« Vert de rage » en alerte aux côtés des populations victimes des rejets pétroliers

Pour moi, ce sont des torchères de la mort. Une mort lente pour les habitants. Nulle part ailleurs dans le monde vous ne verrez des torchères installées aussi proches des habitations.

Un professeur en pollution environnementale à l'université de Bassorah, en Irak, à propos des champs de pétrole d'Halfaya

Saviez-vous que l'amiante était autrefois utilisée dans la fabrication du bitume ? Qu'il y a pire que les particules fines ? Que le papier hygiénique et les eaux usées sont contaminés par des PFAS(per and polyfluoroalkyl substances), ces fameux polluants éternels ? 
Où qu'on se tourne, quoi qu'on fouille, les analyses effectuées après prélèvements sont sans appel : la pollution est omniprésente. Nous sommes envahis de produits nocifs pour notre santé et celle de la planète : plomb, pesticides, polluants éternels, uranium, cadmium, pétrole, charbon, amiante, métaux lourds, particules fines, etc.
On pourrait se réjouir des scandales sanitaires et environnementaux régulièrement dénoncés, des annonces faites pour interdire ou mieux encadrer l'usage de tel ou tel polluant. Mais à la lecture du nombre de nouveaux cas mis en lumière par des associations ou des journalistes d'investigation, comment croire les industriels lorsqu'ils prétendent aller vers une économie plus verte ou résiliente, et les autorités publiques lorsqu'elles assurent agir en conséquence ?

Ce que je constate à travers ce travail, c'est que cela nous permet d'avoir un point de départ... Et ce que je souhaiterais, c'est que vous puissiez présenter vos travaux. Que ces travaux puissent être appréciés aussi bien par les industriels, qui ont peut-être une petite responsabilité dans l'émission de ces polluants, et puis aussi des autorités de l'État, des services de l'État qui sont censés contrôler.

Alban Bruneau, maire de Gonfreville-l'Orcher

Martin Boudot, les riverains et la pollution

Si, parmi la population, certains ont choisi de baisser les bras, de s'avouer au mieux vaincus, au pire résignés, d'autres, au contraire, préfèrent jouer les lanceurs d'alerte, se mobiliser, entamer des actions en justice ou faire appel à des journalistes d'investigation pour les aider dans leur quête de vérité.
Le journaliste Martin Boudot est de ceux qui apportent leur aide. Chacune de ses enquêtes résume avec effroi ce que nous savons, sans vouloir nous l'avouer : nos excès industriels ont des conséquences dramatiques sur notre environnement. Pérou, Irak, Pologne, Maroc, Indonésie, Paraguay, Niger, France, etc., ont en commun d'héberger des sites industriels à haut risque pour l'environnement et les riverains, comme il a pu le démontrer en s'intéressant à l'industrie du textile, des engrais phosphatés, de l'énergie ou encore du soja transgénique. L'étude qu'il a menée avec des scientifiques en Irak et en Normandie est aussi édifiante que les précédentes. L'industrie du pétrole affiche des profits exorbitants en ce début d'année. Des bénéfices obtenus au détriment de la santé et de la préservation de l'environnement des populations vivant à proximité des sites d'extraction ou de transformation. Faut-il se résigner à voir nos enfants tomber malades, déclarer des cancers en contrepartie de cet or noir ? À en écouter certains, on pourrait le croire. Et que penser de ceux qui minimisent les conséquences des torchères sur la pollution atmosphérique ? On aimerait leur suggérer de regarder attentivement cette enquête, voire de se rendre sur les lieux. On aimerait aussi pouvoir les confronter aux enfants malades et à leurs parents...

Je regrette que Total n'ait pas souhaité prendre la parole. Ce n'est jamais tout noir ou tout blanc ce genre de dossier. En Irak ou à Gonfreville, Total a refusé de nous ouvrir ses portes. Quand on entend l'industrie du pétrole dire dans le documentaire que le torchage est un mal nécessaire et qu'il représente surtout un intérêt économique, au moins c'est clair. Ce qu'ils disent aussi, c'est que le torchage, c'est assez rare, que ça dure peu de temps... je pense que ça, tous les gens qui habitent à proximité vont sourire en l'entendant.

Martin Boudot répondant à une question de Murielle Bouchard (interview publiée sur le site de l'Actu, 3 mars 2023)

Résultats des analyses effectuées en Normandie commentés par Martin Boudot

« Trois mois plus tard, nous recevons tous les résultats. Nos analyses d'air montrent que les niveaux de benzène dépassent ponctuellement les valeurs limites moyennes. Entre sept et dix fois plus aux abords de la raffinerie et d'une école de la vie. Le sol des jardins potagers semble gravement contaminé au HAP. Cent douze fois au-dessus des niveaux naturels. On retrouve aussi ces HAP dans les urines des enfants de la zone. Notamment le naphtalène, considéré comme cancérigène possible.  Il y en a moins que chez les enfants irakiens, mais plus que chez les enfants allemands et deux fois plus que chez les enfants américains. »