La soirée continue : Autisme, la détresse des familles

Rencontre avec Samuel Le Bihan, qui prend la robe d’avocat pour défendre une mère coupable d’infanticide dans « Tu ne tueras point ». La fiction sera suivie d’un débat dont le thème est « Autisme, la détresse des familles ». Mercredi 3 avril à partir de 21.10 sur France 2.

 

À l’occasion de La soirée continue « Autisme, la détresse des familles », Samuel Le Bihan s’est confié sur Tu ne tueras point, fiction dans laquelle il incarne l’avocat d’Elsa Sainthier. Cette mère, coupable d’infanticide, dit avoir voulu mettre fin aux immenses et irrémédiables souffrances de son enfant, atteinte de polyhandicap et de troubles autistiques sévères.

Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ?  
Samuel Le Bihan : Je voulais jouer un avocat depuis très longtemps. J’avais envie de m’essayer à la plaidoirie, au challenge que cela représente en tant qu’acteur de se lancer devant une audience avec les mots comme seule arme. Le sujet n’est venu qu’après, je ne tenais pas nécessairement à aborder l’autisme. Étant donné ma vie personnelle, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui vivent des  moments extrêmes dans une grande solitude. J’ai été très marqué par l’épuisement et l’abandon auxquels ils font face. Je suis tombé sur des articles de presse de ces tragédies qui arrivent environ une fois tous les dix ans, des mères épuisées qui, ne voyant plus d’autre solution face à la souffrance de leur enfant, prennent la décision de mettre fin à ses jours. Cette question n’est jamais abordée, je voulais interroger la place du handicap dans notre société, tout ce qu’implique une décision aussi lourde et désespérée. 

Votre vie personnelle et les expériences que vous avez vécues se retrouvent-elles dans ce film ? 
S. L. B. : Ma fille est autiste, elle va à l’école, accompagnée d’une AVS, et elle fait des progrès incroyables. Mais elle reste différente, et la question de l’avenir se pose toujours : si je ne suis plus là, comment ça va se passer ? Son chemin m’a permis de rencontrer beaucoup de monde. Je soutiens beaucoup d’associations, j’ai monté une plateforme. Nous sortons complètement du cadre de la famille comme on l’entend dans notre société. La vie sociale change, vous devez tout réorganiser. J’ai la chance de faire un métier qui me permet d’avoir des moyens et un réseau pour faire en sorte de m’occuper de ma famille comme il se doit. Dans certains milieux moins favorisés, il est quasiment impossible d’obtenir des rendez-vous, un diagnostic. Ma situation est complètement différente, mais je saisis l’écho que peuvent provoquer ces questions. 

Il y a tout un pan de ce film qui tourne autour de la justice, comment vous êtes-vous préparé à jouer un avocat, et notamment le morceau de bravoure qu’est la plaidoirie ?  
S. L. B. : Je me suis beaucoup préparé. Je suis allé au palais de justice de Paris pour regarder des plaidoiries, j’ai vu beaucoup de films. C’était très intéressant de voir les stratégies de chacun : ceux qui coupent le micro pour se rapprocher des juges, les Américains qui y ajoutent un certain sens du spectacle. Il faut saisir ces nuances et savoir faire preuve de réserve tout en étant convaincant. Le texte m’a assez vite bluffé et j’ai beaucoup travaillé pour lui faire justice. J’ai commencé à l’apprendre un mois avant le tournage. Je voulais pouvoir le connaître sur le bout des doigts et en être complètement détaché. J’ai aussi appris à maîtriser l’espace d’une salle d’audience. J’ai beaucoup répété, comme pour un spectacle. J’ai travaillé avec des conseillers techniques, des avocats, il fallait rester dans le domaine du plausible. J’ai filmé la plaidoirie deux fois, une du point de vue du public et une du point de vue des jurés. J’aimais bien l’idée de garder l’émotion de la première fois et de sauter sans filet. Ce sont des jolis rendez-vous dans le métier d’acteur, qui donnent envie qu’on les soigne. Capter l’audience pendant quinze minutes, en changeant les points de vue, en créant des relances, c’était un défi très intéressant.  

