Après Chido : penser collectivement les plaies mahoraises
Après Chido : penser collectivement les plaies mahoraises
France 5
Info & société
En dévastant Mayotte, le 14 décembre dernier, le cyclone Chido a mis brutalement sous les projecteurs les conditions de (sur)vie de ce bout de France perdu dans l’océan Indien. À travers deux documentaires et un débat, France Télévisions propose une soirée spéciale éclairant les traumatismes de l’île, les enjeux de son territoire et la situation de sa population. Dimanche 23 février à 21.05 sur France 5.
« La catastrophe est le produit de la rencontre entre un phénomène physique extrême et une population humaine vulnérable », écrivaient les géographes Phil O’Keefe, Ken Westgate et Ben Wisner dans un article fondateur de la pensée du risque publié en 1976 par la revue Nature. Autrement dit, une catastrophe n’est jamais, à proprement parler, « naturelle » : elle s’inscrit d’abord et toujours dans un ensemble de déterminants sociaux et culturels. Quarante ans de dérèglement climatique plus tard, l’actualité ne cesse de confirmer la pertinence de leur analyse. Dernier exemple en date : le cyclone Chido, dont la violence extrême (rafales de vent jusqu’à 250 km/h) résonne avec l’extrême vulnérabilité de ses victimes mahoraises (39 morts et 5 000 blessés).
[Après le cyclone] tout le monde doit repartir à zéro. Mais déjà que, de base, on était à zéro, ça fait encore moins que zéro...
Mohamed B, habitant du quartier de Mavadzani – « Mayotte, l’impossibilité d’une île »
Les images des bidonvilles ravagés servent ainsi, si l’on peut dire, de révélateur : en dévastant Mayotte le 14 décembre dernier, Chido a mis brutalement sous les projecteurs les conditions de vie des Mahorais, soumis depuis des années à une accumulation de crises (économique, démographique, migratoire, sanitaire) qu’accentue un sentiment général d’abandon. L’île, devenue par référendum le 101e département français en 2011, accuse un retard de développement estimé à soixante ans par rapport au reste de la France : 77 % de la population (soit plus de 200 000 personnes) y vit sous le seuil de pauvreté ; 39 % y est logée dans des bidonvilles ; le niveau scolaire y est le plus faible du territoire national (15 000 enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas) ; 29 % de ménages mahorais n’ont pas l’eau courante. Ce qu’on appelle une « population humaine vulnérable ».
Comment expliquer une telle vulnérabilité ? Comment y faire face ? Comment se relever, (se) reconstruire ? Quel sens donner à la catastrophe que représente le cyclone Chido ?
En écho aux débats autour des urgences et de l’avenir de Mayotte, France 5 propose une soirée spéciale éclairant les traumatismes de l’île, les enjeux de son territoire et la situation de sa population.
La France se retrouve avec cette situation où elle doit administrer un territoire qu’elle ne sait pas administrer et donc à devoir gérer les crises les unes après les autres.
Vincent Bouvier, ex-préfet de Mayotte – « Mayotte, l’impossibilité d’une île »
Le Monde en face ouvre cette soirée avec Mayotte, l’impossibilité d’une île. La réalisatrice Julie Peyrard y parcourt le territoire de part en part pour dresser, avec un sens aigu de l’observation et une sensibilité bouleversante, le portrait de celles et ceux qui y (sur)vivent – toutes ces existences déjà meurtries, rendues plus fragiles encore par le cyclone, qui a frappé l’île pendant le tournage. Film choral, le documentaire donne tour à tour la parole, et à part égale, à une jeune mère comorienne en situation irrégulière menacée d’expulsion, à une militante en lutte contre l’immigration clandestine, à un instituteur gravement blessé par des « coupeurs de route » (ces pilleurs adeptes du « car-jacking »), à un délinquant repenti soumis au « décasage » de son habitation (ces opérations de démantèlement des bidonvilles), au jeune leader d’une bande prise dans une spirale de violence contre des groupes rivaux… Leurs récits se mêlent, se répondent, se contredisent, s’entrechoquent et, pas à pas, exhibent les cicatrices mahoraises tout en cherchant à les panser. Il en résulte un vertigineux portrait composite, profondément humain, qui, interrogeant collectivement notre sens du vivre-ensemble, traduit l’asphyxie de tout un territoire autant que les errements d’un pays – la France – englué dans ses atermoiements post-coloniaux.
C’est une immense sagesse de nos anciens que d’avoir vu, au-delà des sirènes de l’indépendance, d’avoir vu que sans Paris, nous, Mayotte, on ne survit pas.
