« Sur le front – Qui pollue notre eau du robinet ? »

Voyage en eau trouble

France 5

Info & société

Pour notre santé, il nous est conseillé de boire un litre et demi d’eau par jour… encore faut-il que celle-ci ne soit pas impropre à la consommation. Comment est traitée notre eau potable avant de parvenir jusqu’à nous et à quels risques sommes-nous confrontés, lorsque des seuils sont dépassés ? Pour le savoir, Hugo Clément a mené l’enquête et ses constatations sont à découvrir lundi 25 novembre à 21.05 sur France 5. 

« Sur le front – Qui pollue notre eau du robinet ? ». © Winter Productions

Il faut bien se l’avouer, comment être certain que l’eau du robinet que nous consommons est réellement potable ? On pourrait se raccrocher à l’idée qu’avant de nous parvenir elle a été traitée, que les taux de pesticides relevés, pour ne citer qu’eux, sont sans danger pour notre santé. Mais force est de constater que régulièrement des seuils sont dépassés, des alertes sont données, de nouvelles molécules sont classées comme cancérigènes. « Le 27 septembre, le flufénacet a été reconnu comme un perturbateur endocrinien par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette requalification devrait conduire automatiquement les autorités françaises à considérer désormais le TFA (l’acide trifluoroacétique) comme un métabolite “pertinent” pour l’eau potable – c’est-à-dire potentiellement dangereux (source : Le Monde). » Plus récemment, des habitants de quinze communes normandes se sont vu interdire par l’Agence régionale de santé de Normandie de consommer de l’eau potable pour « l’usage alimentaire, la boisson, le lavage des dents, la toilette des nourrissons, la préparation des aliments et les glaçons » suite à la contamination d’un réseau d’eau (due à des particules d’argile et de limon provenant de l’érosion des terres suite à de fortes pluies). Et c’est sans parler de l’étude américaine, publiée en début d’année dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, décomptant près de 240 000 fragments de micro et nanoplastiques par litre (pour différentes marques d’eau en bouteille) ou de ces révélations concernant des eaux de source et minérales naturelles traitées alors qu’elles sont censées ne pas en avoir besoin (l’enquête, publiée elle aussi en début d’année, avait été menée conjointement par Le Monde et la cellule investigation de Radio France).
C’est donc avec un peu d’appréhension que l’on accepte de suivre Hugo Clément dans ce tour de France du traitement de l’eau. Si certains constats n’ont rien de rassurant, d’autres, au contraire, redonnent de l’espoir. 

Mickaël Derangeon, adjoint au maire de Saint-Mars-de-Coutais : Donc c’est un blé « Terres de Sources » ?

Un agriculteur : Oui. J’ai des enfants qui habitent en ville, qui boivent l’eau de la ville de Rennes, donc on est tous attachés, quand même, à améliorer la qualité de l’eau.

Mickaël Derangeon : C’est une approche qui est extrêmement intéressante pour la santé de tout le monde. La santé économique des exploitations, la santé économique du territoire, la santé tout court.

Michel Demolder, président de la Collectivité Eau du Bassin rennais : L’intérêt, c’est de dire : « Mieux vaut faire de la préservation des sols et de l’eau en amont que de faire un traitement qui coûte de plus en plus cher. »

Échanges entre Mickaël Derangeon, un agriculteur et Michel Demolder

Séquences exceptionnelles

Que fait-on quand la pollution dépasse les seuils dans l’eau du robinet ? On la dilue.
C’est une pratique très répandue et pourtant personne n’en parle. Quand les seuils de pollution sont dépassés sur un point de captage, au lieu de dépolluer l’eau ou de fermer le puits, on la mélange à un autre point de captage. La pollution est toujours présente mais elle est diluée… et elle repasse en dessous des seuils réglementaires.  

Chlorothalonil : on boit en France une eau interdite en Suisse
Nous avons découvert un point de captage en Suisse où des résidus de chlorothalonil, un pesticide, ont été mesurés à 0,14 microgramme par litre. Le puits a été fermé, cette eau ne rejoint plus le robinet. À l’inverse, à quelques kilomètres à vol d’oiseau, on trouve un puits avec deux fois plus de pollution (0,28 microgramme par litre) ouvert et dont l’eau est bue par les habitants de Lons-le-Saunier.  

L’eau déconseillée aux femmes enceintes… mais personne ne les prévient 
Quand l’eau du robinet contient trop de perchlorates (des polluants issus notamment des restes de munitions présents dans les sols du nord de la France), elle est déconseillée aux femmes enceintes et aux nourrissons. Mais comme nous avons pu le vérifier, la population n’est pas alertée et personne n’est au courant des risques. 

Qui paie la dépollution de l’eau du robinet à Rumilly ? Tefal
Les captages d’eau potable autour d’un site industriel où se trouve, entre autres, l’usine de poêles Tefal, ont tous été fermés pendant un an et demi. L’eau contenait des PFAS, des polluants éternels. Depuis, les autorités ont installé une station de traitement pour pouvoir rouvrir les puits et à nouveau consommer l’eau. Cela coûte 400 000 euros par an. C’est Tefal qui règle la facture, alors que personne ne les oblige à le faire. Un représentant de l’entreprise reconnaît qu’ils ont peut-être une part de responsabilité dans la pollution de l’eau. 

Perrier citron devient « Maison Perrier » : mais pourquoi ? 
Le Perrier citron a disparu et Maison Perrier vient d’apparaître dans les rayons. Quelle est la différence entre les deux ? Un petit détail : l’eau a été traitée, ce n’est donc plus une eau minérale. Perrier a reconnu avoir eu des problèmes de pollution. Ils ont donc dû inventer une nouvelle marque pour continuer à vendre leur eau.

