« Sur le front – Ces animaux envahissent la France : qui les a importés ? »

Des espèces menacées d’extinction

France 5

Info & société

Elles ont pour dénominateur commun d’être considérées comme des espèces exotiques envahissantes. Implantées volontairement ou involontairement dans nos territoires, elles menacent d’autres espèces considérées comme endémiques ou autochtones. En France comme ailleurs, on tente de trouver des solutions pour endiguer le phénomène ou d’alerter pour éviter que de pareilles situations se répètent à l’avenir.
À voir, lundi 4 novembre à 21.05 sur France 5.

« Sur le front - Ces animaux envahissent la France : qui les a importés ? » © Winter Productions

Les espèces exotiques sont les animaux, plantes et autres organismes introduits par les activités humaines en dehors de leur aire de répartition naturelle.

Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB)

D’après la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, « le nombre d’invasions biologiques a augmenté de 76 % en Europe depuis 1970 et de 40 % sur la planète du fait de l’intensification des échanges commerciaux, de la dynamique et des tendances démographiques (urbanisation, etc.) depuis 1980. Historiquement, les introductions d’espèces sont principalement volontaires (horticulture, foresterie, chasse, pêche, nouveaux animaux de compagnie). Aujourd’hui, elles sont de plus en plus accidentelles du fait notamment du fret maritime et aérien, des eaux de ballast, des semences contaminées, des importations de matériaux de construction ».
Si nous avons tous en tête l’exemple du moustique tigre ou celui du frelon asiatique, les écrevisses de Louisiane, l’écureuil gris, le poisson-lion, les moules zébrées, la fourmi électrique ou encore la fameuse tortue de Floride (pour laquelle vous avez peut-être un jour craqué) font partie de ces espèces exotiques dites envahissantes. On n’imagine pas toujours les dégâts que peuvent occasionner ces espèces rapportées de l’étranger lorsqu’elles se retrouvent en liberté. Ceux du frelon asiatique ou du moustique tigre ne sont plus à démontrer mais, reconnaissons-le, à moins d’être directement concernés, on a dû mal à percevoir certains animaux comme des dangers pour leurs congénères.
Prenons l’exemple de la grenouille-taureau. À son nom déjà, on se doute que l’animal est plus massif que notre charmante rainette. Cinq fois plus grand pour être exact. Son apparition en France (en Gironde plus précisément) remonterait aux années 1960. Comme l’explique un chercheur aux équipes de Sur le front, « c’est une personne qui a été aux États-Unis et qui en a rapporté huit dans ses bagages. À la base, c’était un coup de cœur, je pense. Une espèce exotique, on a envie de ramener ça chez soi. Et puis en fait, en faisant ça, on ne gagne pas une espèce, on va en perdre plusieurs dizaines. » Il a fallu près d’une vingtaine d’années pour que ce chercheur et ses équipes en viennent à bout dans des étangs de Sologne. Un travail titanesque qui a permis le retour du pélobate brun (un animal pesant trente à quarante grammes, quand une grenouille-taureau pèse un kilogramme à l’âge adulte). « Si on a une espèce qui revient, cela veut dire que quelque part on a gagné sur l’espèce exotique envahissante. Que les espèces rares autochtones soient revenues sur le territoire, ça c’est une sacrée bonne nouvelle. » 

Tout le monde n’en est pas conscient et c’est vrai que c’est difficile parce que, au départ, une grenouille-taureau, ce n’est pas forcément une espèce qui est néfaste. Dans son pays, elle a toute sa place. C’est quand elle arrive dans un pays où justement elle déséquilibre tout le milieu que ça pose problème.

Un chercheur à Hugo Clément

En dehors des espèces exotiques toujours en vente dans des animaleries, en ligne ou lors de salons, certaines se sont frayé un chemin jusqu’à nous de manière plus discrète. En voyageant dans les eaux de ballast. « [Ces eaux] sont utilisées à bord des navires pour stabiliser ces derniers, précise l’Organisation maritime internationale (OMI). Elles peuvent contenir des milliers de microbes marins ou aquatiques, de plantes et d’animaux, lesquels sont ensuite transportés dans le monde entier. Le rejet d’eaux de ballast non traitées dans le lieu de destination du navire pourrait potentiellement introduire de nouvelles espèces marines envahissantes. Des centaines d’invasions de ce type ont d’ores et déjà eu lieu, avec parfois des conséquences désastreuses pour les écosystèmes locaux. » C’est ainsi que le crabe bleu originaire des côtes atlantiques américaines a élu domicile chez nous (dans l’hémisphère Sud, ils ont connu pareille mésaventure avec le crabe vert d’Europe). En Corse, il est présent depuis deux ans au grand désespoir des pêcheurs. Non seulement ils s’attaquent aux poissons mais en prime ils s’emmêlent dans les filets et les abîment. « Les Tunisiens l’appellent Daesh, les Italiens, Attila. Ici, on ne leur a pas encore donné de nom mais on y réfléchit. » Fort heureusement de telles mésaventures devraient disparaître avec l’entrée en vigueur de la Convention BWN (Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires). Du moins, on peut logiquement l’espérer.

En vertu de la Convention, les navires sont tenus de traiter leurs eaux de ballast avant de les rejeter dans un nouvel emplacement, afin d’éliminer les micro-organismes ou les petites espèces marines.

