« L’Œil et la main, 30 ans de vos histoires »

Des combats à poursuivre

France 5

Info & société

À l'occasion des trente ans de l'émission, retour sur trois thèmes fondateurs de l'émission. Qui mieux que les téléspectateurs pour les évoquer ?... Leurs témoignages sont à découvrir lundi 9 décembre à 12.55 sur France 5.

« L’Œil et la main, 30 ans de vos histoires ». © ZED

Trente ans après cette première émission en décembre 1994, « L’Œil et la main » poursuit sa mission d'information et continue à questionner la place des sourds dans la société. Aujourd'hui, il nous semble important de revenir sur trois thèmes fondateurs de l'émission parce que ces combats sont toujours à mener.

Laurent Valo

Le souhait initial de L’Œil et la main était de rendre visibles les sourds, leur langue et leurs combats. En un peu plus de huit cents épisodes, l'émission a réussi son pari. Ce programme, qui n'a cessé depuis ses débuts d'évoluer, aborde tous les sujets de société. Pour ce numéro anniversaire, l’éducation en langue des signes, l’accessibilité aux services de santé et les luttes politiques seront les trois thèmes évoqués par des téléspectateurs. Assis l'un(e) en face l'autre, ils échangent, conversent, partagent et reviennent sur leurs histoires, dont certains pans sont indissociables de l'émission.

Quand je repense à toutes les émissions de « L’Œil et la main » que j'ai vues, je réalise maintenant que ça m'accompagne depuis toujours.

Mattéo Beddock

Morceaux choisis

Un père de famille, à propos du milieu médical qui peut être très directif sur les choix à adopter (extrait d'un reportage) : « On nous a dit: “Voilà, il faut l'implanter tout de suite. C'est très urgent”. Je me souviens d'une phrase dans un hôpital parisien où on m'a dit : “Pour 15 000 euros, on vous le répare et il entendra”. C'était une phrase choc, ce “on vous le répare”. Comme si mon enfant était un véhicule. »

Malyka Demeautis : « On nous a parlé de l'émission L’Œil et la main sur La 5; et on s'est mis à regarder cette émission assez régulièrement. Je trouve que les thèmes étaient variés. Cela nous permettait de se projeter dans un monde qui était celui de nos enfants et sur des thématiques très différentes. Et ça nous a beaucoup apporté. »

Sabrina Demurget (extrait d'un reportage) : « Je pense que la langue des signes à permis à Léa de comprendre le monde tout simplement, de pouvoir mettre des mots sur les choses, de pouvoir s'exprimer, dire ce qu'elle ressentait. » 

Barbara Fougère : « Quand on a visité la classe en LSF, ça a été une révélation, ça a été un bonheur absolu d'être avec d'autres enfants sourds avec lesquels elle communiquait mais pas que, d'être aussi avec cette institutrice sourde avec laquelle elle pouvait vraiment converser. Et puis, elle a complètement consolidé sa langue des signes. Quand elle est arrivée en élémentaire, c'est là qu'on s'est rendu compte qu'on avait vraiment fait le bon choix parce qu'elle a commencé à parler d'avenir, à dire qu'elle voulait devenir vétérinaire, qu'elle allait faire des études pour. Et là, on s'est dit, ça y est, elle se projette. »

Malyka Demeautis : « Les classes bilingues, on voit que cela fonctionne. C'est le dispositif qui est idéal pour les enfants sourds et pour les parents qui ont fait le choix de la langue des signes pour leurs enfants. Et de voir que, aujourd'hui en 2024, il y en a très peu en France et que celles qui existent sont très fragiles. C'est vraiment dommage de voir cela, alors qu'il y a une loi qui existe et qui dit que si on fait le choix d'un enseignement en langue des signes pour nos enfants, ils doivent avoir une réponse en face. Et cette réponse n'est pas toujours là. Et quand elle est là, elle concerne un seul niveau, comme le CM2. »