Tu ne tueras point s’arrête aussi beaucoup sur le sujet des aidants, de la famille proche, du manque d’accompagnement dont ils sont victimes…
S. L. B. : Il y avait un aspect militant dès le début de l’écriture du projet. C’est aussi comme ça que nous en avions parlé avec France Télévisions. La place des aidants est essentielle et doit être abordée. Certaines personnes sacrifient leur vie pour leurs enfants, souvent des femmes, car ce sont elles les mères. Beaucoup de couples explosent, les pères abandonnent, et elles se retrouvent seules à devoir sacrifier leur carrière et leur vie personnelle. En décalant le sujet du crime, on étend effectivement l’histoire aux personnes qui entourent ces enfants handicapés. L’attention est aussi tellement portée sur l’enfant plus fragile que les autres peuvent se sentir abandonnés, mal aimés et finir par croire qu’il aurait fallu qu’ils soient handicapés pour qu’on s’occupe d’eux. Ces enfants finissent souvent par s’orienter vers les métiers qui développent le sens de l’autre. 

Pourquoi avoir choisi de se concentrer sur la mère, que pouvez-vous nous dire de son personnage et de ce qu’elle représente ?  
S. L. B. : Je voulais qu’on aborde le sujet après que la tragédie a eu lieu, il fallait que ce soit acceptable pour le public. Il n’était pas question de voir une mère tuer son enfant. Nous sommes dans le temps de la justice, c’est une distance nécessaire pour aborder ce sujet avec plus de pudeur et de délicatesse. Nous suivons la mère, ce qu’elle vit et comment elle en ressort ou pas. C’est une fenêtre sur son chemin intérieur : quel être humain est-on après cet événement, comment y survit-on ? L’avocat n’est pas là pour lui faire éviter la condamnation : elle s’est condamnée elle-même, il est là pour sauver cette femme aux yeux de la société, pour faire évoluer son regard. La tragédie est déjà trop ancrée dans sa vie, peu importe le résultat du procès. Cette femme, à bout de souffle, pose une question sociale. Le film interroge l’accompagnement, ou son manque, et la terrible solitude des parents. Il ne faut pas chercher à comprendre son geste mais le regarder en face et se demander ce qu’il dit de notre société, de notre humanité. L’idée n’est pas d’amener des réponses mais de poser la question, de soumettre une réflexion au public. Il s’agit réellement d’une mission de service public.  

Justement, quel regard sur la société posez-vous avec ce film, comment approchez-vous votre rôle ?
S. L. B. : Je vois une société de plus en plus compétitive, qui laisse de moins en moins de place à la famille, à la vieillesse, à la maladie, à la différence ou à la faiblesse. Cette solidarité naturelle est de plus en plus difficile à mettre en place. De gros efforts ont été faits pour accompagner les enfants à l’école, mais il reste tellement de combats. Pour les autistes adultes, sur l’accueil et les places en centres spécialisés. Je me souviens d’une mère, défendue par Éric Dupond-Moretti, qui avait tenté de mettre fin à ses jours après avoir tué son enfant. La société avait complètement abandonné cette mère, qui s’est résolue à disparaître et faire disparaître son enfant. Il y a beaucoup de maladies rares où il faut évoluer en termes d’accompagnement : l’aspect social et structurel mais aussi l’aspect moral et la manière dont nous intégrons la différence au quotidien. 
Chacun vit ce métier comme il l’entend. Je trouvais important de mêler celui-ci à une cause qui m’est chère et de faire bouger les lignes. Je ne veux pas non plus devenir intrusif, mais ces sujets méritent une tribune.

Propos recueillis par Lucile Canonge

Mobilisation autour de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

Cette Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, le 2 avril, rappelle à tous les Français que les troubles du spectre autistique, de la petite enfance à l’âge adulte, touchent 1 % de la population, et que de nombreux progrès restent à accomplir pour faire avancer la recherche thérapeutique et adapter la société à la neurodiversité.
Le groupe France Télévisions, fortement engagé en faveur de l’inclusion, de la compréhension et de l’amélioration de la vie des personnes en situation de handicap, a à cœur de mettre en lumière les grands enjeux d’intégration sociale et de santé publique liés à l’autisme.
France Télévisions se mobilise autour de cette Journée mondiale en proposant une programmation spéciale afin de sensibiliser le grand public aux attentes et difficultés quotidiennes des familles qui restent immenses.
France.tv propose, dès le 1er avril, une nouvelle série québécoise : À propos d’Antoine et la fiction T’en fais pas, j’suis là. Et France 2, le 3 avril, une nouvelle « Soirée continue », avec la fiction Tu ne tueras point.


