les femmes se rebellent et revendiquent le droit de s’aimer comme elles sont et avec le corps qu’elles ont… »
Ces quelques mots ouvrent ce documentaire 100 % féminin. Car, ici, ce sont trois générations de femmes, âgées de 12 à 80 ans, qui nous racontent, face caméra, ce long chemin vers la réappropriation de ce corps. Chacune incarne la façon dont les époques, et leurs injonctions, ont pu modeler leur corps et sa perception, jusqu’à les en déposséder à un moment donné. « J’ai choisi de raconter le corps, la vie d’un corps de femme, et le chemin de nos corps des années 1940 à aujourd’hui, à travers trois familles et trois générations de femmes, explique la réalisatrice Delphine Dhilly. Car ces lignées de femmes dans lesquelles nous grandissons nous permettent de mesurer l’évolution de nos droits, mais elles nous transmettent aussi, parfois bien malgré elles, d’une femme à une autre, tous ces critères d’éligibilité au marché de l’amour, de la séduction et de la bienséance. »
Tout commence avec la puberté, et ses premiers complexes liés au regard des autres. Si Nanette, 49 ans, a mal vécu l’arrivée de ses règles, sa fertilité, cette « nouvelle responsabilité » dont elle ne voulait pas, Alex, 40 ans, a arrêté le basket pour la musique afin de pouvoir planquer sa poitrine derrière une guitare. Laurence, 52 ans, se rappelle avoir pris 10 kilos en deux mois, le début de l’« emprisonnement » d’un corps jusqu’alors en liberté. Idem pour Luna, 24 ans, qui, de son côté, se réfugie dans les blogs pour maigrir et s’enferme dans les diktats de la minceur.
Du premier rapport sexuel, vécu pour certaines générations de femmes comme un interdit, à l’avortement au péril de leur vie, de la contraception à la ménopause, en passant par ce poids permanent du regard de l’autre, toutes témoignent avec force et sensibilité de ce rapport, souvent toxique et empli de culpabilité, que les femmes entretiennent avec leur corps. Pour Delphine Dhilly, « c’est là que la fracture intervient : entre le corps que nous sommes, que nous avons, que nous pouvons utiliser au quotidien, dont nous devrions jouir et nous réjouir, et ce corps qui devient cette autre entité que l’on ne cesse de dompter et ainsi, comme nous n’y arrivons pas, que nous ne cessons de dégrader, voire détester ». Aujourd’hui encore, Laurence ne comprend pas comment la femme libre qu’elle était est rentrée dans cette « cage de l’image » et avoue admirer aujourd’hui la liberté de ces jeunes générations de femmes qui s’habillent comme elles l’entendent. Des propos qui résonnent avec ceux de la jeune Nora, 12 ans, qui envisage son corps comme une maison dans laquelle elle doit habiter. Une jolie métaphore qui laisse présager, on l’espère, une cohabitation plus facile pour les jeunes générations… Après l’égalité et l’acquisition de droits juridiques, après la libération sexuelle et procréative, ce documentaire essentiel pointe ce qui change et doit se dessiner aujourd’hui. « Ce film veut explorer ces fractures, et dessiner un nouveau rapport au corps. Car “la question du corps pourrait bien constituer un levier essentiel, la clé d’une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans” », explique la réalisatrice en citant Mona Chollet dans Beauté fatale.
Infrarouge : Un corps de femme
Un corps de femme raconte les rapports des femmes à leur propre corps. Au sein de trois lignées de femmes, de 12 ou 80 ans, chacune incarne et éclaire la façon dont les époques et leurs injonctions ont pu modeler leur corps, et les en déposséder. Cinq ans après #MeToo, comprendre la manière dont nos corps continuent à nous échapper et à nous tourmenter. Après l’égalité et l’acquisition de droits juridiques, après la libération sexuelle et procréative, le film pointe ce qui change et doit se dessiner aujourd’hui, la conquête d’une liberté plus intime : s’approprier enfin ce corps, l’accepter comme il est, et pourquoi pas… l’aimer.
Documentaire (54 min – 2024) — Auteure et réalisatrice Delphine Dhilly — Production Eléphant Doc — Avec la participation de France Télévisions et du Centre national du cinéma de l’image animée
Diffusion mercredi 22 mai à 22.45 sur France 2
À voir et à revoir sur france.tv