« Science grand format : Le Génie romain »

Visiter la Rome antique de manière virtuelle et interactive

France 5

Documentaire

Pouvoir découvrir et parcourir la Ville éternelle au temps de l’Empire romain. Tel est le projet initié par l’université Caen Normandie sur lequel travaillent conjointement scientifiques et infographistes depuis trente ans. Un travail titanesque réalisé en 3D qui permet de mesurer les prouesses et les innovations techniques dont a bénéficié la plus grande ville du monde durant l’Antiquité pour nourrir, loger et accueillir son million d’habitants. À voir jeudi 19 septembre à 21.05 sur France 5.

« Science grand format : Le Génie romain ». © Grand Angle Productions

Au départ, il y a une maquette en plâtre représentant la ville de Rome au IVe siècle après J.-C. réalisée à l’échelle 1/400 par l’architecte Paul Bigot au début du XXe siècle (dans les années 1930, Italo Gismondi confectionna lui aussi une maquette complète de la ville antique mais à l’échelle 1/250). Conservé à l’université de Caen Normandie, ce joyau s’étend sur 70 m2 (des trois copies fabriquées à partir de l’original, il ne reste que l’exemplaire déposé aux Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles). De cet objet unique est né un projet tout aussi exceptionnel : redonner vie à la plus grande ville du monde durant l’Antiquité à travers une restitution virtuelle. 

La restitution virtuelle réaliste est le moyen que nous avons choisi pour faire vivre les sciences de l’Antiquité, pour passionner un public pluriel autour des fruits de la recherche sur Rome.

L’équipe de recherche de l’Université de Caen Normandie à propos du projet « Plan de Rome »

Ce projet « Plan de Rome » peut se voir comme un jeu vidéo dans lequel un personnage déambulerait à loisir dans une ville à une époque donnée. À cela près que chaque mesure, relevé, modélisation, restitution est vérifié, validé. Partir de l’existant, des fouilles, des écrits pour faire renaître l’antique cité. Un travail d’orfèvre, minutieux et laborieux, où rien n’est laissé au hasard. Avec l’aide des infographistes et des informaticiens, les chercheurs de l’université de Caen Normandie réalisent un plan à l’échelle 1 (à ce jour, près de 80 % a été restitué). « Avec la réalité virtuelle, explique le professeur de latin et fondateur du CIREVE, Philippe Fleury, on peut s’immerger, au sens propre. C’est-à-dire entrer dans la maquette. Ici on a l’échelle 1, c’est-à-dire qu’on voit le forum de Trajan, non pas en modèle réduit mais comme si on y était. Alors on va pouvoir expérimenter un certain nombre de choses, des points de vue, des éclairages. Et puis on va pouvoir aussi représenter à l’échelle humaine ce qu’était une place immense comme celle-là, lumineuse à son centre, ombrée avec un ombrage agréable sous les portiques. On se rend compte tout de suite de la dimension, de la hauteur extraordinaire. C’est ça que rend la réalité virtuelle. » 

Là où la 3D a vraiment apporté quelque chose, c’est sur toute la perception de la statuaire, parce que le Colisée tel qu’on le voit aujourd’hui, finalement, il est tout nu. Un Romain n’aurait pas compris qu’on le trouve beau. Pour lui, il aurait été complètement vide. Il faut imaginer qu’au premier niveau il y avait les statues des dieux en bronze (...). Au deuxième niveau, il manque les aigles aux ailes partiellement déployées (...). Ce qui nous manque peut-être le plus, c’est le colosse de Néron. Si le Colisée s’appelle ainsi, c’est parce qu’il y avait une statue monumentale de Néron, juste à côté. Trente mètres de haut.

Sophie Madeleine, directrice du CIREVE

Des innovations techniques au service d’une ville et de ses habitants

« On peut dire qu’à une époque où il n’y avait ni satellite ni GPS, avoir une représentation aussi fidèle de l’espace urbain paraît extraordinaire, explique l’archéologue Giulia de Palma. Cette carte unique au monde [la Forma Urbis] permet de comprendre la manière dont l’espace a été organisé. On y voit les bâtiments publics, les espaces destinés aux activités récréatives, les divertissements, les thermes, les théâtres et bien sûr les espaces privés tels que les résidences ou les nécropoles. La carte montre aussi le réseau routier qui relie les différentes parties du tissu urbain. » Un exploit qui est loin d’être unique si l’on se fie aux différentes innovations dont ont bénéficié les Romains. On a tous en tête des images d’aqueducs, d’arènes, de routes pavées, de thermes, mais combien d’entre nous connaissent l’existence de bornes kilométriques (disposées tous les mille pas, elles indiquaient la ville la plus proche), d’immeubles collectifs de plusieurs étages ou encore de chariots de pompiers dotés de pompes à piston à jet continu. « Ce qui caractérise les Romains, c’est le pragmatisme, rappelle Philippe Fleury. C’est construire les machines qu’il faut, au moment où il faut pour l’objet qu’il faut. Et une organisation quasi militaire sur les chantiers, sur la logistique qui va permettre de construire ces bâtiments. » Il suffit de découvrir l’envers du décor de la salle à manger tournante de Néron (installée à 20 mètres de hauteur, elle tournait sur elle-même jour et nuit), des thermes de Caracalla ou du Colisée pour mesurer l’ingéniosité des constructeurs de l’époque. Car, ne l’oublions pas, ils ne disposaient ni de nos outils ni de nos technologies de pointe. 