Solution : le label « Terres de Sources » 
Cela se passe à Rennes. Les agriculteurs se trouvant à proximité des captages d’eau potable s’engagent à ne plus utiliser de pesticides. En échange, ils labellisent leurs produits « Terres de Sources ». Ils sont assurés de les vendre à un bon prix et peuvent même recevoir des primes. Au lieu de payer une dépollution très coûteuse, les autorités se sont attaquées à la pollution à la source… Et cela fonctionne. 

Présent dans 49 captages en Charente, l’un des métabolites du chlorothalonil, cancérogène, vient d’être déclassé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire.

Thomas Gabrion, La Charente Libre (28 juin 2024)

Qu’est-ce que le chlorothalonil ?

« Le chlorothalonil a été mis sur le marché en 1970. Il est entré dans la composition de nombreux produits phytosanitaires pour les céréales, légumes, fleurs, gazon… et biocides pour les peintures, produits de traitement du bois…
En France, son usage en tant que biocide n’est plus autorisé depuis 2010, et depuis 2019 en tant que substance active phytosanitaire, suite au non-renouvellement de son approbation par l’Europe. En pratique, l’utilisation des stocks a été tolérée jusqu’en mai 2020.
En dehors de l’Europe, ce produit est encore utilisé dans de nombreux pays.

Quelle est la différence entre le chlorothalonil et le chlorothalonil-R471811 ?
Le chlorothalonil est la molécule qui entre dans la composition d’un fongicide. Un fongicide est un produit utilisé pour lutter contre les champignons qui causent les maladies des plantes comme le mildiou, l’oïdium, les moisissures…
Une fois appliquée sur les cultures, la substance active se dégrade sous l’effet de différents facteurs et donne naissance à d’autres molécules qu’on appelle “métabolites” ou “molécules filles”. 
Le chlorothalonil-R471811 est un métabolite, ou produit de la dégradation du chlorothalonil. »
Source : Communauté d’agglomération de La Rochelle

Je me suis longtemps demandé s’il fallait boire de l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille. D’abord, je voulais absolument me passer du plastique jetable, et puis l’eau en bouteille est environ 100 fois plus chère que l’eau du robinet. J’ai voulu m’assurer que cette eau qui sort de nos robinets ne posait vraiment pas de problèmes pour la santé. En enquêtant, nous avons découvert qu’en France on découvre de plus en plus de polluants dans l’eau potable. Résidus de pesticides, polluants de l’industrie ou restes des guerres… Toutes les régions de France sont concernées.

Hugo Clément, extrait de son édito
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Sur le front – Qui pollue notre eau du robinet ?

Que fait-on quand une eau potable dépasse les seuils de pollution ? On la dépollue ? On ferme le captage ? Eh bien non : on la mélange simplement avec une autre source, plus pure, et on la renvoie dans le réseau ! Hugo Clément nous montre les petits arrangements pour dépolluer notre eau potable. En France, on découvre de plus en plus de polluants dans l’eau… et il devient de plus en plus cher de les traiter. 

Magazine (55 min – 2024 – Inédit) – Création Régis Lamanna-Rodat et Hugo Clément – Présentation Hugo Clément – Rédaction en chef Pierre Grange – Réalisation Thomas Raguet – Compositeur du générique Studio31DB – Compositeur du film Worakls – Production Winter Productions – Coproduction France Télévisions 

Ce magazine est diffusé lundi 25 novembre à 21.05 sur France 5
Sur le front – Qui pollue notre eau du robinet ? est à voir et revoir sur france.tv

Pour aller plus loin. Enquête : l’eau du robinet contaminée par des polluants éternels


« Entre la mi-avril et début juin 2024, chacune des 44 radios locales de France Bleu a réalisé deux prélèvements en fonction de son bassin de population, mais aussi de lieux où la présence de PFAS dans des sources d’eau était déjà connue grâce à des travaux de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation). “Nos journalistes ont identifié des lieux possibles, ils ont fait les prélèvements et les ont renvoyés dans les règles. C’est un véritable travail d’enquête et pas seulement de laborantin”, explique Matthieu Mondoloni, directeur de l’information du réseau France Bleu. En effet, la proximité entre des captages d’eau et des usines, mais aussi des aéroports, des casernes de pompiers, des papeteries ou des centres de traitement de déchets, de potentiels émetteurs de PFAS, ont guidé nos investigations. Le laboratoire Ianesco, agréé pour l’analyse des PFAS dans l’eau du robinet, a ensuite réalisé les analyses afin que chaque radio locale puisse voir les résultats. 
Sur 89 échantillons d’eau du robinet, 43 % contiennent des PFAS. 27 échantillons révèlent des PFAS interdites ou classées comme cancérogènes, dont cinq à des niveaux préoccupants : à Auxerre (Yonne), Lille (Nord), Saint-Jean-de-Losne (Côte-d’Or), Saint-Vit (Doubs) et Déols (Indre). Dans des pays comme le Danemark ou les États-Unis, aux législations plus strictes, ces cinq échantillons seraient considérés comme hors norme. 
Trois prélèvements dépassent la limite française. Il s’agit de Cognac (Charente), Martres-Tolosane (Haute-Garonne) et Saint-Symphorien-d’Ozon (Rhône). »
Source : France Inter

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Publié le 11 novembre 2024