Entre Bora-Bora et les îles Marquises, une justice proche de ses justiciables
Oubliez les salles d’audience traditionnelles. Ces prétoires qui en imposent avant même d’entrer dans le vif du sujet. En certaines occasions, les femmes et hommes de loi s’adaptent à leur environnement pour rendre la justice. C’est le cas en Polynésie où, plusieurs fois par an, ils tiennent des audiences foraines. « Polynésie, des îles sans tribunal fixe » est à découvrir ce lundi 12 mai à 22.55 sur France 3.
C’est une image méconnue de la justice, à moins d’y avoir été confronté un jour dans sa vie. Une spécificité mise en lumière par Isabelle Curet. Celle des audiences foraines. Leur vocation : aller au-devant des justiciables lorsque ceux-ci se trouvent dépourvus ou trop loin d’un tribunal pour leur proposer les mêmes droits et les mêmes devoirs. Que de telles dispositions perdurent devrait nous réjouir, alors même qu’ailleurs on assiste, impuissant, à la disparition d’un service public de proximité. Seulement ces dispositions particulières occultent d’autres lacunes. Comme en témoigne le réquisitoire de la vice-procureure Hélène Geiger lors d’une audience tenue sur l’île d’Hiva Oa visant à juger la violence commise par un homme sur son frère (le second a hérité de leur père une voiture et le premier lui en garde de la rancœur). « Si on était dans un autre lieu, ils auraient peut-être eu la possibilité d’avoir accès à un notaire, mais sur l’îled’Hiva Oa, il n’y en a pas. Avoir accès à un huissier, mais il n’y en a pas non plus. Avoir accès à un avocat, mais en dehors des audiences foraines, c’est-à-dire deux semaines dans l’année, il n’y en a pas non plus. S’ils avaient accès à un médiateur qui puisse être installé sur l’île d’Hiva Oa, à 1 500 kilomètres de Papeete, eh bien nous n’en serions pas là. Des conflits familiaux, ce sont de vrais conflits, c’est vraiment compliqué parfois d’arriver à communiquer. Et on a besoin de ces tiers. Non parce qu’on est immature, rustre, qu’on ne sait pas réfléchir [mais] parce que c’est compliqué. Et c’est d’ailleurs pour ça, tout le sens de ce service public qui est censé être accessible et [qui] fait défaut. » Tout est dit. Nous avons beau vivre dans un monde ultra-connecté, nous ne sommes pas toujours en mesure de bénéficier d’une aide éclairée à des moments précis de notre vie. Des conseils qui éviteraient bien des déboires… Passé ces écueils, ce documentaire nous laisse entrevoir, et c’est important de le souligner, une justice qui, au-delà de juger, défendre, débattre ou faire appliquer les lois, se montre à l’écoute, s’adapte aux situations et tente d’apporter la plus juste des réponses, qu’elle soit pénale, familiale ou sociale.
Extrait de la note d’intention d’Isabelle Curet
« Moi qui suis désespérée par la lenteur et l’engorgement de la justice en métropole, je découvre qu’une justice proche de ses justiciables existe, à l’autre bout du monde. Une à deux fois par an, un tribunal entier se déplace pour tout juger : pénal, affaires familiales, affaires de terres, état civil, tutelles, assistance éducative. Comment fonctionne cette justice loin de l’apparat dont elle est coutumière ? Comment se défendre dans un monde où tous les avocats sont à des milliers de kilomètres ? La justice est-elle rendue dans de bonnes conditions ? Est-elle adaptée aux justiciables du bout du monde ? Voici l’histoire que j’ai eu envie de raconter. »
Vidéo : Au cœur de la justice à Rimatara
En fonction des nécessités locales, les juridictions judiciaires peuvent tenir des audiences foraines en des communes de leur propre ressort autres que celle où est fixé leur siège.
Le premier président de la cour d'appel, après avis du procureur général près cette cour, fixe, par ordonnance, le lieu, le jour et la nature de ces audiences.
Code de l’organisation judiciaire, Article R124-2 (création Décret n°2008-522 du 2 juin 2008 - art. (V), version en vigueur depuis le 5 juin 2008)
La Ligne bleue : Polynésie, des îles sans tribunal fixe
En Polynésie française, des juges, avocats et procureurs abandonnent, une fois par mois, le tribunal de première instance de Tahiti pour aller rendre la justice sur les autres îles du territoire. Cette collectivité d’Outre-mer est vaste : cinq archipels éparpillés sur un territoire de la taille de l’Europe. Ce tribunal forain s’installe dans une école désaffectée, une mairie, une salle des fêtes. Forain, car il ne reste sur place que quelques jours, voire quelques heures avant de reprendre le bateau ou l’avion. Magistrats et avocats se retrouvent alors, par la force des choses, compagnons de voyage, de vie, forcément unis dans ce périple du bout du monde. Le documentaire Polynésie, des îles sans tribunal fixe est un road-movie judiciaire entre Bora-Bora et les îles Marquises.
Documentaire (56 min – inédit) – Autrice et réalisation Isabelle Curet – Compositeur Patamou – Production Eléphant Doc, avec la participation de France Télévisions et du Centre National du Cinéma et de l’Image animée
Ce documentaire est diffusé lundi 13 novembre à 22.55 sur France 3
La Ligne bleue : Polynésie, des îles sans tribunal fixe est à voir et revoir sur france.tv
Pour aller plus loin : Opération Cœur Outre-mer
Du 6 au 28 novembre 2023, France Télévisions mobilise l’ensemble de ses offres pour raconter et décrypter les territoires ultramarins. Pour sa 5e édition, l’Opération Cœur Outre-mer adopte un format particulier avec une programmation sur quatre semaines consécutives.