La vie de château : « Versailles, 400 ans de faste et d'excellence »

Lorsque, en 1623, le roi Louis XIII pose la première pierre de son relais de chasse dans un hameau perdu au milieu de la forêt, à 17 km de Paris, ses intentions sont bien modestes. Quarante années plus tard, son fils Louis XIV décide de faire de ce lieu le cœur battant de son royaume : un édifice qui impressionnera l’Europe entière par sa démesure, entouré d’un parc à la perspective immense, où la nature apparaîtra domestiquée par l’homme, et d’une cité nouvelle accueillant une noblesse de cour enfin disciplinée – bien loin de l’aristocratie frondeuse qui ébranla le règne de son père – et se pressant bientôt autour de la personne royale qui, tel le Soleil, illumine et réchauffe l’humanité. Tout est pensé dans cette mise en scène visuelle et politique. Des milliers d’ouvriers et les plus grands artistes de l’époque, architectes, sculpteurs, peintres, décorateurs, jardiniers, etc., affluent vers ce chantier gigantesque (immortalisé en 1669 dans un célèbre tableau de Franz van der Meulen) qui innove dans tous les domaines. Ici, on ne reproduit pas, on crée les styles qui s’imposeront comme le standard du classicisme.
Ce numéro de Des racines & des ailes nous propose de rencontrer celles et ceux qui poursuivent l’œuvre des créateurs de Versailles et ont mené en vue du quatrième centenaire du domaine de vertigineux travaux de restauration. Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques, nous dévoile les secrets de la galerie des Glaces et du chantier le plus important lancé pour cet anniversaire : la restauration de l’antichambre de l’œil-de-bœuf, le point central de la véritable mécanique de la cour sous le Roi-Soleil. L’historien de l’art Laurent Brunner nous ouvre les portes de l’Opéra royal, novateur et demeuré quasiment intact : un théâtre à la machinerie incroyable, édifié en 1768 pour le mariage du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette par l’architecte Ange-Jacques Gabriel en seulement 18 mois ! Il a accueilli cette année les représentations de La Caravane du Caire, opéra créé en 1783 par André Grétry.

Le maître doreur Laurent Bruneau nous fait visiter les appartements aménagés en 1769 pour la comtesse du Barry, dernière favorite de Louis XV, puis nous entraîne jusqu’au chantier de la Chapelle royale, conçue par Jules Hardouin-Mansart, dont la réfection de la toiture a nécessité 160 000 feuilles d’or !
Le cheval est bien évidemment omniprésent sous l’Ancien Régime, à Versailles comme ailleurs. Mais la démesure des lieux méritait bien le plus grand chantier jamais réalisé pour loger des chevaux. Ceux-ci sont de retour dans les Écuries royales – berceau de l’école équestre française – depuis la création en 2003 de l’Académie équestre nationale du Domaine de Versailles, fondée par Bartabas. Nous suivons la jeune écuyère Fanny Lorré qui perpétue la tradition du dressage à la française. Elle est l’une des rares à pouvoir parcourir le parc à cheval.
Louis XIV et ses successeurs donnèrent à Versailles des fêtes grandioses et inoubliables – à commencer par la semaine de festivités nommée « Les Plaisirs de l’Île enchantée », en 1664, au cours de laquelle Molière et Lully donnèrent la comédie-ballet La Princesse d’Élide. Des racines & des ailes nous propose, grâce à l’imagerie 3D, de revivre le mariage du futur Louis XVI. Enfin, à anniversaire exceptionnel, événement exceptionnel : cette année, pour la Grande Nocturne de feu, 600 drones envahissaient le ciel du château au cœur d’un grand feu d’artifice. Une magie visuelle à la fois « high-tech » et dans la droite ligne des grandes fêtes du XVII^e siècle !