C’est un béton qui est naturel et très simple. Et qui dure dans le temps. La preuve, deux mille ans après, le béton est toujours extrêmement solide. Il est très simple au final. Il est composé de cinq éléments (...). Seulement, on a perdu le sixième élément, qui est le savoir-faire romain. Le savoir-faire ne s’est pas transmis. Et le coup de main, comme dans une bonne recette de cuisine, a été perdu. Et là, on est en train d’essayer de reprendre ce coup de main.

Jean-Philippe Goiran, chercheur au CNRS, à propos du béton hydraulique romain

Les thermes de Caracalla

« Aurelius Antoninus, surnommé Caracalla, entreprit la construction des Thermae Antoninianae, ou thermes de Caracalla, à partir de 212 ap. J.-C. Ce sont les empereurs Élagabal et Sévère Alexandre qui achevèrent la construction du complexe (bâtiment thermal et portiques environnants). Les thermes occupaient une superficie d’environ 9 ha. Une dérivation spéciale de l’Aqua Marcia apportait l’eau nécessaire dans les citernes (18 citernes pouvant contenir 10 000 md’eau) […].
Environ 1 600 personnes pouvaient profiter en même temps des thermes. Le caldarium (bain chaud) était une grande salle circulaire de 34 m de diamètre (plus de 1 000 m2 de surface), surmontée d’une coupole […].
Les thermes étaient en effet chauffés été comme hiver. Il y avait sous le bâtiment central 49 fours consommant environ 20 kg de bois par heure. Pour 10 heures de fonctionnement par jour, il fallait donc quotidiennement environ 10 tonnes de bois (20 m3 = 25 stères). »
Source : Université de Caen Normandie 

Pour nous, c’est un petit peu émouvant de découvrir la scène, parce que les infographistes ont terminé le modèle 3D. Nous, on a fait les relevés inédits sur place il y a quelques mois. Ils ont restitué tout ça. On a validé tous ensemble, et là on découvre le résultat. C’est la première fois qu’on va vraiment s’immerger dans les sous-sols, les découvrir, les présenter aux collègues (...). Ce sont quelques minutes qui synthétisent six mois de travail.

Sophie Madeleine, à propos de la modélisation 3D des sous-sols des thermes de Caracalla

Science grand format : Le Génie romain

L’ingéniosité romaine a imaginé d’étonnantes solutions pour faciliter la gestion urbaine du quotidien : construction des habitats en grande hauteur, système de réseau d’eau, rues pavées, logistique de ravitaillement, et autres mesures d’hygiène publique. Nous sommes les héritiers de ces innovations qui se sont perpétuées au-delà des cinq siècles de l’Empire. Grands bâtisseurs, les Romains ont aussi inventé, pour relever ces défis, toute une ingénierie technique : matériaux nouveaux, instruments de mesure de précision et machines encore jamais vues. Leurs inventeurs se nommaient Vitruve, Apollodore de Damas ou encore Héron d’Alexandrie. Des scientifiques qui ont donné naissance à une véritable pensée technologique. Avec eux sont apparus grues, pompes à piston, scies hydrauliques, systèmes de climatisation et premiers automates, que d’autres, comme Léonard de Vinci, amélioreront bien plus tard. Depuis trente ans, une équipe de l’Université de Caen s’est donné comme mission de percer les secrets de ce génie romain. Son moyen pour les révéler est de fabriquer un incroyable plan de la Rome antique en 3D virtuelle interactive, avec une exigence de précision qui s’appuie entre autres sur les travaux d’archéologues internationaux.

Magazine – Présentation Mathieu Vidard
Documentaire (90 min – 2024 – inédit) – Auteur Hugues Demeude – Réalisation Herlé Jouon et François Guillaume – Conseillère scientifique Sophie Madeleine – Production Grand Angle Productions et Antipode – En partenariat avec le CIREVE et l’UNICAEN – Avec la participation de France Télévisions, du Centre national du Cinéma et de l’Image animée, de SBS TV,Australia, d’Histoire TV et de Czech Television

Ce documentaire est diffusé jeudi 19 septembre à 21.05 sur France 5
Science grand format : Le Génie romain est à voir et revoir sur france.tv

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Publié le 18 septembre 2024