Percer l’origine et le langage des fleurs

Pour comprendre comment les plantes à fleurs sont parvenues à coloniser rapidement la planète, paléontologues, biologistes, botanistes, chercheurs et généticiens ont mené l’enquête. Après avoir découvert leurs résultats, votre regard sur ces plantes ne sera plus jamais le même. « Science grand format : L’Abominable Mystère des fleurs », c’est ce jeudi à 21.00 sur France 5.

 

Darwin a eu une obsession pour les plantes à fleurs tout au long de sa vie. À cause de cette soudaine diversification. Cela contredisait toute sa théorie de l’évolution, qui était basée sur des étapes graduelles et lentes.

Sarah Darwin, botaniste

C’est une investigation hors norme à laquelle paléontologues, biologistes, généticiens, botanistes et chercheurs ont pris part. Une enquête au long cours faite de découvertes, de rebondissements et d’émerveillement autour d’une plante symbole d’amour, de fête, d’adieu, de campagne, de culture et de beaux jours, dont le développement rapide restait pour Charles Darwin un abominable mystère. Elle, c’est l’angiosperme. La plante à fleurs. Elle a réussi l’exploit de traverser les millénaires tout en s’adaptant aux aléas climatiques. « Les fleurs, pour moi, c’est une illustration magnifique de ce que peut créer l’évolution », précise le généticien François Parcy, qui a cherché, avec son équipe, à en percer les origines.

S’allier au monde animal pour assurer sa survie

Schémas, images ultraviolettes, expériences in situ et reconstitutions dévoilent l’ingéniosité des fleurs pour assurer leur descendance et ainsi s’implanter durablement sur la planète. Leur succès repose sur leur alliance avec le monde animal. « L’association avec les insectes, explique François Parcy, c’est une optimisation énorme. Puisqu’on peut imaginer par rapport à du vent qui va emmener du pollen au hasard, là vous allez avoir un bourdon, une abeille ou un papillon de nuit qui va spécifiquement aller de fleur en fleur. Et l’avantage d’avoir les organes mâle et femelle sur la même structure, sur la fleur, c’est qu’un insecte, quand il va visiter, il va à la fois déposer du pollen et emporter du pollen. Ce qui fait que dans une même visite, il va aller faire ce brassage génétique. Et ça, c’est un avantage énorme.Donc pour la fleur, c’est le rêve. Elles ont quelqu’un qui conduit docilement leurs gamètes d’une fleur à l’autre. Et donc elles sont immobiles, elles ne peuvent pas bouger, et pourtant elles se reproduisent de façon très efficace. » Ainsi, le super bloom (une gigantesque floraison) survolé au début du documentaire peut s’apparenter à un immense speed dating entre fleurs, avec pour entremetteurs des pollinisateurs.

Je pense que Darwin aurait été subjugué s’il avait pu assister à un super bloom. Se trouver dans un désert qui est normalement dépourvu de toute plante et voir soudainement cette extraordinaire diversité de fleurs arriver d’un seul coup.

Sarah Darwin, botaniste, à propos de la gigantesque floraison qui se produit une fois par an dans le désert aride de Namaqualand en Afrique du Sud

Séduire pour se reproduire

Pour parvenir à attirer les pollinisateurs, les angiospermes sont aux aguets. Oui, vous avez bien lu. Une étude, menée par la biologiste Lilach Hadany, a prouvé que leurs pétales perçoivent les bourdonnements. En réponse à ces sons, annonciateurs d’une visite, la fleur produit un nectar plus sucré pour récompenser les insectes d’être venus jusqu’à elle. Là n’est pas sa seule spécificité. À Zurich, le chercheur en botanique évolutive Florian Schiestl a démontré qu’une même plante était capable de créer de nouvelles espèces pour répondre aux préférences d’un pollinisateur. En disposant des Brassica rapa dans deux serres distinctes, il a découvert qu’en neuf générations (la plante produisant une nouvelle génération de graines toutes les sept semaines), celle butiné par le bourdon était plus odorante et plus grande que celle visitée par le syrphe. Sur les pétales, invisibles à l’œil nu, certaines n’hésitent pas à disposer des balises pour diriger les insectes vers des étamines lumineuses. « Nous sommes toujours étonnés et émerveillés, précise la botaniste Aline Raynal-Roques. Je vois en perspective lobjet réel, la tête de fleur d’oignon, et son image photographiée en UV. On ne dirait pas du tout que c’est la même chose. On aurait jamais pu imaginer ça. »

