Collection « Crimes contre l’humanité - Le procès de Maurice Papon »

Le haut fonctionnaire rattrapé par son passé vichyste

France 3

Documentaire

Après le dignitaire nazi (Klaus Barbie), place au haut fonctionnaire français (Maurice Papon). Après les tortures et les exactions du « boucher de Lyon », le « crime de papier » du secrétaire général de la préfecture de Gironde. La collection documentaire « Crimes contre l’humanité » revisite, en trois épisodes haletants, ce grand procès historique qui met la France face à son passé collaborationniste. Mercredi 16 avril à 21.05 sur France 3.

Maurice Papon lors de son procès. © Dana Productions / Mediawan

Suite de la collection documentaire « Crimes contre l’humanité » : après le procès de Klaus Barbie, Gabriel Le Bomin revisite celui qui, en 1997, après seize ans de procédures et durant six longs mois sous haute tension médiatique, éclaire la responsabilité de Maurice Papon dans l’arrestation et la déportation de 1 600 juifs, dont 200 enfants, entre 1942 et 1944.
Après le dignitaire nazi, place au haut fonctionnaire français. Après la barbarie du « boucher de Lyon », la froide indifférence du gestionnaire apposant sa signature à de redoutables documents administratifs. Après les tortures et les exactions, le « crime de papier ». 

La seule observation que j’aie à faire, monsieur le président, c’est que, à tout prendre, il valait mieux affréter des wagons de voyageurs que des wagons de marchandises, comme l’avaient exigé les Allemands dans leur ordre initial. Je ne pense pas qu’un geste comme ça soit constitutif d’un crime contre l’humanité.

Maurice Papon, lors de son procès - Collection « Crimes contre l’humanité - Le procès de Maurice Papon »

« [À la Libération], l’urgence de Gaulle était de remettre en place rapidement une administration française. Et il était peu regardant sur les gens qu’il allait chercher dans […] l’administration pétainiste », explique le journaliste Jean-François Meekel dans le documentaire. De fait, Maurice Papon, secrétaire général de la préfecture de Gironde sous Vichy, en charge notamment du « Service des questions juives », n’est absolument pas inquiété après-guerre. Adoubé par de Gaulle (qui lui remet plus tard, en 1961, la croix de commandeur de la Légion d’honneur), il entame même une carrière exemplaire de haut fonctionnaire d’État, forgeant sa réputation – intraitable, inflexible – en tant que préfet de police de Paris entre 1956 et 1966 (en pleine guerre d’Algérie), puis en tant que député et ministre du Budget sous Giscard d’Estaing entre 1978 et 1981. C’est à cette époque que, pendant la campagne présidentielle, Le Canard enchaîné révèle le rôle de Maurice Papon sous l’Occupation, documents à l’appui, entraînant une plainte pour complicité de crime contre l’humanité.
De juillet 1942 à juin 1944, douze convois ont transporté, de Bordeaux à Drancy, près de 1 600 juifs, dont 200 enfants, acheminés ensuite vers Auschwitz. Arrêtés en Gironde et dans les départements limitrophes, ils avaient tous été scrupuleusement répertoriés par le Service des questions juives, que supervisait Maurice Papon. Le secrétaire général savait-il à quoi il les condamnait en apposant sa signature sur les documents officiels ? Avait-il d’autre choix que de se soumettre aux ordres nazis ? A-t-il fait preuve de zèle ?

[La] nature même du crime est que tout a été fait pour qu’il n’y ait aucun lien entre les victimes et l’accusé [...]. Et les moments que je trouve extraordinaires, c’est quand un témoin regardait Papon : rien que ça, c’était un moment de justice.

Laurent Sourisseau (Riss), dessinateur - Collection « Crimes contre l’humanité - Le procès de Maurice Papon »

Au procès, face aux témoignages d’anciens déportés et aux nombreuses preuves versées aux 50 000 pages du dossier, Maurice Papon, 87 ans, se renfrogne sur son siège. Il ne montre aucun regret, reste impassible, sans jamais se départir de son attitude hautaine et méprisante. Quand il prend la parole, avec le lyrisme désuet du tribun outragé, c’est pour récuser, s’offusquer. Il va même jusqu’à quitter la salle, en plein réquisitoire, en claquant la porte. Sa défense est immuable, têtue : il invoque l’obéissance aux ordres de son gouvernement et souligne son implication parallèle, clandestine, dans la Résistance (ce que l’historien Henry Rousso a analysé sous le terme « vichysto-résistant »). L’accusation ne cesse, elle, de souligner sa responsabilité consciente. 
Pendant ces heures d’audiences patiemment captées par les caméras de la cour d’assises de Bordeaux, c’est l’ensemble du passé collaborationniste de la France, de l’aveuglement ou de l’indifférence face à la destruction des juifs d’Europe, qui est interrogé, scruté, analysé, mis en lumière et, peut-être, à travers le cas d’un homme, solennellement jugé (ce qu’Henry Rousso appellera la « seconde épuration »). Ce procès historique tend à la société française – et même à l’humanité tout entière – un miroir terrible, tout en dénis et faux-fuyants : oserons-nous nous y regarder en face ?

