« Violette Morris, une femme à abattre »
Ce qu’un homme fait Violette peut le faire
France 5
Documentaire
Violette Morris est une des championnes multisports les plus médaillées des années 1920, notamment face à des hommes. Ce documentaire retrace le parcours d’une sportive inarrêtable et contextuellement transgressive qui, en quête de reconnaissance, finira par collaborer avec le régime fasciste sous l’Occupation. Quelle est l’histoire de cette femme avide de liberté, aussi « flamboyante qu’indéfendable » ? Réponse dimanche 30 juin à 22.55 sur France 5 et sur france.tv.
Athlétisme, boxe, football, cyclisme, course automobile, natation… Violette Morris bat les records chez les femmes mais aussi chez les hommes. On découvre dans ce documentaire l’histoire d’une athlète extrêmement performante qui transcende les normes, mais malheureusement entachée par sa collaboration avec le régime de Vichy.
Violette Morris est issue d’un milieu aisé : des grands-parents maternels appartenant à une riche famille égyptienne et une grand-mère paternelle juive d’Algérie. Elle aurait été destinée à emprunter le chemin classique des femmes de l’époque, cependant son histoire familiale la mènera dans d’autres directions. Elle commence le sport jeune et y trouve la reconnaissance que ses parents ne lui ont pas apportée.
Dans les années 1920, les Français·es suivent avec attention son parcours et aiment son « irrévérence ». Elle remporte une cinquantaine de médailles dans plus de vingt disciplines différentes et affiche clairement sa volonté de gagner. La France est emballée ! Quand la guerre éclate, elle devient soldat car elle est fille de militaire et partage ces valeurs. Sur le front, elle porte un pantalon et se coupe les cheveux pour plus de praticité. Cravate, veston d’« homme », pantalon de flanelle et cheveux courts gominés, elle conserve ces vêtements dits masculins à son retour. Elle incarne une figure de femme qui lutte pour son indépendance et le droit au travail, un symbole pour une époque en pleine mutation. Violette Morris veut être libre, suivre ses envies. Le milieu du sport est aussi traversé par cette dynamique. Les femmes intègrent les compétitions et notre sportive de haut niveau participe au mouvement qui fait bouger les lignes.
Au nom de toutes mes compagnes de sport, j’adresse officiellement au Comité olympique la demande d’organisation d’épreuves internationales féminines.
Violette Morris, édito publié dans la presse en 1919
Mais sa personnalité et son caractère sulfureux dérangent les codes féminins. Sa carrure est imposante, elle fume, parle fort, dit ce qu’elle pense avec gouaille et assume son lesbianisme. Elle se confronte donc à la Fédération féminine sportive de France, influencée par le retour d’un courant conservateur prônant une certaine moralité dans les tenues de compétition. L’organisme refuse qu’elle porte des vêtements perçus comme masculins. L’organisation ne lui renouvelle pas sa licence, l’empêchant ainsi de participer aux Jeux Olympiques. C’est la première fois que la compétition est ouverte aux femmes (1928) et notre sportive est au point culminant de sa carrière, le moment propice. Elle réfute les motifs et entame un procès, qu’elle perd. Cet épisode déclenche une rupture avec le monde du sport qui bouleverse sa vie et l’atteint profondément.
L’habit masculin n’a, à ce que je sache, rien de malséant. Tant que les lois de la République française ne m’en empêcheront pas, rien ni personne ne peut m’interdire un costume qui, vous en conviendrez, est toujours décent.
Violette Morris, sa défense face à l’exclusion de sa fédération sportive
Descente à droite
Violette Morris continue un peu dans le circuit automobile mais elle reste amère. Elle doit se réinventer et se lance dans le chant, le music-hall. Elle devient une figure de cabaret, une artiste lyrique et transformiste, et côtoie Colette, Cocteau et Marais. Ces milieux sont plus ouverts à une diversité d’identités, elle peut donc y évoluer librement. Elle fréquente plusieurs femmes, puis s’installe avec Yvonne de Bray sur une péniche. Le sport lui permettait de canaliser ses émotions. Depuis, elle décline. D’autres épisodes de sa vie appuient son déclin dans la presse, le sport et généralement la France qui l’a, par le passé, adulée. Elle se laisse donc séduire par les dirigeants du régime fasciste qui l’invitent à Berlin et la décorent pour ses exploits passés. Elle collabore en devenant chauffeur pour un colonel en 1940. Même si elle n’en partage a priori pas vraiment les idées, elle vient combler ses besoins de reconnaissance en répondant à ceux du régime. Comment évolue la vie de Violette Morris, à qui on a ôté sa passion, dans ce contexte dictatorial ? Une situation historique ambivalente, intéressante à analyser depuis le contexte actuel.
Ce qu’un homme fait Violette peut le faire.
Violette Morris
Biographie de la réalisatrice • Marie-Christine Gambart
Marie-Christine Gambart réalise des documentaires depuis une vingtaine d’années. Elle a signé de nombreux films de société sur des sujets comme l’alcool au féminin, le revenge porn ou encore la grossophobie. Elle réalise également des portraits comme Maillan, Poiret, Serrault, drôles pour toujours, diffusé en prime time sur France 3. Mais aussi des films historiques comme La France catholique face à la Shoah ou Les Sœurs Nardal, les oubliées de la négritude, toujours pour France 5.
Violette Morris, une femme à abattre
« La Case du siècle »
Documentaire (52 min – 2024) – Un film de Marie-Christine Gambart – Raconté par Chloé Réjon – Produit par Fanny Glissant et Stéphane Millière – Production Gédéon Programmes
Liste des intervenant·es
• Gérard de Cortanze, écrivain
• Florys Castan-Vicente, historienne du sport
• Anaïs Bohuon, socio-historienne du sport
• Juliette, autrice-compositrice-interprète
• Christine Bard, historienne du féminisme
• Catherine Gonnard, journaliste
• Jean-Marc Berlière, historien
Violette Morris, une femme à abattre est diffusé dimanche 30 juin à 22.55 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv