Immersion au cœur de la justice du quotidien

Journaliste et chroniqueur judiciaire, ancien rédacteur en chef adjoint de France 2, Dominique Verdeilhan présente « Justice en France » une fois par mois. 52 minutes pendant lesquelles les Françaises et les Français vont découvrir ou redécouvrir la réalité du fonctionnement des tribunaux. Le troisième numéro, diffusé mercredi à 23.10 sur France 3, a été tourné au tribunal de proximité de Cagnes-sur-Mer.

Dominique Verdeilhan présente « Justice en France ». © Droits réservés

Justice en France est une grande première. Pouvez-vous nous expliquer le concept de cette émission totalement nouvelle ?
Dominique Verdeilhan : L’idée est de faire entrer le téléspectateur dans les salles d’audience. Non plus par l’intermédiaire de séries et de fictions ou par des procès médiatiques, mais par la justice telle qu’elle se déroule au quotidien, dans la réalité des tribunaux. Par exemple, on découvre une petite fille qui souhaite être adoptée par sa grand-mère ou l’histoire d’un homme en récidive de conduite en état d’ivresse. Comme l’a indiqué la Chancellerie, il ne s’agira pas d’une justice-spectacle, mais d’une justice d’explication. Nous faisons le choix de la pédagogie et du décryptage. Toutes ces séquences seront entrecoupées d’interventions en plateau.

Comme l’a indiqué la Chancellerie, il ne s’agira pas d’une justice-spectacle, mais d’une justice d’explication.

Dominique Verdeilhan

Comment une telle émission a-t-elle été mise en place ?
D. V. : Il a fallu attendre que la loi et le décret d’application soient votés, puis que la convention entre la Chancellerie et France Télévisions soit signée. En termes de production, il y a eu un cahier des charges très précis à respecter. L’accord de toutes les personnes et la fin des recours étaient notamment nécessaires avant le début de la diffusion.

Justement, y a-t-il des précautions prises pour filmer les procès ?
D. V. : L’anonymat total des personnes est strictement respecté. Il ne s’agit pas de les identifier ; aucun nom des personnes qui apparaissent dans les procès n’est cité. De plus, tout est flouté pour qu’on ne les reconnaisse pas, sauf s’ils ont donné leur accord.

Il y a déjà eu des procès filmés en France…
D. V. : En France, les procès ne sont plus filmés depuis 1954, depuis le célèbre cas Gaston Dominici, condamné pour meurtres. Cette affaire avait créé tellement de remous que la loi a été changée pour interdire la captation dans les tribunaux. Il était donc seulement autorisé de filmer les ouvertures de procès, avec évidemment l’accord des concernés. Puis la loi Badinter en 1985 a autorisé le tournage dans les tribunaux pour les procès historiques, avec la restriction importante de ne pas les diffuser avant un certain délai. Parmi eux : ceux de Klaus Barbie, Maurice Papon ou encore les attentats du 13 novembre 2015 à Paris… C’est donc la loi du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, le 17 décembre 2021, qui a de nouveau permis, avec l’accord des concernés et en respectant un cahier des charges strict, de filmer des procès et de les diffuser lorsque l’affaire est considérée comme close.

Avec cette série documentaire, portée par le réseau régional de France 3, va se dessiner une cartographie complète de la justice en France rurale et urbaine…
D. V. : Effectivement, pour cette première édition, nous avons commencé par filmer des affaires de délinquance quotidienne ou civiles à la cour d’appel d’Aix-en-Provence et à Grasse, dans les Alpes-Maritimes. Au fur et à mesure de cette série, les affaires seront différentes. Nous irons dans d’autres palais de justice, peut-être en région parisienne ou dans le centre de la France, où d’autres affaires seront traitées : correctionnelles, prud’homales… L’objectif est d’être le plus complet possible.

La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire insiste sur l’aspect « d’intérêt public, d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». Comment voyez-vous ici votre rôle ?
D. V. : Mon rôle reste celui que j’ai toujours eu pendant mes trente-trois ans de chroniques judiciaires sur France 2. Je prends le téléspectateur par la main et je l’emmène dans une salle d’audience, pour qu’il découvre l’intérieur d’un procès, avec ses moments forts, parfois émouvants. Je poserai les questions qu’un téléspectateur pourrait être amené à se poser devant la séquence : pourquoi le juge prend-il seul la décision ? Quel est le rôle du procureur ? Pourquoi cet homme encourt-il cette peine ?