Estelle Youssouffa, députée de Mayotte – « Mayotte, le choix rester français »
Dans La Case du siècle, Mayotte, le choix de rester français éclaire la situation actuelle par un retour à l’histoire commune de l’île et de la métropole. Le film retrace ainsi les étapes qui, en pleine ère de décolonisation sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, ont conduit Mayotte à se détacher des îles voisines des Comores pour choisir la France. Écrit par Fabrice d’Almeida, coécrit et réalisé par Philippe Tourancheau, le documentaire mêle images d’archives et interviews de personnalités pour rappeler le parcours de ce petit groupe d’hommes et de femmes mahorais (les fameuses membres du mouvement non violent des « Chatouilleuses ») qui ont mené une campagne active pour changer le cours de l’histoire. Une épopée démocratique inspirante, à l’heure où partout l’autoritarisme menace.
Soirée spéciale consacrée à Mayotte
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21.00 Le Monde en face : Mayotte, l’impossibilité d’une île
Le samedi 14 décembre 2024, le cyclone Chido frappait Mayotte, faisant un bilan provisoire de 39 morts et 5 000 blessés. Les images des bidonvilles ravagés, qui ont fait le tour des médias, servent de révélateur : Mayotte est en crise depuis des années. Le vivre-ensemble est malmené, la violence y est endémique, la pauvreté, le manque d’infrastructures rongent le territoire. Comment, dès lors, lire cette crise ? Comprendre les maux de ce département dont les habitants se disent oubliés ? Avant la tragédie, durant plusieurs semaines, la production du film était déjà en cours. L’actualité est venue percuter le tournage. Mais le temps long permet, avec ce documentaire, de mieux la comprendre.
Film choral, le documentaire tente de donner la parole à celles et ceux qui vivent à Mayotte et adopte alternativement leurs points de vue pour tenter, au moins, de retisser le fil de ce qui a été perdu.
Documentaire (inédit – 78 min – 2025) – Réalisation Julie Peyrard – Production Everprod – Avec la participation de France Télévisions - Pôle Outre Mer
Avec Coco Djoumoi, « chatouilleuse » centenaire ; Ahmed Thabit, diplomate comorien ; Mohamed B, habitant du quartier de Mavadzani, décasé, chanteur ; Elina Jean-Claude, membre de l’association Haki za Wanatsa – « Les Droits de tous les enfants » ; Baraka Bacar, membre de l’association Haki za Wanatsa – « Les Droits de tous les enfants » ; Safina Soula, membre du collectif citoyen Mayotte 2018 ; Sandia Rakib, habitante de Doujani 2, mère de famille, menacée d’expulsion ; « Le Gérant », habitant du quartier de Kawéni, chef de bande ; Eli Letourneur, expert psychologue ; Yann Lebris, procureur de la République ; Vincent Bouvier, ancien préfet de Mayotte ; Rémi Carayol, journaliste ; Yasmina Aouny, écrivaine ; Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a Soif ; Dhoul Douhouchina, victime de coupeurs de route, instituteur
22.20 Le Monde en face : Le débat
La diffusion du documentaire sera suivie d’un débat présenté par Mélanie Taravant.
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22.50 La Case du siècle : Mayotte, le choix rester français
Le 22 décembre 1974, on vote dans l’archipel des Comores. Pour ou contre l’indépendance ? Ce vote crucial voit pour la première fois Mayotte exprimer son désir de rester française, envers et contre tous. Car le président Giscard d’Estaing, de nombreux élus et les instances internationales pensaient que l’ère de la décolonisation devait s’imposer là comme ailleurs. Mais un petit groupe de femmes et d’hommes de Mayotte mène une campagne active et parvient à changer le cours de l’histoire. Ce sont eux encore qui poussent pour la départementalisation afin d’être sûrs que la mère patrie ne les oubliera jamais. Et, aujourd’hui, leurs descendants rappellent la France à ses devoirs.
Documentaire (inédit – 52 min — 2024) – Scénario Fabrice d’Almeida – Scénario et réalisation Philippe Tourancheau – Commentaires Fabrice d’Almeida – Production Éclectic – Avec la participation de France Télévisions et du CNC
Avec Nicolas Sarkozy, ancien président de la République ; Haribon Chebani, ancien président de la République des Comores ; Henriette Saïd, femme de Younoussa Bamana ; Anchya Bamana, maire de Sada, fille de Younoussa Bamana ; Zaïdou Bamana, journaliste, fils de Younoussa Bamana ; Olivier Stirn, ancien ministre des Outre-mer ; Pierre Joxe, ancien ministre de l’Intérieur ; Brice Hortefeux, ancien ministre de l’Intérieur ; Michel Blangy, ancien préfet de La Réunion ; Mama Bolé, membre du mouvement des « Chatouilleuses » ; Philippe Bas, secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac ; Halda Halidi, journaliste à Mayotte La 1ère ; Estelle Youssoufa, journaliste, députée de Mayotte ; Inssa de Nguizijou, conservateur des archives, Mayotte ; Laurent Vallery-Radot, avocat
Cette soirée spéciale consacrée à Mayotte, diffusée dimanche 23 février à 21.05 sur France 5, est à (re)voir sur france.tv