« La Case du siècle - Pensionnats catholiques de Guyane, la blessure »
Anatomie d’un génocide culturel
France 5
Documentaire
Endoctrinement, assimilation forcée : pendant quatre-vingts ans, plus de 2 000 enfants autochtones ont été arrachés à leur famille pour être placés dans des internats religieux. Un traumatisme culturel doublé d’un scandale politique, que ce documentaire, nourri de nombreux témoignages, met en lumière et en perspective. Dimanche 4 mai à 22.40 sur France 5.
C’est une histoire dissimulée, taboue – une blessure qui ne cicatrise pas : pendant quatre-vingts ans, en Guyane, plus de 2 000 enfants amérindiens et « noirs-marrons » (descendants d’esclaves) ont été arrachés à leur famille (parfois avec l’appui de la gendarmerie) pour être placés dans des « homes indiens ». Créés dans les années 1930 par l’Église catholique, ces pensionnats visent à évangéliser (pour l’Église) autant qu’à assimiler (pour la République) les populations autochtones « païennes ». Après la départementalisation de la Guyane en 1947, l’initiative religieuse profite du soutien institutionnel et financier de l’État français (la loi de 1905 sur la laïcité ne s’appliquant pas en Guyane). En finançant avec l’argent public la formation des jeunes « primitifs » dans des pensionnats catholiques initiés et tenus par des congrégations religieuses, les représentants de la République et de l’Église se sont-ils rendus coupables de « génocide culturel » ? C’est la question que soulèvent aujourd’hui des juristes et d’anciens pensionnaires.
À Mana, Iracoubo, Saint-Laurent-du-Maroni, Sinnamary, Maripasoula puis Saint-Georges-de-l’Oyapock, neuf pensionnats sont successivement créés entre 1935 et 2012. Le dernier home, situé à Saint-Georges-de-l’Oyapock, ne ferme qu’à la fin de l’année scolaire 2023.
Sur deux ou trois générations, dans l’indifférence générale, ce sont ainsi des fratries entières qui ont grandi loin de leurs parents, parfois dès l’âge de 3 ans, dans un environnement culturel autoritaire et empreint de violence. Endoctrinement, assimilation forcée, acculturation, déperdition des langues autochtones, perte de savoirs ancestraux, culpabilisation, stigmatisation, sentiment de honte : les conséquences – culturelles, psychologiques, sociétales – sont multiples.
Raconter aujourd’hui cette histoire, c’est permettre aux autochtones de se réapproprier une partie de leur histoire et à la République française de regarder en face son passé colonial.
On se sent vraiment arraché à sa famille. Ce sont des souvenirs qu’on ne peut effacer, malheureusement, qui sont encore présents. C’est comme un cauchemar...
Guillaume Kouyouri, pensionnaire du home d’Iracoubo
S’appuyant sur des images d’archives inédites et sur de multiples et édifiants témoignages (anciens pensionnaires, historiens, juristes, etc.), la journaliste Hélène Ferrarini (qui avait mis en lumière l’histoire des homes en publiant Allons enfants de la Guyane, aux éditions Anacharsis, en 2022) signe avec Pensionnats catholiques de Guyane, la blessure une enquête vertigineuse, rigoureuse, accablante, implacable.
Au-delà de la dénonciation du scandale des pensionnats, son documentaire traverse plus d’un demi-siècle de l’histoire guyanaise et donne à voir la diversité de ce territoire amazonien et la richesse de ses habitantes et habitants – une richesse volée, au nom d’un idéal occidental. Raconter l’histoire des homes, c’est parler du monde autochtone guyanais d’aujourd’hui, c’est raconter le trauma, le manque, la spoliation de toutes ces cultures ancestrales, mais c’est aussi donner forme et vitalité aux combats que mènent certains anciens pensionnaires des homes : combats politiques (pour l’obtention de droits reconnaissant les peuples autochtones) ; combats juridiques (le 10 avril dernier, certains ont réclamé devant le Sénat la création d’une « commission vérité et réconciliation ») ; et combats intimes (pour espérer panser enfin cette blessure qui ne cicatrise pas).
La Case du siècle – Pensionnats catholiques en Guyane, la bessure
Franck, Guillaume, Kadi, Antoine n’ont pas grandi auprès de leurs parents, mais sous la tutelle de religieux catholiques. Pour la première fois devant une caméra, ils et elles racontent leur enfance dans les « homes indiens » de Guyane, des pensionnats catholiques destinés spécifiquement aux enfants amérindiens et noirs-marrons, populations qualifiées de « primitives » par les autorités étatiques jusqu’à tard dans le XXe siècle.
Des années 1930 jusqu’à 2023 – date de la fermeture du dernier home de Guyane –, plus de 2 000 enfants ont grandi dans ces établissements. Ils y ont été éloignés de leur famille et coupés de leur culture, soumis à une évangélisation et une assimilation forcée. En finançant avec l’argent public la formation des jeunes « primitifs » dans des pensionnats catholiques initiés et tenus par des congrégations religieuses, les représentants de la République et de l’Église se sont-ils rendus coupables de « génocide culturel » ? C’est la question que soulèvent aujourd’hui des juristes et d’anciens pensionnaires.
À l’aide d’archives inédites, Pensionnats catholiques de Guyane, la blessure plonge dans cette histoire encore méconnue de la France en Guyane, une vieille colonie devenue un jeune département d’Outre-mer.
Documentaire (inédit – 53 min – 2025) – Scénario Hélène Ferrarini et François Reinhardt – Réalisation François Reinhardt – Narration Édouard Montoute – Production Bérénice Médias Corp., avec la participation de France Télévisions, du CNC, de la Collectivité territoriale de Guyane, en partenariat avec le CNC, avec le soutien de la Procirep – Société des producteurs – l’Angoa
Avec les témoignages de Edenz Maurice, historien ; père Henri-Claude Asselos, évêché de Cayenne ; Carine Peltier-Caroff, responsable de l’iconothèque – Musée du Quai Branly-Jacques Chirac ; Franck Appolinaire, pensionnaire du home de Mana (1978-1980) ; Stéphanie Guyon, professeure en science politique ; Guillaume Kouyouri, pensionnaire du home d’Iracoubo (1964-1970) ; Éléonore Kadi Johannes, pensionnaire du home de Saint-Laurent-du-Maroni (1957-1968) ; Jean Moomou, historien ; Georges Rech, directeur des archives territoriales de Guyane, directeur de la Maison des cultures et des mémoires de Guyane ; Antoine Abienso, pensionnaire du home de Maripasoula (1970-1975) ; Jean-Pierre Massias, juriste Institut Louis-Joinet.
La Case du siècle - Pensionnats catholiques de Guyane, la blessure, diffusé dimanche 4 mai à 22.40 sur France 5, est à (re)voir sur france.tv