Extrait de la Convention BWM, adoptée en 2004 et entrée en vigueur en 2017 (elle est entrée complètement en vigueur en septembre 2024)

Enfin, il y a l’exemple de ces espèces qu’on disperse sciemment pour des raisons purement mercantiles. La truite arc-en-ciel fait sans doute le bonheur des pêcheurs mais, comme vous pourrez le constater, elle n’a pas sa place dans nos lacs de montagne. En Espagne, après l’avoir introduite, il a été décidé de faire machine arrière. « Nous avons retiré des truites arc-en-ciel parce qu’elles ont un énorme impact sur tout l’écosystème, explique un scientifique espagnol. Et on voulait que le lac retrouve son état originel. Voici des filets que nous utilisons. Ce sont des filets en nylon très fins, presque invisibles sous l’eau. Donc très efficaces pour attraper des poissons. Sur ce lac, nous avons commencé il y a deux ans. Et nous devrons probablement y travailler encore trois ou quatre ans. » Depuis qu’ils ont entrepris cette démarche, des tritons pyrénéens et des amphibiens recolonisent les lieux. Des animaux naturellement présents avant l’implantation des truites arc-en-ciel.

Définition de la classification des espèces (autochtone ou indigène et endémique) et de ce qu'on entend par "invasion biologique"
© Robin Almansa / Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB)

Séquences exceptionnelles

Inédit : nous avons rencontré le Français qui a importé sans le savoir… le frelon asiatique
Il était resté discret depuis des années parce que sa mésaventure a eu de sacrées conséquences. Cet homme a accepté de nous raconter comment il a, sans le savoir, fait venir un frelon asiatique, en important des poteries depuis la Chine. Une reine s’était cachée dans sa cargaison et il s’est retrouvé, malgré lui, responsable de l’invasion de cette espèce sur tout le sol français. 

Incroyable : des pêcheurs relâchent encore des espèces exotiques dans les lacs des Pyrénées… alors qu’on les retire des eaux, côté espagnol
Après des heures de marche en montagne, on arrive face à des lacs pyrénéens remplis de truites arc-en-ciel, une espèce importée… des États-Unis. Les pêcheurs locaux les relâchent par camion et même par hélicoptère. Pourquoi avoir choisi cette espèce ? Simplement parce qu’elle est facile à pêcher et qu’elle se débat. Une pratique légale alors que, de l’autre côté de la frontière, en Espagne, des chercheurs espagnols s’évertuent à retirer ces truites de leurs lacs d’altitude, car cette espèce exotique fait trop de dégâts sur la nature. 

Des mairies se mettent à tuer les perruches à collier en liberté
Il y a désormais plusieurs milliers de perruches en liberté en France. Elles sont magnifiques mais elles nichent avant les autres espèces d’oiseaux originaires de France. Squattant les meilleurs recoins dans les arbres. Par endroits, elles sont tellement nombreuses et bruyantes que la mairie de Massy, en Île-de-France, a décidé de les capturer pour les euthanasier. C’est à la fois cruel et inefficace. 

Exclusif : le crabe bleu vient d’envahir l’étang de Berre
Ce crabe, en provenance des côtes atlantiques américaines, a envahi la côte méditerranéenne. Il est parvenu jusqu’à nous en se glissant dans les eaux de ballast qui servent à maintenir la stabilité des gros paquebots. Sa colonisation se poursuit. Pour preuve, il est aujourd’hui présent dans l’étang de Berre. Un cauchemar pour les habitants des environs. 

La naissance exceptionnelle d’un vison d’Europe
Le vison d’Europe est en train de disparaître. Il ne reste qu’une cinquantaine de spécimens à l’état sauvage en France. Ils sont victimes du vison américain, importé pour sa fourrure, qui s’est reproduit dans la nature, en s’accaparant l’habitat des visons d’Europe. Une équipe de chercheurs a réussi à faire se reproduire en captivité des visons d’Europe. 

Les espèces exotiques envahissantes sont identifiées par l’Ipbes comme une des cinq pressions directes de déclin de la biodiversité.

« Par compétition pour les ressources, occupation de niches écologiques, prédation, vection de maladie ou encore des modifications du milieu, elles ont contribué, parmi d’autres causes, à 60 % des extinctions d’animaux et de plantes sur la planète, pertes qui réduisent la résilience des écosystèmes et favorise l’émergence d’autres espèces exotiques. Un cercle vicieux qui n’est pas sans conséquence : le coût économique mondial documenté des invasions biologiques est multiplié par quatre tous les dix ans depuis 1970. En 2019, sur les 37 000 espèces exotiques établies recensées, 3 500 sont envahissantes et les coûts annuels mondiaux des invasions biologiques ont été estimés à plus de 423 milliards de dollars. »
Source : FRB

Je dois l’avouer, j’ai toujours eu du mal avec le terme « espèces invasives ». Pour moi, toutes les espèces ont le droit de vivre dans la nature. Mais en préparant ce documentaire, j’ai pris conscience que l’homme a fait venir en France des espèces qui n’ont pas de prédateurs. Elles mettent gravement en danger nos espèces locales.

Hugo Clément, extrait de son édito

Sur le front – Ces animaux envahissent la France : qui les a importés ?

Frelons asiatiques, écrevisses de Louisiane et perruches prolifèrent en France et mettent en danger des espèces locales. Qui les a importés ? Hugo Clément cherche les responsables et part à la rencontre de celles et ceux qui se battent pour interdire les relâchés d’espèces exotiques. 

Magazine (55 min – 2024 – Inédit) – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Guillaume Dumant – Compositeur du générique Studio31DB – Compositeur du film Worakls – Production Winter Productions – Coproduction France Télévisions 

Ce magazine est diffusé lundi 4 novembre à 21.05 sur France 5
Sur le front – Ces animaux envahissent la France : qui les a importés ? est à voir et revoir sur france.tv

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Publié le 20 octobre 2024