« Le Début de la faim » : un documentaire au cœur d’une épicerie solidaire
En France, le nombre de personnes qui dépendent de l’aide alimentaire a triplé en dix ans. Pour tenter de mieux comprendre l’insécurité alimentaire, la réalisatrice Ketty Rios Palma a posé sa caméra au cœur d’une petite épicerie solidaire accueillant tous ceux et celles pour qui manger est devenu un défi quotidien. « Le Début de la faim », un film sensible et poignant, empreint de bienveillance et d’entraide, est à découvrir dans « Infrarouge » mercredi 4 octobre à 22.50 sur France 2.
De bon matin, Chloé met en rayon les derniers produits reçus… Ici, nous ne sommes pas dans une épicerie traditionnelle mais dans une épicerie solidaire. La jeune femme, à l’énergie communicative, entourée de sa joyeuse bande de bénévoles, se démène pour satisfaire les 450 clients de l’épicerie. Au-delà de l’organisation et de la coordination du commerce solidaire, Chloé connaît les prénoms de chacun de ses visiteurs, leurs situations, leurs goûts, leurs attentes, leurs besoins, mais aussi leurs fragilités. Derrière chaque client se raconte aussi une histoire… Car c’est souvent un accident de la vie qui a poussé chacun à passer la porte de l’épicerie. Une agoraphobie soudaine pour Sabrina, une aide-soignante qui élève seule ses deux enfants ; un burn out et la crise du covid pour Laurent, photographe ; l’inflation pour Lucie et Malik, un jeune couple au chômage… Pour tous, remplir l’assiette est devenu un défi quotidien. En fonction de la situation de chacun, de son reste à vivre quotidien, une assistante sociale fait une prescription de trois, six ou douze mois… « La majorité des clients qui viennent à l’épicerie ont un reste à vivre journalier de moins de cinq euros par jour pour nourrir une famille », explique Chloé. Petit à petit, la faim est alors venue ébranler leur quotidien et, dans un engrenage infernal, a poussé au repli sur soi et à la perte de confiance. « À l’épicerie, on se croise sans baisser la tête, on se dit bonjour, on prend des nouvelles, témoigne Ketty Rios Palma, la réalisatrice du documentaire. Je trouve dans ce lieu une humanité rare et précieuse. Les clients s’y sentent reconnus, considérés, un peu délestés de la honte liée au besoin accablant de nourriture. »
Ici, effectivement, Sabrina ne se sent pas jugée, dénigrée, comme lorsqu’elle récoltait les fruits et légumes à la fin des marchés. Finie « l’insécurité alimentaire » pour Laurent, qui se demandait chaque jour ce qu’il allait manger le lendemain. Ici, on achète un shampoing 90 centimes, des céréales à 65 centimes, un poulet entier pour moins de deux euros… À chaque collecte, c’est la surprise pour Chloé. Et si l’approvisionnement est devenu un challenge de chaque semaine, elle se réjouit toujours des gros arrivages qui vont ravir ses clients. Mais la jeune femme alerte sur le fait que l’épicerie ne peut pas fonctionner qu’avec les invendus de grandes surfaces. « C’est pas parce qu’on est dans la précarité qu’on ne doit avoir accès qu’à des produits aléatoires », explique celle qui a fait fièrement rentrer des produits locaux dans le réseau. Car si manger est primordial, bien manger n’en demeure pas moins essentiel. Au gré de ses ateliers, Chloé tente alors de redonner le goût de cuisiner, le plaisir de bien manger, qui, selon elle, participe aussi au bien-être de ses clients.
Sans commentaires, le documentaire s’immisce ainsi dans le quotidien de Chloé et de ses clients pour offrir de petites scènes de vie poignantes et sensibles. « Avec une caméra qui filme en douceur, Le Début de la faim s’interdit tout misérabilisme et valorise l’humanité, l’entraide, sans jamais nier la violence de la faim », conclut la réalisatrice de ce documentaire brut et tendre, empreint de solidarité et de bienveillance.
Infrarouge : Le Début de la faim
Un lieu : l’épicerie sociale et solidaire Cap Sud à Poitiers. Cette épicerie est le point d’ancrage du film et de croisement de tous ceux qui viennent y chercher à manger. Parmi eux, Sabrina, Laurent, Lucie et Malik, Laëtitia, Denis, Jatmir, Anita… Tous sont clients de l’épicerie depuis plus ou moins longtemps et ont un reste à vivre quotidien inférieur à 7 €. Mais tous ont aussi l’envie irrépressible de s’en sortir, de voir leurs enfants grandir dans de bonnes conditions et le sens du partage. Chloé a bien compris tout ça, c’est pourquoi elle met tout en œuvre pour que chaque client entre dans l’épicerie sans baisser les yeux et que chacun y trouve de quoi se nourrir dignement…
Magazine – Présentation Marie Drucker — Rédaction en chef Anne Hirsch
Documentaire (55 min – 2023) – Un film de Ketty Rios Palma – Production Ego Productions (Groupe Médiawan)
Diffusion mercredi 4 octobre à 22.50 sur France 2
À voir et revoir sur france.tv
#Infrarouge