Après nous avoir ouvert les portes des trains circulant en Amérique du Sud, Philippe Gougler nous invite à le rejoindre en Asie. Son périple le mènera du Vietnam au Laos. Rendez-vous mercredi 30 octobre en baie d'Halong pour un départ à 21.05 (sur France 3).
À Hanoï, il n'y a pas que les serpents qui serpentent, il y a aussi le train. Le train serpente, se faufile dans les rues étroites, au ras des maisons. Cela passe à quelques centimètres près. Ici on vit avec et même sur les rails.
Philippe Gougler
Des questions, Philippe Gougler va beaucoup en poser au cours de son périple vietnamien puis laotien. Il faut dire que leurs us et coutumes peuvent intriguer les Européens que nous sommes, comme à l'inverse, nos habitudes ou nos façons d'interagir avec autrui peuvent surprendre. Mais toujours avec tact et sans jamais se départir de son grand sourire. « Je m'assoie en fonction des gens, nous dit-il en s'asseyant à proximité de voyageurs. Quand il y a un sourire, un regard, je m'assoie. » Dans le train en partance d'Hải Phòng, il entame la conversation avec un homme se rendant à Hanoï. Celle-là porte sur les dragons. « J'aimerais vous poser une petite question. Pourquoi il y a toujours dans cette région du monde, et notamment au Vietnam, des histoires de dragon ? Parce que nous, en Europe, ce n'est pas un animal très populaire. On n'y connaît rien en dragon. — Le dragon est un animal imaginaire qui réunit toute la beauté des différentes espèces animales qu'on trouve dans le monde, lui explique-t-il en retour. Par exemple, il a la crinière du lion, le corps du serpent, la queue du poisson, les pattes du tigre. Oui, le dragon est un animal parfait (en reprenant ce que lui répond Philipe Gougler après cette description). D'ailleurs, nous les Vietnamiens, on est les enfants d'un dragon et d'un ange. Et on en est très fiers. »
J'envoie de l'argent à mes ancêtres décédés, comme ça dans l'au-delà ils ont de quoi dépenser. Je veux que mes ancêtres puissent être riches et sans galère.
Une Vietnamienne à Philippe Gougler, à propos des faux billets de banque qu'elle brûle
Avant de poursuive son voyage ferroviaire vers le nord du pays, et après avoir suivi un cours où des enfants apprennent à débusquer et attraper un serpent sans crainte (il faut dire qu'ils sont légions au Vietnam, mieux vaut être prévenu), notre globe-trotteur tente l'expérience incontournable à Hanoï : assister au passage d'un train, au plus près des rails. On ne sait qui des rails ou des maisons ont été érigés en premier, reste que cet espace étroit dans lequel le train se fraie chaque jour un passage attire touristes et badauds. On vient s'y prendre en photo, siroter un thé en le regardant passer. À ceux qui seraient tentés par l'aventure, un seul conseil, respecter le mètre de distance entre vous et le train, lorsque ce dernier viendra à se présenter. En complément, vous pourrez comme Philippe Gougler emprunter cette ligne de nuit et découvrir depuis la vitre de votre compartiment cette fameuse rue. « On frôle les murs, c'est vraiment à quelques centimètres. C'est fou. »
Comment lors d'un tel voyage évoquer la période coloniale française ou la guerre d'Indochine, sans craindre de froisser ses interlocuteurs. C'est l'exercice périlleux auquel s'est prêté Philippe Gougler au cours d'un de ses parcours ferroviaires. « Quand on était au lycée, on nous a enseigné la guerre contre les Français. Nous savons que notre pays a traversé une période très dure, lui répond une voyageuse. Le peuple a beaucoup souffert et a subi de nombreuses pertes pendant la guerre. — On a appris cette histoire dans nos livres d'écolier, ajoute son conjoint. Et il faut bien reconnaître qu'ils nous racontaient cette guerre que du point de vue des Vietnamiens... Quand on était enfants, on confondait les colonisateurs français et le peuple français, mais en grandissant, on s'informe ailleurs que dans les livres scolaires. Et on apprend à faire la part des choses. »
Même si sa construction a coûté de nombreux efforts et de nombreuses vies au peuple vietnamien, c'est un héritage dont profite la jeune génération aujourd'hui.
Un voyageur à Philippe Gougler, à propos de la ligne de chemin de fer construite du temps de l'époque coloniale
Il y a plus au nord des rizières nichées à flanc de coteau entre les montagnes. On ne peut qu'admirer la beauté du lieu, la quiétude qui s'en dégage. Une forme de sérénité qui ne doit nullement faire oublier qu'un tel ouvrage a été façonné par l'homme et demande un soin tout particulier. Une parenthèse entre deux rails. Entre deux pays. De l'autre côté de la frontière, au Laos, alors qu'il se trouve encore dans les montagnes, Philippe Gougler assiste à une cérémonie en l'honneur d'une femme âgée. À cette occasion, on lui propose d'attacher autour de son poignet des fils de coton. « Chez nous, quand on fait un grand voyage, on dit que tu peux perdre des âmes, lui explique l'une des invitées. Quand on voyage beaucoup comme toi, il vaut mieux les attacher. Je te souhaite de garder tes âmes, toutes tes âmes. Que tu n'en perdes aucune dans tes voyages. Et pour ça, il faut aussi les nourrir. Que tes âmes restent avec toi, toujours, où que tu ailles », ajoute-t-elle en lui attachant un nouveau bracelet.
