« Avortement aux États-Unis, la grande fracture »

Mon corps, mon choix

France 5

Documentaire

Au pays des libertés, le droit à l’avortement n’est plus un droit fédéral. La première nation du monde, les États-Unis, régresse sur le droit d’une personne à disposer de son corps. Quelles sont les forces antagonistes qui agitent cette société ? Quel opportunisme politique soutient ces idées réactionnaires ? Dans « Le Monde en face », le documentaire « Avortement aux États-Unis, la grande fracture » nous apporte l’éclairage nécessaire pour comprendre, dimanche 23 juin à 21.05 sur France 5.

Aux États-Unis, six juges sur les neuf que compte la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire du pays, sont des fondamentalistes. Et, le 24 juin 2022, ils ont fait tomber un symbole de la liberté des femmes : le droit à l’avortement acquis depuis cinquante ans. Un séisme : une Américaine sur trois est concernée (25 millions de femmes), quinze États – dont évidemment le Texas – ont totalement banni l’IVG, même en cas de viol ou d’inceste, et six autres l’ont fortement restreint. Pourtant 62 % des Américains soutiennent le droit à l’avortement. 

Ce matin, la Cour suprême radicale a annihilé nos droits fondamentaux. C’est une véritable insulte pour les femmes, une gifle en pleine figure. On refuse de considérer leur propre jugement, de leur laisser leur libre arbitre, la liberté de procréer ou non.

Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants

Pour mieux comprendre l’ampleur du problème, nous nous rendons à la frontière des États religieux de la Bible Belt* dans le Midwest, dans une clinique refuge de l’Illinois, un État libéral où les femmes, interdites d’avortement chez elles, affluent en masse. 95 % des femmes qui viennent avorter là arrivent d’un autre État. Elles ont parfois fait plusieurs heures de route et doivent débourser, tous frais compris, environ 1 000 $. Or, plus de la moitié des femmes touchées par la loi anti-avortement sont issues des communautés afro-américaines, vivent sous le seuil de pauvreté et n’ont pas d’assurance médicale. C’est pourquoi, dès leur premier contact avec la clinique, on leur propose un accompagnement financier.

Nous partons ensuite au Texas où six femmes attaquent leur État en justice pour réformer la loi anti-avortement qui les a empêchées d’avoir recours à une IVG alors que leur fœtus était condamné et que leur grossesse devenait un danger pour elles. L’une a dû aller au bout de sa grossesse en sachant son bébé non viable… une torture psychologique inimaginable. Une autre a failli mourir de septicémie et ne veut plus d’enfant. Le Texas, d’ailleurs, enregistre la plus forte mortalité maternelle du pays et aux États-Unis le taux de mortalité maternelle est bien plus élevé que celui observé dans d’autres pays riches. 

L’avortement est un droit de santé. Un droit humain fondamental. Une grande partie des anti-avortement est très misogyne.

Jordis Mills, bénévole dans une clinique de l’Illinois

Au Colorado, l’un des États les plus permissifs du pays, les activistes anti-avortement font le siège d’un planning familial. Même si une loi les empêche d’en approcher à moins de 200 mètres. À une heure de là, barricadé dans sa clinique abortive, le Dr Warren Hern (80 ans) témoigne des violences dont il a été victime à plusieurs reprises, et de la peur qui règne aujourd’hui chez les gynécologues. Depuis 1990, quatre médecins et quatre employés de clinique abortive ont été assassinés. Pourtant l’IVG sauve des vies ! Celles des mères qui lorsqu’elles ont recours à un avortement clandestin risquent de mourir : une femme meurt toutes les neuf minutes suite à un avortement clandestin. 

Chacune des victoires des « pro-life » (pour la vie) les encourage à pousser toujours plus loin leur volonté de contrôler les naissances, la famille, le corps et les droits des femmes. Comme on peut le voir dans le documentaire, certains militants anti-avortement cherchent à faire interdire la contraception comme la pilule du lendemain, le stérilet… arguant du fait que ce sont des dispositifs abortifs. Le 5 juin dernier, les sénateurs ont refusé d’étudier un texte de loi visant à reconnaître le droit à la contraception.

* La Bible Belt, littéralement la « ceinture de la Bible », est une zone géographique et sociologique des États-Unis dans laquelle vit un nombre élevé de personnes se réclamant d’un « protestantisme rigoriste », terme désignant le fondamentalisme chrétien dans la sphère américaine.
(Source : Wikipédia)

C’est du fanatisme religieux, dominé par les suprémacistes.

Dr Warren Hern

Cyril Denvers et Sophie Przychodny, réalisateurs
« Ce documentaire propose une plongée inédite dans la société civile américaine qui résiste et s’organise dans l’urgence face à l’abrogation du droit fédéral à l’avortement décidée par la Cour suprême américaine le 24 juin 2022. Les soignants, les bénévoles sont  en première ligne. Médecins, dirigeants de cliniques volent au secours des femmes qui ne peuvent ou ne souhaitent pas mener à terme leur grossesse, à la frontière des États religieux où l’accès à l’avortement a disparu. Ils ont ouvert des cliniques comme en Illinois ou au Colorado, qui sont devenues des refuges pour les femmes qui n’ont d’autre choix que de conduire des dizaines d’heures pour atteindre les rives de l’Amérique libérale. Si elles ont les moyens de voyager. Pour les autres… ce sont des maternités forcées.
Loin de se victimiser, d’autres femmes qui ont été interdites d’IVG alors que pourtant leurs grossesses étaient condamnées attaquent leur État, le Texas, en justice. Où l’avortement est interdit dès la conception même en cas de viol, même en cas d’inceste.
Des gynécologues engagés ont aussi le courage d’apporter leurs témoignages pour dire qu’ils sont empêchés de soin au regard des peines qui les menacent en cas d’avortement illégal, la prison à vie dans certains États. D’autres racontent les attaques constantes de la part des activistes ultra-religieux qui sont capables de passages à l’acte criminel pour les empêcher de pratiquer leur métier.
Toutes ces Américaines et Américains sont devenus les garants de la liberté et de la dignité de leurs concitoyennes. Ce sont leurs visages et leur engagement que ce film documentaire a pour intention de faire découvrir. Ils incarnent un sursaut, un rempart face aux idéologies radicales qui menacent la démocratie américaine. Et tout l’Occident, dans un contexte où l’extrémisme a le vent en poupe. »

Militants anti-avortement devant une clinique du Colorado
Militants anti-avortement devant une clinique du Colorado.
© LSD Films / Les Films du Huitième Jour

Le Monde en face
Avortement aux États-Unis, la grande fracture

Après la diffusion de ce documentaire, Mélanie Taravant propose un débat avec plusieurs invités.

Présentation Mélanie Taravant 
Documentaire (inédit – 67 min – 2024) – Auteurs Cyril Denvers et Sophie Przychodny — Réalisation Cyril Denvers — Production LSD Films et Les Films du Huitième Jour, avec la participation de France Télévisions
À (re)voir sur france.tv

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Publié par Diane Ermel