Hybride et débridé

Cela commence comme une blague, un gag un brin macabre et tiré par les cheveux. Tandis qu’à Paris Astrid et Raphaëlle sont appelées à la suite de la découverte par une ménagère d’un œil humain dans un bocal d’oignons en conserve (« C’est quoi, ce bordel ? », demande Raphaëlle, « Il s’agit d’une situation particulièrement peu fréquente », commente Astrid), à Bordeaux, Alexandra Ehle se penche sur un cadavre à qui on a sectionné les deux yeux. Une enquête rapide ne tarde pas à relier les deux extrémités du mystère, et voilà les deux Parisiennes, munies d’une glacière contenant le globe oculaire, en route pour la préfecture de la Gironde, son institut médico-légal et l’ancien propriétaire dudit globe. Présentations et petite chamaillerie pour décider à qui revient le puzzle... vite tranchée par le procureur : « saisine commune ». Astrid, Raphaëlle, Alexandra et le commandant Antoine Doisneau, son frère, vont devoir coopérer pour les besoins de l’enquête. Pour le meilleur et pour le pire... Ils ne seront pas trop de quatre, puisque l’affaire s’annonce brumeuse : la victime a été déclarée disparue à deux endroits différents mais sous la même identité.
La première bonne idée de cet épisode, c’est le croisement de deux univers singuliers – les sociétés de production des deux séries sont « cousines », puisqu’elles appartiennent au même groupe, cela simplifiait les choses ; la seconde, c’est d’avoir poussé jusqu’au bout les implications d’une telle hybridation en redistribuant les duos au moyen d’une combinatoire ludique et débridée.
1) Antoine Doisneau/Astrid Nielsen : sans grande surprise, l’intraitable flic et la documentaliste un peu raide se retrouvent sur un credo commun : sérieux, professionnalisme et respect de la procédure.
2) Astrid Nielsen/Alexandra Ehle : on ne sait laquelle des deux est la plus interloquée, de la légiste spontanée et familière confrontée aux manières réfléchies et ultra codifiées de la nouvelle venue, ou de la documentaliste hypersensible et allergique à tout désordre, horrifiée par l’utilisation d’une fourchette (stérilisée, hein) en médecine légale ou confrontée à une collection personnelle de viscères d’hommes célèbres (dont le prépuce de Descartes, quand même...).
3) Alexandra Ehle/Raphaëlle Coste : ingérables séparément, les deux femmes atteignent ensemble le niveau olympique. Interrogatoires sauvages, dégustation de muscadet pendant le service, conduite en état d’ébriété, vols qualifiés... On renonce à comptabiliser les manquements au code de procédure. Au passage, le spectateur est saisi d’un léger vertige en voyant Lola Dewaere et Julie Depardieu faire du vélo dans une scène qui cite de façon subliminale Les Valseuses avec leurs pères respectifs.
4) Raphaëlle Coste/Antoine Doisneau : c’est le crush, le béguin, celui qui fait bafouiller des âneries et donne l’air assez nigaud. Raphaëlle trouve le commandant « très, très... sympathique... professionnellement très sympathique... ». Le timide commandant, lui, ne parvient même pas à articuler autant de mots. Et ce ne sera pas le moindre des mystères élucidés au cours de cette enquête (laissons de côté la question de l’authenticité du prépuce de Descartes) que de découvrir enfin qui était le fringant maître-nageur à la coupe mulet qui faisait tourner la tête de la toute jeune Raphaëlle, au début des années 90, au camping des Ragondins...

Astrid, Raphaëlle et Alexandra Ehle : Œil pour œil

Fiction (2024 – inédit – 90 min) – Scénario Cécile Lorne et Alexandre de Seguins – Réalisation François Basset – Production Carma Films et JLA Productions – Avec la participation de France Télévisions

Avec Julie Depardieu (Alexandra Ehle), Lola Dewaere (Raphaëlle Coste), Sara Mortensen (Astrid Nielsen), Bernard Yerlès (Antoine Doisneau)...

Diffusion vendredi 1^er novembre à 21.05 sur France 2
À voir et à revoir sur france.tv

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