« Le Dragon »

Une farce politique mise en scène par Thomas Jolly

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Arts & spectacles

Un monstre sanguinaire, une gente demoiselle en détresse et un preux chevalier : en se jouant des contes enfantins, « Le Dragon » livre une satire corrosive sur la servitude volontaire. Une fable féroce maquillée en épopée SF, dont Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, s’empare avec force dans une mise en scène survoltée et roborative au Théâtre Nanterre-Amandiers. Dimanche 2 juin à 21.00 sur Culturebox. 

« Le Dragon ». © Nicolas Joubard

Si la figure du monstre imprègne et fascine nombre de créations théâtrales (de Médée à l’Ubu roi d’Alfred Jarry, en passant par le théâtre de Jean Genet ou Bernard-Marie Koltès), elle hante littéralement jusqu’au titre de cette farce corrosive, mise en scène au Théâtre Nanterre-Amandiers en 2023. Satire politique maquillée en fable d’heroic fantasy, Le Dragon convoque ainsi l’imaginaire des contes d’enfance : un terrible dragon à trois têtes, une gente demoiselle en détresse et un preux chevalier. Soit un monstre sanguinaire qui règne en despote sur une ville imaginaire et auquel se soumettent depuis quatre siècles autorités locales et habitants, lui sacrifiant plusieurs têtes de bétail chaque jour avant de lui offrir, une fois l’an, une jeune vierge. Quand Lancelot, chevalier professionnel, décide de provoquer le monstre en duel pour libérer la ville et conquérir le cœur de la future promise au sacrifice, un combat féroce s’engage dont il n’est pas sûr que l’humanité sorte vainqueur. Un peuple complice de sa propre servitude peut-il si facilement se défaire de ses « habitudes » ?  

Ce dragon a rabougri votre âme, empoisonné votre sang et obscurci vos yeux. Mais je vous délivrerai de cette peste.

Lancelot - « Le Dragon »

À quel moment cesse-t-on d’être humain ? À quel prix une communauté servile peut-elle s’extraire de sa propre monstruosité, quand celle-ci a fini par imprégner tout un chacun, jusqu’à se diffuser à l’ensemble du corps social et se confondre avec l’idée même de société ? Le Dragon, pièce polémique, écrite en 1943 par le dramaturge russe Evgueni Schwartz après l’horreur de la bataille de Stalingrad, interdite par Staline dès la première puis redécouverte dans les années 1960 (notamment sous l’impulsion d’Antoine Vitez), nous tend ces questions en miroir. Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les fait résonner avec force aujourd’hui, dans une mise en scène éclatante, survoltée, épique, où se mêlent la noirceur la plus acerbe et l’ironie la plus mordante. Plaisir communicatif du grand spectacle associé à la profondeur de la réflexion.

Le Dragon

« Le Dragon »
« Le Dragon » au Théâtre Nanterre-Amandiers.
© Nicolas Joubard

Depuis quatre siècles, un dragon à trois têtes règne en despote sur une ville imaginaire. Les autorités locales, complices et serviles, se plient à tous les caprices du monstre. Il y eut bien quelques révoltes dans un passé lointain, mais elles furent écrasées dans le sang et le feu. Docilement, les habitants acceptent de payer au monstre un lourd tribut : la ville sacrifie plusieurs têtes de bétail par jour et une vierge chaque année.
Cette fois, le choix du dragon est tombé sur Elsa, fille de l’archiviste Charlemagne. Elle est sur le point d’être jetée en pâture quand arrive Lancelot, héros professionnel. Il décide de provoquer le dragon en duel pour libérer la ville du tyran et sauver la jeune Elsa, dont il est en train de tomber amoureux. Dans un combat féroce, Lancelot arrive à couper les trois têtes du dragon. La foule en liesse salue la mort du tyran et la liberté retrouvée… mais c’est compter sans le bourgmestre et son fils. Le bourgmestre n’hésite pas à usurper le titre de tueur du dragon et s’autoproclame président et libérateur de la ville. Mortellement blessé, Lancelot est contraint de s’enfuir, abandonnant la ville à son nouveau tyran…

Théâtre (Inédit – 158 min – Captation au Théâtre Nanterre-Amandiers en 2023) – Mise en scène Thomas Jolly – Auteur Evgueni Schwartz – Texte français Benno Besson – Réalisation Julien Condemine – Collaboration artistique Katja Krüger – Scénographie Bruno de Lavenère – Lumières Antoine Travert – Musique originale et création son Clément Mirguet – Costumes Sylvette Dequest – Accessoires Marc Barotte, Marion Pellarini – Consultante langue russe Anna Ivantchik – Maquillage Catherine Nicolas avec la collaboration d’Élodie Mansuy – Production La Compagnie des Indes, Le Quai - Angers Pays de la Loire
Avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Moustafa Benaïbout, Clémence Boissé, Gilles Chabrier, Pierre Delmotte, Hiba El Aflahi en alternance avec Emeline Frémont, Damien Gabriac, Katja Krüger, Pier Lamandé en alternance avec Thomas Germaine, Damien Marquet, Théo Salemkour, Clémence Solignac, Ophélie Trichard

Le Dragon, diffusé dimanche 2 juin à 21.00 sur Culturebox, est à (re)voir sur france.tv 

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