David Roussef : « Quand on annonce à un patient entendant qu'il a un cancer, sa vie bascule complètement. Alors, il faut se mettre à la place d'un sourd. Sans langue des signes, sans interprète, sans le soutien d'un inter-médiateur, l'annonce se fait à l'oral et en général, le patient ne comprend rien. »

François Giraud (extrait d'un reportage) : « Pourquoi les médecins ont-ils encore cette attitude avec les sourds ? Il faut que ça s'arrête. Et je vais batailler contre ça. Contre ça et pour l'accessibilité. Je veux soutenir les pôles santé en langue des signes, je veux aller à la rencontre des malades, les encourager, les aider, leur dire qu'il n'y a aucune raison de se soumettre. »

David Roussef, à propos de l'accès en langue des signes : « Tu sais, en France, il y a 24 unités adaptées aux sourds. C'est déjà pas mal, mais elles sont sans doute encore fragiles. »

Valérie Giraud : « Éléa m'a dit, il n'y a pas longtemps, qu'elle remerciait L’Œil et la main parce que ça lui a permis de voir son père militer pour le sida et aussi dans un film sur l'appareillage. Parce que, quand il était jeune, il a été filmé à plusieurs reprises. Elle a vu toutes ces émissions et elle m'a dit : “ Remercie L’Œil et la main, parce que, grâce à eux, j'ai vu l'évolution de mon père, j'ai vu quel homme il était”. Cela m'a beaucoup émue et cela m'a aussi aidée. Je peux dire que L’Œil et la main, c'est un compagnon de vie. »

Delphine Cantin, à propos des revendications et des actions menées par Sourds en colère : «Il a fallu à peu près quinze, vingt ans pour que les comportements changent vis-à-vis de nous. En premier lieu, celui des médecins ORL et aussi dans les instituts spécialisés. Ils ont changé d'attitude, ils n'osaient plus nous infantiliser, nous laisser de côté et décider à notre place. Ce n'était plus envisageable. On était à la même table, on discutait d'égal à égal. On a franchi des paliers, ils ont été obligés de nous prendre en considération, et ça nous a permis d'entrer dans les discussions politiques. »

Mattéo Beddock : « En ce moment, je me bats pour défendre le droit à la langue des signes, en tant que coordinateur des Journées mondiales des sourds, au sein de la Fédération nationales des sourds de France. Cela me permet d'avoir plein d'informations sur les combats et les actions en cours. Je réalise aussi tout le travail qui a déjà été mené par le passé. Et pour moi, c'est un héritage et une responsabilité. »

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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L’Œil et la main, 30 ans de vos histoires

À l’origine de cette collection documentaire unique, il y a la promesse faite par le journaliste et animateur Jean-Marie Cavada à Daniel Abbou (un sourd rencontré lors d’un épisode de La Marche du siècle sur le « peuple des sourds ») : lorsqu’il créerait sa chaîne, Daniel présenterait une émission hebdomadaire consacrée aux sourds. C’est ainsi qu’est née L’Œil et la main, diffusée pour la première fois le 17 décembre 1994 sur La Cinquième.
Cette émission a une importance particulière pour les sourds : c’est « leur » émission, une référence. Pour le public entendant, c’est une ouverture vers une communauté peu présente dans les médias, l’occasion de poser un autre regard sur le monde. Elle représente une véritable passerelle entre sourds et entendants. 
L’épisode anniversaire diffusé ce lundi 9 décembre donnera la parole à ses téléspectateurs au travers d’archives de l’émission et de témoignages en plateau. L’éducation en langue des signesl’accessibilité aux services de santé et les luttes politiques seront les piliers de l’émission. Régulièrement abordés dans L’Œil et la main, ces trois thèmes se trouvent au cœur du combat des sourds pour leurs droits. 

Magazine (30 min inédit) – Présentation Laurent Valo – Réalisation Alexandra Masbou – Production ZED, France Télévisions – Avec la participation du Centre national du Cinéma et de l'Image animée – Avec le soutien de l'AGEFIPH   

Ce magazine est diffusé lundi 9 décembre à 12.55 sur France 5
L’Œil et la main, 30 ans de vos histoires est à voir ou revoir sur France TV