Bombes à retardement
Tahiti, Papeete, une population accueillante, des paysages extraordinaires et... Mururoa, les essais nucléaires, les maladies sur des générations et le mépris des administrations. La case de documentaires « La Ligne bleue » nous invite à découvrir l'envers du paradis dans « Les oubliés de l'atome » lundi 15 mai à 23.10 sur France 3.
En 1966, en pleine guerre froide, la France poursuit ses essais nucléaires en Polynésie après en avoir déjà effectué 17 en Algérie entre 1960 et 1966*. Dès 1964, l’État donne le feu vert à la construction des infrastructures du CEP (Centre d'expérimentation du Pacifique), à Papeete et Mururoa. Le 2 juillet 1966 a lieu le premier tir français dans le Pacifique, appelé « N°18 Aldébaran ». 193 essais seront menés jusqu'en 1996. Le bilan est accablant et les conséquences délétères. Des radiations accablent les populations jusque encore aujourd'hui. Entre acceptation et obligation, ce documentaire entre au cœur de la logique qui a conduit les Polynésiens à subir la pollution nucléaire.
Pendant 30 ans, nous avons été les souris de laboratoire de la France.
Hina, une victime
De 1950 à 1990, la France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont lâché des centaines de bombes nucléaires sur les îles du Pacifique. Au prix du sacrifice des populations locales. Chaque pays joue la montre et espère la disparition silencieuse des victimes de la première génération. Mais l’atome laisse plus de traces que prévu. Des anomalies génétiques et des pathologies apparaissent chez les nouvelles générations. Celles-ci répliquent et prennent leur destin en main.
Raphaël se demande s'il a transmis « la maladie » à sa fille, depuis que le pédopsychiatre a détecté chez elle une anomalie génétique à l’origine de son trouble envahissant du développement. La maladie de sa fille est une histoire de famille. Elle remonte au grand-père, ancien travailleur du centre d’expérimentation du Pacifique. De 1966 à 1996, la France a fait exploser 193 bombes en Polynésie française, des bombes qui ont fait d’elle l’une des plus grandes puissances nucléaires au monde. Mais, depuis, les maladies pleuvent sur les Polynésiens.
En 2018, Christian Sueur, un pédopsychiatre, publie un rapport résumant ses dix années de travail dans ces îles du bout du monde. Ce qu’il relève est inquiétant : le nucléaire est le point de départ d’une série de maladies sur plusieurs générations. À 100 kilomètres des lieux des tirs, sur l’île de Tureia, les militaires ont laissé quelques traces de leur passage, mais les bombes, elles, ont légué un héritage : des maladies qui touchent les survivants et leurs descendants. Beaucoup ont choisi la voie de la résilience, d’autres ont fait le choix du combat pour faire reconnaître le lien entre leurs pathologies et les essais nucléaires. Mensonges, mépris, manipulations...
L’État français a longtemps nié les effets de la bombe sur ces populations, avant de finir par mettre en place un processus d’indemnisation pour les vétérans. Ces indemnisations sont aléatoires et souvent freinées par un système complexe, des dossiers difficiles à constituer. Seules 23 maladies sont reconnues et pas celles qui touchent désormais les descendants ; les victimes de la première génération sont aujourd'hui âgées, parfois illettrées, ont des difficultés à se déplacer à Papeete... C’est le combat d’une nouvelle génération en lutte dans toute l’Océanie.
À Tahiti, Hina, atteinte d’une leucémie, s’accroche à la vie, poussée par ce désir de comprendre sa maladie et de connaître son héritage. Via sa fondation, elle aide les malades et les Polynésiens à se réapproprier leur histoire du nucléaire. À des dizaines de milliers de kilomètres de là, au nord de l’Océanie, une autre jeune femme mène aussi cette bataille. Ariana a 25 ans, ses grands-parents sont des survivants du nucléaire. Si la France est l’un des derniers pays à être entrés dans la course folle au nucléaire, les États-Unis ont ouvert le bal dès 1946 aux îles Marshall (avec « seulement » 67 tirs). Population évacuée, apparition de maladies et de malformations, les dégâts collatéraux des essais nucléaires sont importants et immuables. Un processus d'indemnisation est en place depuis les années 1980, mais les Marshallais poursuivent le combat pour la (re)connaissance.
Quand s’arrêteront les effets des bombardements ? Quel est l’avenir pour les nouvelles générations ? Les grands pays du nucléaire sont-ils prêts à payer ? Poussés par leur conviction et aidés par des personnalités politiques et scientifiques, les enfants et les petits-enfants de l’atome répliquent contre ces grandes nations.
« La Ligne bleue » : Les oubliés de l'atome
Un documentaire de Suliane Favennec — Production Little Big Story, Valérie Montmartin — Coproduction Archipel Productions — Avec la participation du Fonds Images de la Diversité — Agence nationale de la Cohésion des Territoires — Centre national du Cinéma et de l’Image animée — Cette œuvre a bénéficié du soutien de la Polynésie française — Avec la participation de France Télévisions.
La Ligne bleue : Les oubliés de l'atome diffusé le lundi 15 mai à 23.10 sur France 3
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