Philippe Gougler : Ici, au Laos, je ne sais jamais si je dois serrer la main ou pas. Cela se fait ou ça ne se fait pas ? Des fois, il y en a qui le font et d'autres qui ne le font pas.
Un voyageur : Ici, au Laos, quand on se salue, en général, on le fait comme ça (en rapprochant ses deux mains et en inclinant légèrement sa tête). Mais parfois, entre hommes, on se serre la main.
Échanges entre Philippe Gougler et un voyageur dans un train
Philippe Gougler : Ah. Et ça dépend de quoi ? Quand est-ce qu'on se serre la main et qu'on ne se la serre pas, entre hommes ?
Le voyageur : Si on est amis, qu'on se connaît bien, on se serre la main. Sinon on se salue (en joignant le geste à la parole).
Au Laos, là où s'achève son périple (à découvrir dans la seconde partie de ce spécial Asie), se trouve une ligne flambant neuve. Depuis 2021, elle relie la Chine à Singapour, en passant par le Laos (et la Thaïlande). Pour ce projet pharaonique, il fallu, en plus des voies, créer des gares. « Voilà la gare, c'est neuf. Efficace. Un peu massif », s'exclame Philippe Gougler en s'approchant de l'une d'elles. Il faut rappeler qu'avant la construction de cette ligne, plus un train ne circulait au Laos depuis des décennies et les gens se déplaçaient en bus. « Moi, j'étais plus habituée au bus et je pensais que ce serait pareil, que ça allait secouer, faire du bruit, que j'aurais mal au cœur, lui explique une mère de famille alors qu'elle l'utilise pour la deuxième fois. Et puis, surtout, j'avais peur. J'avais vu des images de trains en Inde, avec les gens qui s'accrochent partout, qui montent sur les toits des wagons. Cela me faisait peur, mais ici, c'est différent. On n'a pas besoin de monter sur le toit pour trouver une place. » À Luang Prabang, où il fait escale, il est invité à assister au petit-déjeuner des moines. Un moment de recueillement et de silence. Passé cette nouvelle parenthèse, il reprend la route sur l'unique voie ferrée. À Vang Vieg, il descend en pleine campagne pour nous faire découvrir d'étranges cratères. « Tout à l'air paisible, verdoyant, tranquille et parfois, on tombe sur ce genre de chose, désignant l'un de ces cratères. Cela, c'est le cratère causé par l'explosion d'une bombe. Vous imaginez la puissance de l'engin pour créer cela. Parce qu'il y a quelque chose qu'on oublie souvent. On parle toujours de la guerre du Vietnam. Et bien, on oublie que pendant cette guerre, le pays le plus bombardé fut le Laos. Il a même été, au regard du nombre d'habitants, le pays le plus bombardé au monde. Les États-Unis ont lancé sur le Laos 260 millions de bombes en neuf ans. Ce qui doit faire à peu près une bombe toutes les secondes sans interruption. » Bien que le conflit ait cessé depuis près de cinquante ans, des équipes continuent de déminer les sols gorgés d'armes redoutables et redoutés. On estime que 20 000 personnes seraient mortes à cause des millions de ces engins depuis la fin des combats. Pour nous faire prendre toute la mesure de la situation à laquelle font face les démineurs, il nous partage leur quotidien. « On est toujours content après avoir fait exploser une bombe, lui explique une démineuse, car c'est un risque en moins pour la population. Et puis, ça ramène un peu de vie dans tous ces champs plein de danger. »
Des trains pas comme les autres
21.05 – Vietnam : de la baie d'Halong aux portes du Laos
Philippe Gougler part à près de 10 000 kilomètres de la France... au Vietnam. L’un des joyaux du pays est la baie d’Halong et ses îlots par milliers. On raconte que ces îlots seraient les œufs d’une dragonne venue pondre dans la baie pour protéger les Vietnamiens des envahisseurs. Le Vietnam, c’est un pays de légendes, mais c’est aussi un pays où il fait bon prendre le train.
22.00 – Laos
Le Laos est un pays dont on parle peu... Un pays à part, une Asie profonde avec des paysages magnifiques, où le temps s’écoule dans une douce lenteur. Au milieu de ces incroyables décors, une longue ligne de chemin de fer flambant neuve a été lancée depuis peu, dans un pays qui n’avait plus vraiment connu le train depuis des décennies.
Documentaire (2 x 52 min) – Présentation Philippe Gougler – Auteurs Alex Badin et Philippe Gougler – Réalisation Alex Badin – Production Step By Step Productions, avec la participation de France Télévisions et Ushuaïa TV
Ces documentaires sont diffusés mercredi 30 octobre à partir de 21.10 sur France 3
La série Des trains pas comme les autres est à voir et revoir sur france.tv
Voir la grille des programmes TV disponibles cette semaine