Zubin Mehta et le Berliner Philharmoniker ré-enchantent Mozart et Tchaïkovski

« Quatre notes modestes, écrit Richard Powers dans son roman Orfeo à propos de la Jupiter, la Symphonie numéro 41 en ut majeur de Mozart. Do, ré, fa, mi : la moitié d'une gamme approximative. Trop simple pour qu'on puisse parler d'invention. Mais cette chose se répand dans le monde [...], accroît sa masse, aspire d'autres mélodies dans son champ de gravité. Des airs et leurs contrepoints se séparent et se reproduisent, lancés à la poursuite les uns des autres dans un jeu de chat cosmique. [...] Cinq brins se propagent, contamination de l'air par le virus galopant de la joie. »
Il fallait une œuvre à la hauteur de l'enjeu : pour fêter le trentième anniversaire et la réouverture, après rénovation et agrandissement, de la Grange au Lac conçue par l’architecte humaniste Patrick Bouchain, le légendaire Berliner Philharmoniker propage à son tour, pour notre plus grand bonheur, « le virus galopant de la joie ». Conduit par le chef originaire de Bombay Zubin Mehta, l'orchestre de 70 musiciens se réapproprie avec fougue l'œuvre maîtresse du prodige viennois. Une direction flamboyante et une interprétation irréprochable pour un concert déjà culte, donné le 28 juin 2023. Précédée par l’ouverture de l’opéra Genoveva de Robert Schumann, la quatrième symphonie de Tchaïkovski, dite « Symphonie du destin », complète ce programme intense et roboratif. L'occasion rêvée d'entendre, dans l'écrin d'une salle mythique, la formation berlinoise au sommet de son art, avec deux esthétiques différentes qu'elle sert avec un égal talent.

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