« Le Collège de monsieur Paty », un documentaire-hommage suivi d’un débat animé par Marie Drucker

Des ados qui jouent au ping-pong à la récréation, les va-et-vient pressés dans les couloirs, les pauses café en salle des profs, des attroupements, des rires et, mélodieuse quoique implacable, la sonnerie qui rythme la journée : à première vue, le collège du Bois-d’Aulne à Conflans-Sainte-Honorine ressemble à un collège comme un autre. Sauf que ce n’est pas n’importe lequel : c’est là qu’enseignait Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie assassiné le 16 octobre 2020 par un terroriste islamique, pour avoir montré à sa classe de quatrième des caricatures de Mahomet. Il dispensait alors un cours d’enseignement moral et civique sur la liberté d’expression. « Pour moi, se rappelle une élève, c’était un cours comme un autre. Jamais je ne me serais dit : “Ton prof, il va se faire décapiter.” » Et pourtant… Trois ans après l’événement, à quelques mois du procès pour lequel comparaissent huit adultes et six adolescents, on connaît mieux l’enchaînement des faits, la terrible mécanique d’une rumeur lancée par une élève (pourtant absente le jour du fameux cours), puis alimentée, amplifiée, déformée par les réseaux sociaux avant de se métamorphoser en messages de haine, en appel au meurtre, puis en passage à l’acte – avec la complicité de certains élèves du collège. Comment se reconstruire, individuellement et collectivement, après un tel drame ? Comment, simplement, pousser à nouveau la grille, désormais renforcée, du collège ?
« Chacun d’entre nous s’est posé la question : mais qu’est-ce que je fais là, en fait ?, témoigne une professeure de français. Comment on peut aller faire cours, comme ça, comme si de rien n’était ? »

Il y a quelque chose d’effrayant derrière tout ça, qu’on refuse de voir. Est-ce que c’est la responsabilité des élèves ? Le fait que des élèves se soient retournés contre leur professeur ? [...] Et nous ? Quelle est notre responsabilité, là-dedans ? C’est nous, leurs éducateurs, on a failli...

A., professeure de français au collège du Bois-d’Aulne

Un an après le drame, la réalisatrice Christine Tournadre s’est immiscée, toute une année durant, dans les couloirs du collège, s’invitant en cours ou dans la salle des profs, captant quelque chose de la sidération, de l’angoisse présentes tout autant que de la vie qui, malgré tout, coûte que coûte, reprend, continue, s’obstine. Discrète, sensible, pudique, sa caméra parvient à saisir l’intimité, tout en tâtonnements, tentatives et non-dits, de ces élèves et professeurs que le drame a réuni en communauté traumatisée, traversée par les mêmes culpabilités, les mêmes colères, les mêmes peurs. Pas à pas, de réunions en ateliers « slam » organisé avec l’aide d’un éducateur spécialisé, d’hommages en salle commune en échanges timides avec des membres de l’Association française des victimes du terrorisme, la réalisatrice filme le long chemin vers une possible reconstruction, vers l’émergence d’une parole commune, ouverte et libre – une parole qui libère au nom de la liberté d’expression.  

Après le 16 octobre, ce n’était plus notre collège, c’est devenu quelque chose d’autre. On ne sait pas quoi...

Élève de 3^e au collège du Bois-d’Aulne

France 2 commémore ainsi le troisième anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty avec ce documentaire « Infrarouge », suivi d’un débat au cours duquel Marie Drucker et ses invités mettront en perspective les questionnements essentiels qui traversent aujourd’hui les enseignants, les élèves et, plus largement, l’ensemble de la communauté républicaine. La mémoire de Samuel Paty interroge notre société sur la liberté d’expression, le respect des valeurs fondatrices de la République, la place des enseignants et leur solitude dans la lutte contre toutes les formes de haine et de violence attisées par les réseaux sociaux. La soirée se poursuit par la rediffusion du documentaire en deux parties Histoires d’une nation : l’école, réalisé par Stéphane Corréa.