À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, « La Case du siècle » revient sur le quotidien des domestiques
Au début du XXe siècle, la France comptait un million de domestiques pour quinze millions d’actifs. Un ratio qui ne sera plus jamais atteint par la suite. Ces postes étaient majoritairement occupés par des femmes sous-payées et surexploitées. Leur quotidien est relaté dans « Journal d’une bonne, l’histoire de Félicité Lavergne », diffusé dimanche à 21.00 sur France 5.
J’écris ce journal pour toi, Joséphine, afin que tu connaisses mon histoire et celles des filles de ma condition. Je souhaite qu’il devienne un lieu de mémoire.
Félicité Lavergne
Au tout début du XXe siècle, les domestiques ne disposaient ni de protection sociale ni de jour de repos hebdomadaire. Ils n’étaient pas en mesure de négocier leurs gages, pouvaient être renvoyés sur-le-champ sans recevoir la moindre indemnité et avaient bien souvent comme unique « loisir » l’office du dimanche matin. « Je ne risquais pas de moisir au lit, rapporte Félicité Lavergne. Debout dès 5 heures. J’avais de l’ouvrage au-dessus de mes forces (…). Dans cette place, c’était la tristesse. Je passais mes journées à mon travail entre ma cuisine qui ressemblait à un tombeau et ma chambre qui était un vrai cachot. Mes patrons ne se donnaient aucune distraction de peur de dépenser de l’argent. »
Félicité est un personnage de fiction au quotidien bien réel. Son histoire, rédigée à l’aide du témoignage de sept bonnes, nous livre la vie de ces femmes qu’on employait pour accomplir les tâches ménagères, les courses, les basses besognes, en échange d’une maigre pension, du gîte et du couvert. Dans les appartements haussmanniens, elles étaient logées sous les combles dans de minuscules chambres insalubres et mal isolées. En campagne, ce n’est guère plus reluisant. « C’était une espèce de cabanon sans fenêtre, décrit Félicité. Les murs suintaient l’humidité et la crasse. Devant la porte coulait à découvert le caniveau des eaux ménagères. »
Une vie d’abnégation, de labeur et de misère. Sans espoir ou presque de pouvoir fonder une famille. Combien d’entre elles ont été abusées par leur maître et renvoyées pour être tombées enceintes ? Et que dire du courroux ou des railleries qu’elles devaient supporter sans broncher, des heures à rallonge et des gages qu’on oubliait (ou refusait) de leur verser ?
On profitait sans scrupule du travail des servantes indispensables. La maladie ou le départ inattendu de l’une d’entre elles était une catastrophe (...). Qui se souciait de l’existence personnelle de ces jeunes filles venues de la campagne, bretonnes ou alsaciennes ? Leur vie intime était inconnue, jusqu’au jour où éclatait un drame.
Robert Debré, à propos de son enfance (cité dans « La Vie quotidienne des domestiques en France au XIXe siècle » de Pierre Guiral et Guy Thuillier)
La domesticité en Europe
« Au XIXe siècle, que ce soit en France, en Allemagne, en Angleterre ou en Russie, un nombre croissant de jeunes femmes quittent les zones rurales pour les villes. Conséquence de l’industrialisation, de l’urbanisation et de l’ascension de la bourgeoisie, la demande de personnel domestique féminin y a augmenté (…).
À l’échelon le plus bas de la hiérarchie se trouvent les « bonnes à tout faire » qui, outre la tenue du foyer, sont souvent responsables des courses, des enfants, de la cuisine et de la couture. Leur revenu est significativement inférieur à celui de la main-d’œuvre qualifiée que représentent les cuisinières ou les gouvernantes, et même si leur salaire est complété d’avantages en nature, elles connaissent une situation financière inférieure à celle des vendeuses. »
Source : EHNE
À l’origine de ce film, le désir de raconter l’histoire de « gens de rien », celle des domestiques qui ont toujours été au service de ceux que l’Histoire a retenus : les bourgeois, les nantis, les patrons, les intellectuels – « ceux d’en haut ». Dans la France de 1900, il existe un million de domestiques. Pourtant, on ignore tout de leurs vies.
Valérie Manns, réalisatrice, extrait de sa note d’intention
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La Case du siècle : Journal d’une bonne, l’histoire de Félicité Lavergne
Journal d’une bonne raconte l’histoire de Félicité Lavergne, une jeune paysanne originaire du Massif central, née en 1886. Fille de ferme, bonne à tout faire, puis femme de chambre, à la campagne, à la ville, elle traverse la France du premier XXe siècle avec courage et innocence. À chaque nouvelle place, Félicité affronte l’inconnu. Elle doit s’adapter à un nouveau lieu, une nouvelle façon de vivre. Elle souffre de solitude, d’enfermement, tout en rêvant d’une vie meilleure. Grâce au témoignage écrit de sept bonnes, ce documentaire, composé d’archives et de scènes d’évocations, dresse le portrait intime d’une « invisible » dans une France en plein bouleversement.
Documentaire (52 min – 2023 – inédit) – Autrice et réalisatrice Valérie Manns – Avec Anna Fournier dans le rôle de Félicité Lavergne – Commentaires Pierre-François Garel – Compositeur Jérôme Rebotier – Conseillère historique Anne Martin-Fugier – Production Compagnie des Phares et Balises, avec la participation de France Télévisions, du Centre national du cinéma et de l’image animée et de la Procirep – Société des producteurs et de l’Angoa
#8MarsTousLesJours #LesBattantes
Ce documentaire est diffusé dimanche 10 mars à 22.50 sur France 5
La Case du siècle : Journal d’une bonne, l’histoire de Félicité Lavergne est à voir et revoir sur france.tv
Bonus vidéo : Les Employées de maison (reportage diffusé dans le journal télévisé du 30 avril 1962)