« Pérou, sacrifices au royaume de Chimor » : un cold case archéologique dans « Science grand format »

Le royaume de Chimor était méconnu du grand public jusqu’à cette découverte macabre en 2011. Au nord du Pérou, sur le site de Huanchaquito-Las Llamas, des centaines de corps d’enfants et de lamas sont découverts, projetant la lumière sur la civilisation Chimú et ses pratiques. Comment et pourquoi ces sacrifices ont-ils été accomplis ? Une enquête à suivre dans « Science grand format » jeudi 23 février à 21.00 sur France 5.

John Verano, anthropologue devant un des cadavres d'enfants. © Nilaya Productions

Il est des découvertes qui forgent une carrière. C’est ce qui est arrivé à l’archéologue Gabriel Prieto en 2011. À l’époque, il n’est encore que doctorant, mais il n’hésite pas à abandonner sa thèse pour se consacrer entièrement au chantier de fouilles. Ce chantier, c’est celui du site de Huanchaquito-Las Llamas, au nord du Pérou, le long de l’océan Pacifique. Pourtant, à l’origine, il ne devait pas lui être confié. L’histoire semble invraisemblable, mais c’est bien le gérant d’une pizzeria de Trujillo, petit village côtier, qui le contacte après avoir cherché à attirer l’attention d’archéologues de la région plus chevronnés.

La découverte d’une vie
Si les premiers squelettes étaient bien visibles à la surface, depuis l’arrière du restaurant, à l’emplacement d’une décharge que des camions venaient déblayer, les scientifiques ne lui prêtent guère d’attention. Gabriel, lui, va commencer à fouiller avec deux apprentis. Très vite, les ossements sont découverts par centaines et le jeune archéologue commence à mesurer l’ampleur de cette découverte, bien qu’il n’ait fait qu’en effleurer la surface. En tout, ce sont cent trente-sept squelettes d’enfants (âgés de 5 à 15 ans) et de plus de deux cents lamas qui sont exhumés, faisant de Huanchaquito-Las Llamas le site du plus grand sacrifice d’enfants au monde. L’excellent état de conservation des corps, pour la plupart recouverts de linceuls, fournit des informations précieuses aux chercheurs. Elles vont permettre de les dater du XVe siècle, soit pendant la période préhispanique, et de les rattacher à la civilisation Chimú du royaume de Chimor.

Les Chimú, un peuple de la mer
Dans le documentaire Pérou, sacrifices au royaume de Chimor, on découvre cette civilisation dont peu de choses sont connues. En l’absence d’écrits, les spécialistes ne peuvent se reposer que sur les récits des conquistadors espagnols, datant de plus d’une centaine d’années après, à une époque où le royaume de Chimor n’existe plus, balayé par l’invasion des Incas en 1470. Restent les monuments, comme la cité de Chan Chan, pour tenter de comprendre ce peuple et enquêter sur les raisons qui ont pu les pousser à un tel sacrifice de masse. Située non loin du site de Huanchaquito-Las Llamas, cette ville en terre s’étend sur plus de 20 km2, ce qui en faisait la plus grande d’Amérique du Sud à son apogée et lui a valu son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco. Sur les murs, les archéologues découvrent des fresques représentant des animaux marins, des vagues, etc. Elles témoignent du rapport singulier et profond qu’entretenaient les Chimú avec l’océan. De par leur activité de pêcheurs, mais aussi parce que le fondateur du royaume de Chimor était venu du nord, par la mer.

Une enquête qui ne fait que commencer
Les chercheurs s’appuient également sur les objets découverts, dont un grand nombre sont gardés dans la collection du Metropolitan Museum of Art, à New York. Orfèvrerie, céramique, tissage : tous témoignent d’un savoir-faire remarquable. Fait notable, la plupart étaient conçus pour des rites funéraires, explique Joanne Pillsbury, conservatrice.
Avec l’aide des scientifiques tels que John Verano, anthropologue physique à l’université Tulane, et Nicolas Goepfert, archéologue au CNRS, Gabriel Prieto reconstitue minutieusement et pendant près de dix ans le puzzle de ce sacrifice de masse. Une enquête historico-scientifique dont il ne comprend l’ampleur qu’après la découverte de deux autres sites similaires sur le littoral nord-péruvien. Une course contre la montre s’engage alors face aux avancées des promoteurs immobiliers.

Liste des intervenants
Gabriel Prieto, archéologue, Université de Floride
Segundo Vasquez, archéologue, Université de Trujillo
Joanne Pillsbury, conservatrice, Metropolitan Museum of Art
John Verano, anthropologue physique, Université Tulane
Ari Caramanica, archéologue, Université Vanderbilt
Nicolas Goepfert, archéologue, CNRS
Élise Dufour, biogéochimiste, Muséum national d’histoire naturelle

Le documentaire a été sélectionné dans plusieurs festivals et a reçu un prix :
• Italie : Grand Prix de la 12e édition du Festival della Comunicazione e del Cinema Archeologico 2022
• Italie : Sélection officielle au Firenze Archeofilm Festival 2023
• États-Unis : Sélection officielle The Archaeology Channel International Film Festival 2023
• Autriche : Sélection officielle au Vienna Science Film Festival 2023
• France : Sélection en section Grand Public, Sélection Panorama (Hors compétition), pour la 18e édition du Festival Pariscience 2022
• États-Unis : Sélection officielle Arkhaios Film Festival – Cultural Heritage and Archaeology – 2022
• Espagne : Sélection officielle à la 22e édition du Ficab 2022

Pérou, sacrifices au royaume de Chimor

Présentation Mathieu Vidard
Documentaire (90 min – 2022) – Réalisation Jérôme Scemla – Conseiller scientifique Nicolas Goepfert – Narration Fanny Gautier – Musique originale Léopold Roy, éditions Nilaya / Cristal Publishing – Production Nilaya Productions, Patricia Boutinard Rouelle et Marianne Jestaz 

Pérou, sacrifices au royaume de Chimor, un numéro de « Science grand format » présenté par Mathieu Vidard, est diffusé jeudi 23 février à 21.00 sur France 5
À revoir sur france.tv

Publié le 21 février 2023
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