« La Vérité » de Kore-eda

La vérité comme je veux
La publication des mémoires de la grande actrice Fabienne Dangeville (Catherine Deneuve) incite sa fille, Lumir (Juliette Binoche), et sa famille à lui rendre visite à Paris. Mais les retrouvailles vont vite tourner à la confrontation : vérités cachées, rancunes inavouées, amours impossibles se révèlent sous le regard médusé des hommes. Mais ces souvenirs reflètent-ils la vérité ?
Fabienne est en plein tournage d’un film de science-fiction où elle incarne la fille âgée d’une mère éternellement jeune. Par un joli jeu de miroirs et de mise en abyme, réalité et fiction se confondent et se répondent, obligeant la mère et la fille à une réconciliation douce-amère, teintée d’autodérision, de piques acerbes et drôles. Ici, le réalisateur japonais Kore-eda met en scène une comédie poétique et explore, au passage, les questions de l’authenticité ou facticité existentielles du comédien puisant dans sa vie de quoi nourrir l’émotion des scènes. L’occasion de savourer son talent de directeur d’acteur et les joutes verbales de deux actrices exceptionnelles. 

Je suis actrice, je ne vais tout de même pas raconter la vérité toute nue. Surtout que la vérité n’a rien de passionnant.

Fabienne Dangeville (Catherine Deneuve)

Hirokazu Kore-eda
En 2018, le film du réalisateur japonais Une affaire de famille est nommé à de nombreux prix au Festival de Cannes, où il remporte la Palme d’or et, l’année suivante, le César du meilleur film étranger. Fort de cette gloire, Kore-eda se lance dans l’adaptation d’une pièce qu’il a écrite quelques années auparavant et qui deviendra La Vérité.
D’abord documentariste, le réalisateur glisse lentement vers la fiction en oscillant parfois entre les deux genres dans un même film (Après la vie, 1998). Distance (2001) lui vaut sa première sélection cannoise. Basé sur un fait réel, comme souvent, ce film revêt encore une fois les manières du documentaire. Mais la fiction est bien là et elle explore les affres du deuil et de la culpabilité. En 2004, Nobody Knows, autre fait divers, offre le Prix d’interprétation à Cannes à son jeune comédien. Après l’adaptation d’un manga (Air Doll, 2009), un téléfilm horrifique et un clip vidéo, Kore-eda revient à un cinéma plus réaliste avec I Wish – Nos vœux secrets et Tel père, tel fils (Prix du jury, Cannes 2013). Désormais le thème de la famille s’épanouit totalement dans les œuvres du metteur en scène, comme dans Notre petite sœur et Après la tempête, et ce malgré un passage par le thriller (The Third Murder, 2017). En décembre 2022, son film Les Bonnes Étoiles, dans lequel deux hommes adoptent fortuitement un bébé, est une fois encore salué à Cannes (Prix d’interprétation masculine et Prix œcuménique). En attendant, avec impatience, la sortie de L’Innocence (décembre 2023), on peut voir les séries créées par Kore-eda : Going my Home (2020) et Makanai, dans la cuisine des maiko (2023) sur des plateformes payantes, mais surtout La Vérité, évidemment, sur France 3. 

La poésie est indispensable au cinéma, qu’elle traite de la violence ou de la banalité du quotidien.

Fabienne Dangeville (Catherine Deneuve)