Sur le front : « Verre, plastique : qui bloque le retour de la consigne ? »

Où finissent nos pots de yaourt ? Nos bouteilles en verre se recyclent-elles vraiment à l'infini ? Dans ce nouveau numéro de « Sur le front », Hugo Clément suit la trace de nos poubelles et dévoile les dessous du recyclage et ses limites. Il démontre qu'il faut en finir avec les emballages à usage unique. La solution ?... La consigne. Ce qui ne fait pas l'affaire des industriels. Lundi 27 novembre à 21.05 sur France 5.


Vous êtes probablement de ceux qui jettent leurs pots de yaourt dans la poubelle jaune destinée au tri. Bravo ! Mais vous êtes sans doute loin d’imaginer ce qu’ils deviennent. Recyclés ? Pas si simple. Car beaucoup de centres de tri peinent à isoler les pots de yaourt en polystyrène. Seules 2 000 tonnes par an – soit 3 % de tous nos pots de yaourt ! – sont réellement recyclées sous forme de pots de fleurs ou de cintres... pas en France, cependant, mais à Valence, en Espagne ! En effet, aucune infrastructure n’est capable aujourd’hui de le faire dans notre pays.
L’immense majorité de ces emballages est donc transformée en CSR (combustible solide de récupération) et brûlée, le plus souvent pour faire fonctionner des cimenteries. Une partie de ces pots, mêlée à d’autres déchets plastiques, est aussi vendue en Europe du Nord et part par bateaux pour y être utilisée comme combustible de centrales électriques. L’électricité ainsi produite est même considérée comme... « verte » ! À voir...
Et le plastique ? Celui qui se recycle le mieux subit une importante dégradation qui rend nécessaire de réinjecter des dérivés de pétrole dans le processus de fabrication. Et le verre, dont le recyclage est souvent considéré comme le plus vertueux ? Ce n’est pas mieux. Une nouvelle bouteille contient 55 % de verre recyclé et 45 % de matière première (essentiellement du sable). À quoi il faut ajouter une quantité faramineuse d’énergie indispensable au maintien des fours à 1 600 degrés nuit et jour. La consommation annuelle de la plus grand usine de fabrication de verre en France est ainsi égale à celle de la ville de Rouen !
Faut-il donc arrêter de trier ses déchets ? Absolument pas. Mais si on revenait surtout à la bonne vieille consigne des bouteilles en verre, disparue en France au début des années 2000 (sauf en Alsace) ? Mieux encore : la consigne des bouteilles en plastique, dont on voudrait nous faire croire qu’elle est techniquement impossible, existe bel et bien et fonctionne parfaitement... en Allemagne ! Elle est même devenue une habitude depuis longtemps chez nos voisins. La bouteille en plastique consignée est plus épaisse, donc plus résistante, et de forme standard. Elle peut être ré-utilisée jusqu’à 25 fois et rapporte 25 centimes au consommateur.
La consigne, qui cela dérange, au fond ? Sûrement pas le consommateur, qui la réclame. Réponse dans cette enquête de Sur le front. Dans les stations du métro de Bruxelles, empruntées notamment par les parlementaires européens, une campagne de publicité en faveur des emballages à usage unique a envahi les murs. Elle dénigre la consigne et le réemploi à grand renfort de chiffres trompeurs. En France, le sénateur qui présidait la commission sur la loi anti-gaspillage confie à Hugo Clément qu’il n’a jamais reçu autant de sollicitations de la part de cabinets de conseil : selon le décompte officiel, 3 338 actions de lobbying ont été comptées rien que pour cette loi ! Un record en France...

L’édito de Hugo Clément 

« Le gouvernement a promis à plusieurs reprises, ces dernières années, le retour de la consigne. C’est plus écolo et moins cher pour le consommateur ! 92 % des Français y sont favorables (enquête IPSOS, 2023). Pourtant, nous ne voyons rien arriver dans nos supermarchés. Nous avons voulu comprendre ce qui coinçait et nous avons découvert que des industriels menaient un intense lobbying pour décrédibiliser la consigne qui fonctionne pourtant très bien chez nos voisins européens et qui marchait très bien jusque dans les années 90 en France ! Le tout, au profit des emballages à usage unique. 
Pour mesurer l’avantage écologique de la consigne, nous avons remonté les filières de recyclage. Nous sommes tombés des nues en découvrant que seuls 3% des pots de yaourts en France sont véritablement recyclés. Des centres de tri ont bien du mal à les isoler des autres déchets recyclables. Ils finissent donc brûlés, pour la plupart dans des cimenteries en France, ou pire : certains sont envoyés en Suède et utilisés comme combustible pour faire de l’électricité et du chauffage urbain. Si beaucoup de grands industriels traînent des pieds, des PME se lancent dans la consigne contre vents et marées. J’ai été impressionné par ma rencontre avec l’ancien PDG de Saint-Gobain : après avoir fait fabriquer des milliards de bouteilles en verre, il se mobilise pour mettre au point un système de nettoyage des bouteilles et de pots de yaourts afin qu’ils puissent être réutilisés. Il est en train de créer un réseau de consigne à échelle industrielle dont nous pourrons tous profiter. »

Des combattantes


Kako Naït-Ali est docteure en chimie des matériaux et a une passion bien particulière : le plastique ! À condition qu’il ne soit jamais à usage unique. Cette ingénieure, devenue une référence sur X (anciennement Twitter), nous fait découvrir le périple de nos pots de yaourts triés. Avec elle, le constat est sans appel : il faut cesser d’utiliser du plastique jetable et passer à la consigne !

Mélisande Seyzeriat lutte pour le retour de la consigne en France. Elle alerte les consommateurs grâce à des mises en scène surprenantes dans les rayons des magasins et n’hésite pas à mettre les industriels face à leurs contradictions. Enjouée et combative, cette militante de Zero Waste décortique même le lobbying intense des fabricants pour empêcher la France de se convertir au réemploi.

Sur le front : « Verre, plastique : qui bloque le retour de la consigne ? »

Magazine (52 min – 2023) – Présentation Hugo Clément — Rédaction en chef Pierre Grange — Réalisation Paul Cabanis — Production Winter Productions
 
Diffusion le lundi 27 novembre à 21.05 sur France 5
À voir ou revoir france.tv

 

 

Publié le 25 novembre 2023