Nul besoin d’être féru de jardinage, biologiste en herbe ou spécialiste de la flore pour vous passionner pour les recherches menées par ces scientifiques. Si le réchauffement climatique aura des incidences sur ces espèces, nous savons que le pire pour elles serait de manquer de pollinisateurs. Nous passer des fleurs des champs est une situation déjà difficilement acceptable, mais que ferions-nous, demain, si nos cultures n’étaient plus visitées lorsque les fleurs arrivent à maturité ?

Après avoir répété l’expérience de nombreuses fois, on se rend compte que les fleurs iridescentes sont bien plus faciles à trouver pour un pollinisateur. Et en moyenne une abeille peut passer deux fois moins de temps à trouver une fleur si cette fleur est iridescente.

Edwige Moyroud, biologiste moléculaire des plantes

Angiosperme (nom féminin) : Plante à graines dont l’ovule, fécondé par l’intermédiaire d’un tube pollinique, se transforme en un fruit clos. (Les angiospermes portent généralement des fleurs typiques. Elles forment un sous-embranchement, s’opposant aux gymnospermes.)

Gymnosperme (nom féminin, du grec gumnospermos, dont les graines sont nues) : Plante à graines (spermaphyte), dont les ovules, puis les graines, sont portés sur des écailles plus ou moins ouvertes et non dans un fruit clos. (Les gymnospermes constituent un sous-embranchement, presque uniquement formé, de nos jours, par les conifères : pins, cyprès, genévriers, etc.)
Source : Larousse


Science grand format : L’Abominable Mystère des fleurs

Les fleurs défient l’impossible. Sous leur apparence fragile, ce sont des combattantes. Leur histoire est celle d’une conquête fulgurante de la planète. Elles représentent, aujourd’hui, 90 % des espèces de plantes. Une domination sans partage qui intrigue les scientifiques, depuis des siècles. Selon Charles Darwin, « le développement rapide des plantes à fleurs est un abominable mystère ».
Aujourd’hui, une nouvelle génération de scientifiques cherche à percer ce mystère. Paléontologues, biologistes, généticiens traquent la moindre piste dans le monde entier. Des déserts africains aux forêts de Nouvelle-Calédonie, en passant par le sommet des Alpes, ils font des découvertes étonnantes. Les fleurs ont une sexualité débridée, possèdent des armes de séduction massives et sont plus résistantes que les dinosaures !

Ce documentaire est librement adapté de l’ouvrage L’Histoire secrète des fleurs, de François Parcy (éditions Humensciences / Humensis, Collection Comment a-t-on su).

Magazine – Présentation Mathieu Vidard
Documentaire (90 min - 2022) – Auteurs Clément Champiat et François Tribolet – Conseiller scientifique François Parcy – Réalisation François Tribolet – Compositeurs Maxime Beaudet et Olivier Depardon – Production Magnéto – Coproduction CNRS Images – Avec la participation de France Télévisions et Ushuaïa TV

Ce documentaire est diffusé le jeudi 19 mai à 21.00 sur France 5
Science grand format : L’Abominable Mystère des fleurs est à voir et revoir sur france.tv

Bonus vidéo : conférence présentée par François Parcy, généticien, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physiologie cellulaire et végétale de Grenoble (le 28 avril 2021)


 

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