« Le Prix d’une vie » : ils demandent réparation à l’Église

Le 28 novembre, le pape François a reçu, pour la première fois, un collectif de victimes françaises*. Parmi elles figurent les principaux témoins de ce film.

Après cinquante ans de silence, les « enfants » de trois communes se sont constitués en collectif et se battent pour obtenir réparation. À Chavagnes-en-Paillers, dans le petit séminaire où des garçons de 10 ans étaient envoyés pour devenir prêtres, au moins 9 frères sur 21 abusaient des enfants. En 2019, Jean-Pierre Sautreau fait le récit de sa terrible expérience dans Une croix sur l’enfance. Ce livre libère, alors, la parole de plus de 50 victimes, dont Gérard Billaud, désormais rassemblées dans le Collectif 85 (collectif de victimes sexuelles dans l’Église de Vendée). 
À Issé et Loctudy, en Bretagne, ils sont quatre témoins victimes du même prêtre pédophile, Gabriel Gérard, au sein d’institutions religieuses ; Marie-Pierre, Raymonde, Ghislaine et Jean-Pierre Fourny ont également rejoint le Collectif 85. 

Une victime a le sentiment qu’elle ne sera crue que par une autre victime.

Jean-Pierre Sautreau, auteur d’« Une croix sur l’enfance »

La commission indépendante sur les abus dans l’Église (Ciase) estime à environ 330 000 enfants abusés depuis les années 1950. L’Église a reconnu sa responsabilité et le caractère systémique des violences sexuelles et a entamé un processus de réparation et d’indemnisation des victimes. Mais comment évaluer de tels préjudices ? Comment chiffrer les indemnisations de victimes ? Quel est « le prix d’une vie » ?
Ce documentaire, Le Prix d’une vie, raconte le combat personnel des témoins et la solidarité au sein du Collectif 85. Les réalisateurs suivent les victimes de la première prise de parole aux innombrables démarches auprès des institutions, jusqu’au chiffrage de leur indemnisation. Pour tous, il s’agit surtout de tourner la page, d’en finir avec leur colère et leur statut de victime. Il s’agit aussi de faire mémoire, et de protéger les générations futures.

Je l’avais dit à ma mère, qui n’avait pas voulu me croire.

Marie-Pierre

Les réalisateurs du documentaire

« Ce film est celui de Raymonde, Marie-Pierre, Ghislaine, Jean-Pierre, Gérard, Jean-Pierre et de quelques autres qui nous ont accordé leur confiance, nous ont ouvert leurs portes et ont partagé avec nous leurs émois pendant les deux années de leur “parcours”, depuis leur première prise de parole jusqu’à son “dénouement”. Deux années particulièrement intenses, avec des hauts, des moments de magnifique fraternité, de chaleur humaine, de dépassement de soi, mais aussi d’insondables gouffres qui s’ouvrent encore et encore, et de difficultés nouvelles qui surgissent avec les autres, la famille, le collectif, les institutions et, plus douloureux encore, avec soi-même. Très peu d’interviews, presque pas de commentaire, nous avons laissé toute leur place à ces moments de vie offerts, d’une exceptionnelle densité. En partageant leur chemin, Raymonde, Marie-Pierre, Ghislaine, Jean-Pierre, Gérard et Jean-Pierre forcent l’admiration et nous donnent une magnifique leçon de vie. Le Prix d’une vie est un film d’espoir, qui conforte la foi… en l’humanité. » Olivier Lamour

« N’a-t-on pas déjà tout écrit, tout raconté, tout filmé des violences sexuelles commises dans l’Église catholique ? Il faut toujours se méfier des premières impressions. Cette histoire-là est, en fait, à un nouveau tournant. Après le déni de ces trente dernières années, l’heure est à la reconnaissance et à la réparation, si faire se peut, de ce crime de masse. Nous avons longuement rencontré des femmes et des hommes, à l’automne de leur vie, qui marchent ensemble pour tenter d’obtenir justice. Nous avons partagé avec eux ce moment crucial d’un parcours de vie chaotique et douloureux. Au plus près des battements de l’existence, nous racontons cette histoire. » Bernadette Sauvaget