Abandonnés, maltraités, pourchassés par leurs anciens maîtres, ils n’ont canidés en tête : fuir ! Une bande de cabots, de corniauds, de clébards, de roquets... tente de fuir l’ingratitude et la cruauté des humains pour se trouver une terre de paix et de bonheur. Une belle fable écologique et politique en images 3D qui témoigne du magnifique savoir-faire de l’animation sud-coréenne. Samedi 19 octobre à 21.00 sur Culturebox et sur france.tv.
Si le chien est, dit-on, le meilleur ami de l’homme, la réciproque n’est pas toujours vraie, loin s’en faut. Un beau matin, le jeune Moung-chi est emmené en voiture par son maître dans un coin de campagne environnant une ville quelconque. Une balle lancée pour éloigner le chien, un sac de croquettes abandonné sur le sol, la voiture est déjà loin… Voilà pour les adieux.
Sous le choc, prostré, incapable de lâcher sa balle, Moung-chi est découvert là par une meute de chiens errants qui ont connu le même sort avant lui et se sont regroupés autour de leur chef, Jjang-a, un vieux Shih Tzu colérique. La petite bande accueille le jeune corniaud dans la maison abandonnée qui lui sert de refuge et où elle réinvente une vie communautaire à bonne distance du monde des hommes. Lequel est encore trop proche. Alors, on rêve d’une région inhabitée aperçue par l’un des cabots, il y a longtemps, un paradis où on pourrait vivre enfin libre et heureux. L’odyssée des toutous ne sera pas de tout repos. Il faudra apprendre à se débrouiller seul, affronter un abominable chasseur-trafiquant de chiens, s’unir à une autre meute, plus sauvage et plus farouche, braver les dangers et même la mort. La liberté a un prix, parfois cruel.
À partir d’une trame somme toute assez classique, les deux réalisateurs ont su tisser un beau conte initiatique où un jeune chien nigaud éprouve son courage et rencontre l’amitié de ses semblables, et jusqu’à l’amour pour une belle sauvageonne, où une bande de laissés-pour-compte découvre la cohésion et l’entraide. Le titre original du film, du reste, était assez explicite, puisque Underdog désigne les individus les plus faibles dans une compétition. « Nous trouvions intéressante l’idée de faire un film sur des animaux en apparence plus faibles que les humains mais qui finissent par trouver, à long terme, ce qui fait leur force : l’union, la solidarité. Nous voulions montrer que la vie n’est pas un don, mais plutôt un objectif que nous devons atteindre par nous-mêmes. Vivre notre vie telle que nous l’avons rêvée permet d’en éprouver la quintessence*. »
Les abandons de chiens : un phénomène massif en Corée du Sud
Au passage, et ce n’est pas leur moindre mérite, Oh Sung-yoon et Lee Choon-baek abordent frontalement, sans pathos – et avec mordant – un phénomène de société, l’explosion des abandons de chiens, si massif en Corée du Sud qu’il est jugé très préoccupant (la France, qui en détient le record en Europe, serait bien avisée de ne pas faire la leçon). Réel encore : il apparaîtra que ce paradis que tentent de rejoindre les chiens n’est autre que la zone militaire – et déserte – qui sépare encore les deux Corées et où la vie sauvage s’épanouit depuis plus d’un demi-siècle dans une exubérante et insolente liberté.
Formellement, Nous, les chiens est également une belle réussite artistique. Avec ses pastels sans mièvrerie, ses personnages en 3D animés d’après l’enregistrement des voix originales (et non l’inverse, comme cela se fait d’ordinaire), ses décors et ses paysages inspirés de la peinture coréenne, il tient l’équilibre parfait entre la poésie et la technique, entre le classicisme et le numérique. « En comparaison avec la peinture occidentale, expliquaitLee Choon-baek, qui exprime les choses à travers les lumières et les ombres, le peintre coréen ne se soucie pas des ombres, mais plutôt des formes et des lignes. Si vous appréciez les montagnes dans les peintures coréennes, il serait difficile de remarquer des zones sombres et claires, mais vous pourrez facilement suivre ses formes saillantes et ses contours. Quand j’ai travaillé sur le dessin, j’ai essayé d’utiliser la méthode coréenne. En particulier lorsque j’ai dessiné les arrière-plans, je l’ai fait manuellement et ensuite j’ai utilisé mon ordinateur seulement à la fin. C’était difficile et fastidieux, mais le travail effectué dans le cadre de cette pratique est plus attrayant pour les spectateurs qu’une fabrication 100 % informatique*. »
* Source : dossier de presse.
Nous, les chiens
Film d’animation (Corée du Sud – 102 min – 2018) – Réalisation Oh Sung-yoon et Lee Choon-baek – Scénario Oh Sung-yoon– Musique Lee Ji-soo – Productions Odoltogi
Diffusion samedi 19 octobre à 21.00 sur Culturebox
À voir et à revoir sur france.tv