Maurice Papon est-il antisémite ? Mais non, non, il est pire que ça : il est indifférent aux autres, à tous les autres. Il est au summum, au paroxysme de l’indifférence.

 

Alain Jakubowicz, avocat partie civile – Collection « Crimes contre l’humanité - Le procès de Maurice Papon »

94 journées d’audiences,  93 témoins, 12 heures de réquisitoire, 60 heures de plaidoiries et 19 heures de délibéré : en trois épisodes (« Le haut fonctionnaire », « Un crime de papier », « La sentence »), Le Procès de Maurice Papon nous plonge, au présent, dans les minutes du procès. Maniant les archives avec l’agilité d’un grand conteur de cinéma (ce qu’il est par ailleurs, comme en témoigne par exemple Les Fragments d’Antonin), Gabriel Le Bomin ravive la tension de chaque instant, se jouant des codes du « film de procès » pour porter à notre connaissance, avec le secours des principaux protagonistes (des avocats de la défense à ceux des parties civiles), tous les enjeux de ce procès qui, après ceux du nazi Klaus Barbie et du milicien Paul Touvier, scelle, à la fin des années 1990, le temps des procès pour crime contre l’humanité.

Collection « Crimes contre l’humanité - Le procès de Maurice Papon »

Maurice Papon serrant la main du général de Gaulle - 1958
Maurice Papon serrant la main du général de Gaulle en 1958. 
© Dana Productions / Mediawan

Maurice Papon, haut fonctionnaire sous le régime de Vichy, supervise en 1942 la déportation de centaines de juifs depuis la préfecture de la Gironde. Après-guerre, il mène une carrière prestigieuse comme préfet, député et ministre sans jamais être inquiété.
En 1981, le journal Le Canard enchaîné révèle son rôle durant l’Occupation, documents à l’appui, entraînant une plainte pour crime contre l’humanité. Après seize ans de procédures, son procès s’ouvre en 1997. Accusé de complicité dans la déportation de 1 600 juifs, il invoque l’obéissance aux ordres du gouvernement et la contrainte des occupants nazis, tandis que l’accusation souligne sa responsabilité consciente. Condamné à dix ans de réclusion en 1998 au terme d’un procès de plus de six mois, il est libéré en 2002 pour raisons de santé.
Ce procès, symbole tardif de la responsabilité de la fonction publique, continue de nourrir la réflexion sur la responsabilité individuelle.

Documentaire (inédit – 3 x 52 min – 2025) – Réalisation Gabriel Le Bomin – Scénario Gabriel Le Bomin et Valérie Ranson Enguiale – Production Dana Productions / Dana Hastier, une société Mediawan – Coproduction INA, avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah – Avec la participation de France Télévisions 

Intervenants : Nicolas Brimo, journaliste ; Dominique Verdeilhan, journaliste ; Jean-Marie Matisson, premier partie civile ; Marc-Olivier Baruch, historien ; Francis Vuillemin, avocat ; Jean-Pierre Berthet, journaliste ; Alain Jakubowicz, avocat ; Noëlle Herrenschmidt, dessinatrice ; Christian Charrière-Bournazel, avocat ; Pierre Mairat, avocat ; Serge Klarsfeld, avocat ; Bertrand Favreau, avocat ; Arno Klarsfeld, avocat ; Jean-François Meekel, journaliste ; Laurent Joly, historien ; Laurent Sourisseau (Riss), dessinateur

La collection « Crimes contre l’humanité » revient sur la décennie 1987-1998, durant laquelle la justice française a instruit le procès de trois hommes ayant, chacun à leur niveau, contribué à la mise en place et à la réalisation d’une politique d’arrestation, de torture et de déportation de juifs et de résistants en France entre 1940 et 1944 : Klaus Barbie, le nazi, Paul Touvier, le milicien, et Maurice Papon, le haut fonctionnaire.
Durant toutes ces années, ils ont changé d’identité (Barbie), ont été protégés par de puissants réseaux (Touvier) ou ont brillamment réintégré la société jusqu’au plus haut niveau de la République (Papon).
Se pensant tirés d’affaire, spéculant sur l’oubli et son allié précieux, le temps, ils ont été surpris, à l’âge de la vieillesse, au moment où l’on se retire des affaires du monde, par la résurgence de ce passé caché, le retour des fantômes qui réclament justice, la vivacité douloureuse de la parole des victimes et la mise en lumière publique de leur responsabilité pleine et entière. Pour eux, l’heure des comptes a sonné au terme d’années de traques et de procédures.
Le temps des procès pour Crime contre l’humanité est enfin arrivé.
Ce sont ces trois grands moments d’Histoire et de justice que raconte cette collection, en plongeant dans la matière première de ces procès : la captation audiovisuelle que la loi Badinter de 1985 a permis de réaliser.

Crimes contre l’humanité : Le procès de Maurice Papon, diffusé mercredi 16 avril à 21.05 sur France 3, est à (re)voir sur france.tv 

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Publié le 05 avril 2025