« Le Monde en face – Royaume-Uni : du Brexit au Bregret »
Brexit : un succès Titanic !
France 5
Info & société
Le 23 juin 2016, pour la première fois de l’histoire, un pays décide de quitter l’Union européenne. Mais, huit ans après, aucune des promesses du Brexit n’a été tenue. Confrontés à une profonde crise économique et sociale, les Britanniques sont nombreux à être passés du Brexit au « Bregret », nouveau néologisme mélangeant les mots « Brexit » et « Regret ». Un documentaire suivi d’un débat, à voir dimanche 15 septembre à 21.05 sur France 5 et sur france.tv.
Je n’ai jamais rencontré personne qui dise que ça a été un succès.
La journaliste Rachel Johnson, sœur de Boris, ex-Premier ministre
Cinq Premiers ministres en huit ans, un Parti conservateur en déroute et une extrême droite qui entre pour la première fois à la Chambre des communes… Que s’est-il passé pour que s’effondrent tous les espoirs exprimés par la majorité des Britanniques avec la sortie du pays de l’Union européenne ? Crise économique, hausse de l’inflation, accroissement de la pauvreté… Le Royaume-Uni a désormais perdu sa cinquième place économique mondiale, et une sombre colère traverse la société.
Six ans après avoir réalisé un premier film sur le Brexit, le réalisateur franco-britannique Thomas Johnson et le correspondant à Londres du journal Le Monde, Éric Albert, mènent l’enquête pour comprendre les raisons de ce profond séisme. Ils sont partis à la rencontre des acteurs et des témoins de ce bouleversement politique : l’ancien Premier ministre Tony Blair ; des pontes du Parti conservateur ; Michel Barnier, le négociateur européen en chef du Brexit ; Rachel, la sœur de Boris Johnson, et Stanley, son père, devenu français après le Brexit ; ou encore Andy Wigmore, l’architecte de la campagne mensongère de Nigel Farage, le leader de la droite extrême.
Le programme économique proposé a été complètement rejeté par les marchés internationaux... Ça a été l’ultime point d’orgue de cette politique populiste.
Tony Blair, Premier ministre (1997-2007)
Dans les foyers britanniques, les déchirures ont parfois été profondes. Huit ans après le référendum qui a mené le Royaume-Uni vers le Brexit, les positions ont évolué. Le propre cousin du réalisateur, Jon Fennel, et fervent partisan du « Leave », n’est plus très sûr aujourd’hui de son choix : « Ça a notamment démontré que nos hommes politiques étaient des incapables ! » À Romford, cette professeure de danse, Hillary Webster, en désaccord avec son mari, a voté pour le Brexit comme près de 70 % de la population de la ville. « J’ai commis une grosse erreur. Je m’excuse auprès de tous les Européens. » Dans cette banlieue modeste de l’est de Londres, l’immigration a doublé en dix ans. « Le Brexit n’a apporté aucun avantage », n’hésite pas à marteler le député conservateur Dominic Grieve (de 1997 à 2019). On n’a pas été plus à même de réguler l’immigration, ce qui était l’une des principales raisons pour lesquelles les gens voulaient sortir de l’Union européenne. La pêche qui avait suscité beaucoup d’émotion n’en a tiré absolument aucun bénéfice. Nos échanges commerciaux ne se sont clairement pas améliorés, et notre liberté de circulation a été restreinte. Ce qui a eu de nombreuses conséquences négatives. »
Si c’était à refaire, moi je voterais pour rester dans l’Union européenne, et je connais beaucoup de pêcheurs qui feraient la même chose.
Mark Woodley, pêcheur
« Reprendre le contrôle » : le slogan de Boris Johnson pendant sa campagne pour le Brexit, a fait long feu. Le contrôle de ses zones de pêche a complètement échappé au pays – laissant le champ libre aux bateaux de pêche industriels européens et à leurs immenses filets – et laissé un goût amer aux pêcheurs traditionnels qui se sont sentis trahis par leur gouvernement. « La pêche est un secteur très important sur le plan politique, souligne Anand Menon, politologue au King’s College. Mais ce n’est pas un secteur très important pour l’économie britannique. »
Regardez l’état dans lequel est le NHS aujourd’hui : on n’avait jamais vu ça sous aucun gouvernement !
Une femme dans la rue
Pas de maîtrise non plus des fonds alloués au NHS (National Health Service), la sécurité sociale britannique, avec un système de santé à l’agonie. Les soignants ne décolèrent pas : « À l’hôpital, je n’ai vu aucun financement supplémentaire accordé au système de santé depuis le Brexit, témoigne Rowanna Shown, interne en médecine. À mon avis, le NHS ne tiendra pas cinq ans. » Pour l’experte en santé publique et professeure de virologie Jane Anderson, « la vraie question de fond que ça soulève, c’est : dans quel type de société vit-on si l’on ne prend pas soin les uns des autres comme on estime qu’il faudrait le faire ? »
Autres promesses de campagne réduites à néant : réduire l’immigration et restaurer la souveraineté. Les secteurs de la santé, de l’agriculture et du bâtiment ont dû remplacer les travailleurs des pays de l’Europe de l’Est, et l’immigration légale a plus que doublé depuis 2021. Les rêves d’ultra-libéralisme se fracassent également sur la réalité économique. « Des accords de libre-échange réellement bénéfiques » sont très difficiles à négocier avec « des partenaires plus importants », selon lord Peter Ricketts, diplomate et conseiller à la Sûreté nationale. « Le programme économique proposé a été complètement rejeté par les marchés internationaux, estime l’ancien Premier ministre Tony Blair (1997-2007). Ça a été l’ultime point d’orgue de cette politique populiste. »
Tous les rêves qui sous-tendaient le vote en faveur du Brexit se sont révélés irréalisables dans la pratique.
Lord Peter Ricketts, diplomate et conseiller à la Sûreté nationale
Cinq Premiers ministres se succèdent en huit ans, dont quatre démissionnent avec fracas, incapables de tenir leurs promesses populistes. Du jamais-vu dans l’histoire du Royaume-Uni. Comment le chaos politique s’est-il installé ? Comment le Parti conservateur a-t-il implosé ? Le 4 juillet 2024, les travaillistes gagnent haut la main les élections, tandis que le national-populisme et Nigel Farage entrent pour la première fois à la Chambre des communes. L’échec du Brexit a-t-il libéré l’extrême droite ? Quelles leçons l’Europe et la France ont-elles à tirer de cette triste aventure ?
Le Monde en face
Royaume-Uni : du Brexit au Bregret
Présentation Mélanie Taravant
Documentaire (70 min – 2024 – inédit) — Réalisation Thomas Johnson — Auteurs Thomas Johnson et Éric Albert — Production Siècle Productions, avec la participation de France Télévisions
Royaume-Uni : du Brexit au Bregret sera diffusé dans Le Monde en face dimanche 15 septembre à 21.05 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv