Les antagonismes du Japon : le baron et l’empereur

Souvent, pour parler d’un pays, on utilise une expression passe-partout : « terre de contrastes ». Elle prend pourtant tout son sens lorsqu’il s’agit du Japon. En retraçant l’histoire de l’archipel nippon depuis la fin du XIX^e siècle, ce documentaire en est la parfaite illustration. Grâce à des films très anciens et inédits et au travers du regard et du journal intime du baron Makino Nobuaki, fils de samouraï né en 1861, nous suivons l’évolution de la société japonaise, qui, en l’espace de quelques années seulement, va passer d’un système féodal à un système industriel à l’occidentale.
En quarante ans, le Japon devient la 4^e puissance mondiale. Ce pouvoir n’empêche pas les Occidentaux, après la Première Guerre mondiale, de le regarder de haut avec un racisme affiché. Ce mépris va peser sur les futures décisions japonaises.
Alors que le jazz et les robes à franges côtoient le koto et les kimonos, dans les années 1930, le baron Makino, devenu conseiller en chef de l’empereur Hirohito, influence la position du monarque dans la société et l’élaboration de la politique japonaise.
À ce titre, il a essayé d’empêcher la militarisation et l’entrée en guerre du Japon. Des images incroyables car inédites montrent l’attaque de Shanghaï et les premiers kamikazes, ainsi que la conquête de la Mandchourie par les ultra-nationalistes et les tentatives de putschs. Le parcours de conseiller de Makino éclaire les différentes étapes que le pays du Soleil-Levant traverse durant cette période très peu connue du grand public et qui a entraîné le pays dans conflit mondial de 1939-45.

Je vois le drame qui vient et je ne sais pas comment l’éviter.

Makino Nobuaki, premier conseiller de l’empereur Hirohito

Note d’intention des auteurs
Voici l’histoire d’un pays qui se voyait destiné à dominer un continent tout entier. Voici l’histoire d’une population qui s’est pensée race supérieure. Vous songez à l’Allemagne nazie et vous avez raison. Mais il en va de même pour le Japon impérial qui, à partir de 1931, a fait le choix de la guerre. Comment et pourquoi l’empire du Soleil-Levant s’est-il lancé dans la conquête de l’Asie-Pacifique ? N’y avait-il pas un autre choix que celui de la guerre ?
Notre documentaire souhaite faire connaître l’histoire du Japon et de ses ambitions au moment où le pays s’ouvre à l’Occident et se modernise en sortant brutalement du Moyen Âge, à travers les yeux du baron Makino. De sa prime jeunesse d’abord en tant que fils de samouraï au début de la modernisation du Japon, jusqu’à ce qu’il devienne diplomate occidentalisé, puis homme politique de premier plan. Repoussant la solution de l’expansionnisme qui conduira inévitablement à l’affrontement avec les États-Unis, l’autre grande puissance de l’espace Pacifique, le baron Makino cherche la voie du compromis, la puissance et la croissance sans la guerre. Mais son travail d’influence auprès de l’empereur a été réduit à néant par les nationalistes qui l’emportent dès 1929. Car en vérité, loin des idées toutes faites que nous avons en Occident, le Japon n’était pas un pays homogène mais divisé sur son avenir, sur ses choix. Il était loin d’être monolithique. La Seconde Guerre mondiale n’était ni écrite ni inévitable. Mais le doigt mis dans l’engrenage de la guerre, en 1931, a conduit à Pearl Harbor en 1941. Cette agression des États-Unis ne fut pas un coup de sang irréfléchi.

J’ai découvert que le monde est rempli de peuples qui ne se connaissent pas mais qui se croient tous supérieurs aux autres.

Makino Nobuaki, premier conseiller de l’empereur Hirohito

Le Soleil, le film (2005) d’Alexandre Sokourov, présente un empereur Hirohito à terre et seul lors de ses derniers jours au pouvoir. Entre le renoncement à son essence divine (un empereur japonais était jusqu’alors descendant en ligne directe de la déesse soleil Amatérasu) et sa capitulation sans condition, le portrait prend des libertés avec l’histoire, mais son réalisateur a cherché à dessiner l’humanité de l’empereur.