« Sardou - Autoportrait »
Immense star, icône de la chanson française : depuis soixante ans, Sardou passionne, provoque ou irrite. Mais qui se cache vraiment derrière cet artiste aux 100 millions de disques vendus, derrière cet homme secret, amoureux avant tout de son public ? À l’occasion de sa dernière tournée, « Je me souviens d’un adieu », il a accepté de se livrer comme il ne l’a jamais fait à Augustin Trapenard. Un autoportrait sincère pour un documentaire exclusif.
Dans cet autoportrait, pas de témoin. Sardou s’est confié à deux reprises, chez lui en Normandie, à Augustin Trapenard, quelqu’un qu’il apprécie et dont il connaît le talent. Mais quelles ont été les motivations du présentateur de La Grande Librairie ? Réponses.
- Est-ce une première de sortir de l’univers du livre pour s’intéresser à la variété française ? Et pourquoi Michel Sardou ?
Augustin Trapenard: Si mes études, mon parcours et ma passion première ont quelque chose à voir avec la littérature, je me suis ouvert à toutes les formes de culture dans la pratique de mon métier. En produisant et en présentant la quotidienne culturelle Boomerang, sur France Inter, chaque matin pendant huit ans, notamment. Où je recevais autant d’écrivains et d’intellectuels que de musiciens, chanteurs, danseurs, chorégraphes, acteurs, réalisateurs, artistes… Avec le même souci de toujours préférer l’interrogation au jugement, et de ne jamais faire de mes émissions un tribunal du bon goût. Je me souviens avoir reçu Michel Sardou à la radio, un matin, et d’avoir entamé une conversation fascinante sur la figure de l’artiste. Je rêvais secrètement de la poursuivre.
J’aime le tremblement, le trébuchement, la douce anarchie de leur parole, à l’opposé de celle du journaliste, du politique ou de l’expert.
Augustin Trapenard
- Aviez-vous quelques appréhensions face à cet artiste iconique réputé pour ne pas avoir la parole facile ?
A. T. : Je pense qu’il n’y a rien de plus triste qu’une « parole facile ». Si je m’entretiens depuis près de vingt ans avec des artistes, c’est justement parce que j’aime le tremblement, le trébuchement, la douce anarchie de leur parole, à l’opposé de celle du journaliste, du politique ou de l’expert. Il suffit d’écouter, par ailleurs, une poignée de chansons de Michel Sardou, pour comprendre que le discours de chacun de ses morceaux appartient à un personnage qu’il interprète. Il le dit lui-même dans ces paroles aux airs de manifeste : « Je ne suis pas l’homme de mes chansons. » À partir de là, j’ai voulu imaginer un portrait de l’artiste en comédien. Ce qui m’a permis de prendre un peu de distance avec toutes les formes de panache ou de provocations dont Michel Sardou est coutumier. Il me semble qu’il apparaît dans ce portrait, plus intime, complexe et passionnant que jamais.
Si son œuvre et ses visages ont beaucoup changé, il demeure un point d’ancrage dans notre psyché.
Augustin Trapenard
- Au regard de ce documentaire, quels héritages artistique et humain nous transmet-il aujourd’hui ?
A. T. : Je n’attends pas, personnellement, d’un artiste qu’il me transmette des valeurs. Ce que je remarque, en revanche, c’est l’incroyable pérennité de Michel Sardou, qui a traversé la deuxième moitié du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, au point d’incarner quelque chose de la France. De l’esprit français. Si son œuvre et ses visages ont beaucoup changé, il demeure un point d’ancrage dans notre psyché. Le prix Goncourt Nicolas Mathieu a bien noté, dans son livre Connemara, comme ses morceaux étaient chantés à tue-tête dans les bals populaires autant que dans les soirées d’HEC. Les mélodies de Michel Sardou sont dans nos têtes, qu’on le veuille ou non. Et ce qui est passionnant, c’est que c’est le résultat d’un travail, d’une rigueur et d’une passion qu’il détaille dans ce documentaire avec une grande générosité.
Sardou - Autoportrait
Documentaire (Inédit – 115 min – 2024) – Entretiens Augustin Trapenard – Réalisation Nicolas Maupied – Production 10.7 Productions / Cathy Palumbo et Victor Robert et INA
Diffusion vendredi 29 mars à 21.10 sur France 3 et sur france.tv