« Les Fantômes du Tonkin » : à la recherche des soldats morts à Diên Biên Phu
Basé sur le rapport du capitaine Belmont, parti à la recherche des dépouilles des soldats morts à Diên Biên Phu, ce documentaire raconte la guerre d’Indochine autrement et apporte un nouvel éclairage sur l’absurdité de toute guerre. Lundi 6 mai à 22.40 sur France 3.
C’est un épisode méconnu de la guerre d’Indochine : en juin 1955, un an après la défaite à Diên Biên Phu, un capitaine de l’armée française est renvoyé sur place, seul et dans le plus grand secret. Son nom ? Le capitaine Paul Belmont. Sa mission ? Identifier les dépouilles abandonnées sur le champ de bataille. 3 000 soldats français y sont morts. 8 000 y sont portés disparus. L’état-major estime qu’il faut permettre aux familles de faire leur deuil. Le capitaine Belmont retrouve alors ce coin d’enfer où il a lui-même combattu avant d’être fait prisonnier. Aux prises avec les intempéries et un terrain hostile, il s’enlise un long mois (sa mission ne devait durer que quinze jours) sans succès : il ne réussit à identifier que huit corps. À son retour, il se montre tout de même optimiste. Il annonce dans un rapport : « La presque totalité des tués pourrait être retrouvée. » Il n’en sera rien. Sa mission sera la première et la dernière du genre. Au fiasco de la bataille répond celui de la mission Belmont.
Un an après, je pose le pied sur le site de la bataille de Diên Biên Phu : un endroit que je pensais ne jamais revoir.
Rapport du capitaine Paul Belmont
Depuis longtemps, le réalisateur Patrick Jeudy excelle dans l’art de s’emparer de l’histoire autrement. Dévoiler un portrait inattendu de Marilyn Monroe à partir des photographies inédites de Milton Greene (Marilyn malgré elle, 2002), raconter le clan Kennedy à hauteur d’enfants (Il n’y a pas de Kennedy heureux, 2010) ou à travers films de famille et journaux intimes (Qu’est-il arrivé à Rosemary Kennedy ?, prix du meilleur documentaire au Festival de Luchon 2019) ou encore s’immiscer, déjà, en Indochine à travers le destin de personnages fictifs inspirés de témoignages réels (Aventure en Indochine 1946-1954, 2013) : parce qu’il fait le choix d’un montage tout en archives (plongée vertigineuse, à la fois intime et cinématographique, dans tout ce qui constitue les traces d’une époque) et parce qu’il choisit d’éclairer un événement ou un personnage sous un angle inconnu, Patrick Jeudy s’empare des outils du documentaire pour rendre le passé sensible et vivant – en un mot : présent. Comme ses précédents films, Les Fantômes du Tonkin témoigne de ce goût de la mémoire vive – mémoire à raviver sans cesse.
Chaque colline dont l’ombre menaçante se profile autour de moi recèle le corps de mes camarades, gisant là. Je mettrai du temps à m’endormir cette nuit-là, car je pensais aux centaines de milliers qui m’attendaient.
Rapport du capitaine Paul Belmont
Basé sur le rapport, jusque-là inédit, du capitaine Belmont, le documentaire raconte l’odyssée glaçante de cet homme seul au pays des morts. Soixante-dix ans après les événements, Les Fantômes du Tonkin fait ressurgir la mémoire des combattants perdus, soldats sans sépulture auxquels le film rend hommage et dignité. Suivant l’enquête du capitaine Belmont au jour le jour, Patrick Jeudy raconte le « temps d’après », lorsque la fureur est retombée, lorsque le sang a séché et prolonge la réflexion sur cette guerre totale, impitoyable, aveugle et, à bien des égards, absurde, dévoilée par le documentaire Indochine, une guerre oubliée diffusé mercredi 1er mai sur France 3.
Les Fantômes du Tonkin
Documentaire (60 min – 2024) – Réalisation Patrick Jeudy – Conseiller historique Ivan Cadeau – Narration Yann Karaquillo et Stefan Godin – Production Temps Noir et l’ECPAD, avec la participation de France Télévisions
Les Fantômes du Tonkin, diffusé lundi 6 mai à 22.40 sur France 3, est à (re)voir sur france.tv