Natacha Régnier et Samuel Le Bihan
Natacha Régnier et Samuel Le Bihan dans « Tu ne tueras point ».
© François Lefebvre /FTV

La soirée continue « Autisme, la détresse des familles » 

21.10 Tu ne tueras point

Ancien pénaliste de renom, Simon Marchand est aujourd’hui considéré comme un has been. Quelques années plus tôt, lors d’une affaire où il défendait une femme accusée de meurtre, il a entamé une liaison avec sa cliente et s’est laissé trop vite convaincre de son innocence. Humilié sur la place publique, Simon a frôlé la radiation du barreau et a divorcé de la mère de ses enfants. Depuis ce drame qui a fait dérailler sa vie, Simon vit seul et ne traite plus que des affaires sans envergure.
Pourtant, c’est bien en tant que pénaliste qu’il est sollicité pour défendre une femme mise en examen pour infanticide. Simon a entendu parler de cette affaire : Elsa Sainthier a reconnu le crime et dit avoir voulu mettre fin aux immenses et irrémédiables souffrances de son enfant, atteinte de polyhandicap et de troubles autistiques sévères. Sans autres perspectives que des structures d’accueil faites pour les troubles psychiques des adultes. Elsa a pris pour sa fille la plus dure des décisions. Elle n’a aucun regret. Creusée de douleur, elle n’attend rien de ce procès, elle ne cherche pas à ce qu’on la comprenne, la plaigne ou l’excuse, ni à ce qu’on la défende.
Plutôt que de le décourager, l’attitude d’Elsa déclenche quelque chose chez Simon : sans jamais chercher à l’exonérer ou à la dédouaner, il va la défendre. Pour expliquer, pour comprendre. Pour qu’un tel drame ne se reproduise plus jamais. 

Fiction (90 min – 2023) – Réalisation Leslie Gwinner — Scénario Julien Guérif et Charlotte Pons — D’après une idée originale de Samuel Le Bihan — Musique originale composée par Laurent Perez del Mar — Productrice Delphine Wautier — Productions France TV Studio et Dalva Productions — Avec la participation de France Télévisions — En coproduction avec AT - Production R.T.B.F. (Télévision belge) — Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma — Avec le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes — Avec la participation de TV5Monde — Coproducteur associé Frelon Productions

Avec Samuel Le Bihan (Simon), Natacha Régnier (Elsa), Martine Chevallier (Irène), Daniel Benoin (Pincel), Christophe Kourotchkine (Charles), Thomas Cousseau (Yves), Jérémy Barrière (Zac), Samia Sassi (Leila), Mitty Hazanavicius (Flora), Agathe Dronne (Laetitia), Raphaëlle Rousseau (Avocate générale), Magali Bonat (présidente)…

22.30 Le débat

Présentation Julian Bugier 

Les invités : Samuel Le Bihan, comédien, et cofondateur de la plateforme Autisme Info Service, Florent Chapel, père de Galaad, jeune autiste de 18 ans, et cofondateur de la plateforme Autisme Info Service, Anne-Sophie Peyle, présidente d’Autisme sans frontières 92, mère d’un jeune garçon autiste, Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement, Stéf Bonnot-Briey, vice-présidente France de l’association Autisme Europe, autiste de haut niveau, Séverine Leduc, psychologue, spécialiste des troubles du spectre autistique, Jean-François Dufresne, président et fondateur de l’association Vivre et Travailler Autrement (VETA) et père d’un adulte autiste de 34 ans

Tu ne tueras point, suivi d’un débat dont le thème est « Autisme, la détresse des familles », est diffusé mercredi 3 avril à partir de 21.10 sur France 2
À voir ou à revoir sur france.tv 

Voir la grille des programmes TV disponibles cette semaine   

Publié par Diane Ermel le 30 mars 2024