« La Rafle des notables », une enquête d’Anne Sinclair
En suivant les traces de son grand-père, Anne Sinclair a rencontré une tragédie méconnue, celle du tout premier convoi de Juifs français déportés à Auschwitz. Le réalisateur Gabriel Le Bomin adapte à l’écran le récit qu’elle en a tiré. Dimanche 18 février dans « La Case du siècle », à 22.50 sur France 5.
C’est en enquêtant sur l’histoire de son grand-père pour tenter de comprendre de quelle manière il avait échappé à la déportation qu’Anne Sinclair s’est intéressée à l’une des pages les moins connues de l’occupation allemande et de la collaboration française. Une légende familiale prétendait en effet qu’il avait été arrêté par la police de Vichy et qu’il s’était échappé du camp de Drancy avec la complicité de sa femme. C’était inexact. Léonce Schwartz, négociant en dentelle, fut arrêté à l’aube du 12 décembre 1941 par la police allemande avec 742 autres hommes français, juifs, universitaires, artistes, écrivains, ingénieurs, commerçants, avocats, magistrats, etc., sans aucun doute ciblés – grâce au fichage ordonné par les Allemands et mis en place par l’administration française – comme appartenant à une élite intellectuelle et sociale : on compte en effet parmi eux 300 décorés, des anciens combattants, des anciens ministres, le critique d’art et directeur artistique René Blum (frère de Léon), l’écrivain Jean-Jacques Bernard (fils de Tristan)… Regroupés à l’École militaire, les « notables » sont envoyés en train au camp de Royallieu, près de Compiègne – le seul camp, à demi-secret, dirigé par la seule armée allemande en France –, où, privés de contacts, de lettres, de livres, de nourriture et de soins (la Croix-Rouge n’est pas admise), ils vont connaître la déchéance. Les premiers temps, ces intellectuels essaient de lutter en organisant des conférences : on parle de sciences, de littérature, de théâtre… Mais, bien vite, l’épuisement et la faim les déciment. Dans cet univers concentrationnaire où on n’extermine pas encore, on laisse mourir.
Le premier convoi de Juifs déportés en France
Sans doute décidée en représailles aux attentats qui visent l’occupant, la rafle des notables est un signal fort envoyé par les Allemands à Vichy, empêtré à la fois dans un illusoire alignement sur la politique anti-juive nazie (les juifs sont une monnaie d’échange pour s’attirer les bonnes grâces des vainqueurs) et dans une distinction mensongère entre juifs français et juifs étrangers : pour les nazis, la nationalité ne compte pas. L’absurdité, cependant, de cette tragédie, c’est qu’on ne sait trop quoi faire encore de ces raflés du 12 décembre. Mais l’histoire avance. Le 20 janvier 1942, la conférence de Wannsee règle en à peine une heure et demie ce qui sera le sort de six millions d’individus et met en place la phase industrielle et programmée du crime de masse. Les notables n’étaient probablement pas destinés à la « solution finale » mais voilà, ils sont là. Ils formeront donc l’essentiel du premier convoi de Juifs déportés qui quitte la France, le 27 mars 1942, à destination d’Auschwitz-Birkenau.
Miraculeusement, Léonce Schwartz, hospitalisé avant le départ au Val-de-Grâce, a réussi à disparaître… La plupart de ses compagnons d’infortune ont eu moins de chance. Sur les 1 112 personnes du convoi n° 1, seules 19 reviendront. Les Allemands ayant détruit les archives du camp de Royallieu, on ignore encore à ce jour l’identité d’environ deux cents des hommes raflés le 12 décembre 1941.
Gabriel Le Bomin a réalisé des films pour le cinéma, notamment De Gaulle (avec Lambert Wilson et Isabelle Carré), sorti en 2020, après Les Fragments d’Antonin, Insoupçonnable et Nos patriotes. Il a également réalisé des documentaires d’histoire et de politique, comme Guerre d’Algérie, la déchirure ; Collaborations ; Ve République, au cœur du pouvoir…
22.40 La Rafle des notables
Il y a quatre-vingts ans, le convoi du 27 mars 1942, le premier convoi de déportation de Juifs de France pendant la Seconde Guerre mondiale, parti de la gare du Bourget-Drancy, passait par le camp de Royallieu, où mouraient de faim des hommes raflés à Paris le 12 décembre 1941. Destination : Auschwitz. Le livre d’Anne Sinclair La Rafle des notables pose un regard personnel et empathique sur un moment tragique de l’occupation et de la collaboration française, celui d’une rafle peu connue destinée à arrêter puis à déporter plusieurs centaines de Français juifs constituant une élite intellectuelle établie. Gabriel Le Bomin en propose une adaptation documentaire mêlant à la fois lectures subjective et objective de cet événement historique.
Documentaire (60 min – 2022 – inédit) – Réalisation Gabriel Le Bomin – D’après le livre d’Anne Sinclair La Rafle des notables (Éditions Grasset) – Production 10.7 Productions – Effets visuels Mac Guff
Diffusion dimanche 18 février à 22.50 dans La Case du siècle sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv