Au plus froid de notre histoire

Il faut s'imaginer une planète hostile, aux antipodes de celle que nous connaissons aujourd'hui (et ce, malgré tout ce que nous lui faisons subir). Un monde en proie au chaos, aux changements climatiques démesurés. Pour comprendre l'impact qu'ils ont eu sur notre devenir (et celui de la faune et la flore), il faut se replonger dans son histoire tourmentée. À l'époque du supercontinent, la Rodinia. Entourées d'eau, ses terres étaient arides et dénuées de vie. À l'inverse, sur le plancher océanique de ses eaux côtières, de microscopiques bactéries formaient des tapis microbiens sur lesquels se dressaient des eucaryotes primitifs. « En fonction des cellules qui les constituent, les organismes vivants sont soit des procaryotes, soit des eucaryotes », précise la docteur en géobiologie Cecila Sanders. « Contrairement aux cellules des procaryotes, les cellules des eucaryotes contiennent tout leur ADN dans une structure centrale, le noyau. » La présence de ces eucaryotes, conjuguée à un lent processus géologique, a donné naissance aux plantes, aux animaux et aux êtres humains. 

Les eucaryotes et toutes les autres formes de vie se sont adaptés, mais au cours d'une lente évolution. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain.

Peter Girguis, université de Harvard

Des éruptions volcaniques à la Terre boule-de-neige

Aminci par les forces tectoniques, la croûte terrestre de la Rodinia a fini par laisser échapper du magma en fusion sur plus de deux millions de kilomètres carrés. Parmi les conséquences de cet événement majeur, la diminution de dioxyde de carbone dans l'atmosphère. « Comme il y avait à la fois énormément de basalte et de pluie, ça enlevait de grandes quantités de dioxyde de carbone de l'atmosphère », explique Chris Jackson. Une diminution qui a engendré le refroidissement progressif de la Terre et l'apparition de glace dans les régions polaires. Des surfaces glacées qui n'auront de cesse de s'étendre pour recouvrir la quasi-totalité de la planète. « Dès qu'une surface est couverte de glace, ça augmente l'albédo de la planète, précise un scientifique. C'est-à-dire son pouvoir réfléchissant. Plus il y a de rayons solaires qui sont réfléchis, plus la planète se refroidit et donc plus il y a d'eau qui se change en glace. » Difficile à croire, mais des organismes vivants ont réussi à survivre à cet univers glacé. « Il y avait des formes de vie avant la période de la Terre boule-de-neige, et il y en a encore aujourd'hui, explique la chercheuse en biologie Jaz Millar depuis un glacier islandais. Il y en a donc forcément qui ont survécu. Ces trous [à cryoconites] (en désignant l'un d'eux) sont parfaits pour les micro-organismes, car ils leur permettent de bénéficier à la fois du soleil et de l'eau de fonte. » Ce ne sont sans doute pas les seuls endroits où des organismes ont survécu à cette longue période de glaciation, mais ils y ont indéniablement participé.

Pour que la vie refleurisse vraiment, il faudra qu'un changement radical la libère de cette prison de glace.

Susannah Porter, université de Californie

Mécanisme de rétroaction glace-albédo

« Le mécanisme de rétroaction glace-albédo décrit l'interaction entre la cryosphère (surface terrestre recouverte de neige et de glace) et le climat global. Le réchauffement global fait fondre la glace, ce qui augmente la surface d'eau ou de végétation. La glace a un albédo élevé et réfléchit la plus grande partie du rayonnement solaire vers l'espace, tandis que l'eau ou la végétation en absorbent la plus grande partie. Les surfaces sont ainsi davantage réchauffées, ce qui entraîne la fonte d'autres surfaces de neige et de glace. Ce mécanisme n'agit pas seulement dans les régions polaires, mais aussi dans les montagnes, où la fonte des glaciers entraîne la même accélération du réchauffement. Il s'agit d'une rétroaction positive qui renforce encore la cause agissante. Cela fonctionne également dans l'autre sens : un refroidissement entraîne une extension des surfaces de neige et de glace et, par conséquent, une augmentation du rayonnement rétroactif et un refroidissement supplémentaire. »
Source : Météo Suisse - Office fédéral de météorologie et de climatologie