Serez-vous seul à commenter ces procès ?
D. V. : Je serai avec un avocat et un magistrat, de façon à décoder plus précisément ce qui se passe pendant l’audience. À chaque épisode, les spécialistes seront différents et spécialisés dans la matière que nous traiterons ce jour-là. Je serai le vecteur entre ces experts et les téléspectateurs. Il n’est pas question de refaire le procès ou de juger le travail des juridictions, mais de déchiffrer le fonctionnement de la justice française au travers d’exemples.

Quels effets ou conséquences pensez-vous que cette émission va avoir sur le grand public et sur la perception de la justice ?
D. V. : Nous espérons que, grâce à cette transparence, la justice soit davantage comprise par les citoyens, puisque, ainsi, on plonge dans une dimension différente, éloignée de ce que nous montrait jusque-là le petit écran — notamment à travers la fiction. Nous voulons permettre aux téléspectateurs d’être les témoins de ce qui se joue, quotidiennement et réellement, dans une salle d’audience, car nous pouvons tous, un jour, être amenés à avoir affaire à la justice. Au-delà de révéler le travail de la justice, les procès découvrent un pan de notre société.

Propos recueillis par Margaux Karp

Captation et droit à l’oubli

Ces captations ont nécessité l’obtention de l’accord des magistrats, des avocats et des justiciables. Pour les personnes dont les autorisations n’ont pas été obtenues, elles seront anonymisées et tout élément d’identification occulté. Il s’agit de restituer la réalité des audiences, sans artifice technique ni mise en scène, de cheminer avec celles et ceux qui font la justice, celles et ceux qui y font face ou qui demandent sa protection. 

Dans le cadre de l’article 1 de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, les captations des audiences pourront être diffusées uniquement lorsque l’affaire aura été définitivement jugée, avec l’accord et dans le respect des droits des parties : droit à l’image, respect de la vie privée, présomption d’innocence, droit à l’oubli, intérêt supérieur des mineurs ou des majeurs protégés. Toutes les personnes filmées, professionnels comme justiciables, devront remplir un formulaire de consentement concernant la diffusion de leur image. 
Un droit à l’oubli est prévu : aucun élément d’identification ne pourra être diffusé après cinq ans à compter de la première diffusion.

L’anonymat total des personnes est strictement respecté. Il ne s’agit pas de les identifier ; aucun nom des personnes qui apparaissent dans les procès n’est cité.

Dominique Verdeilhan 

Justice en France

Troisième émission : Les Audiences de surendettement
La justice sanctionne, condamne, indemnise mais elle peut parfois être une main tendue à des personnes en grande difficulté. Les équipes de Justice en France se sont installées au tribunal de Cagnes-sur-Mer. Nous sommes loin des dorures de la cour de cassation. Ici, ce sont des justiciables qui sont dans l’impossibilité de payer leur dette : factures impayées, arriérés de loyers ou d’impôts, crédits immobiliers ou à la consommation non honorés. Ces personnes attendent de la justice qu’elle les sorte de cet engrenage de surendettement.

Deuxième émission : Audience aux affaires familiales, les procédures de divorce
Des audiences où le public n’est pas admis, où les caméras ne rentrent pour ainsi dire jamais. Nous ne sommes pas dans une salle d’audience mais dans le cabinet d’un juge des affaires familiales. C’est un lieu où les couples se déchirent souvent, où règne fréquemment une tension évidente qui peut aller parfois jusqu’à la violence, verbale ou physique. Face à ces couples en instance de divorce, le juge doit rester serein, en retrait et prendre une décision qui engage ceux qui sont face à lui. La juge gère plus de 500 dossiers de front. Ces audiences de cabinet ont lieu trois fois par mois.

Première émission : Audience correctionnelle de délits routiers à la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Justice pénale
Excès de vitesse en récidive, conduite sans permis ou sans assurance à répétition, conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, refus d’obtempérer, délit de fuite, blessures et homicides involontaires (près de 1 500 par an sur tout le territoire), deux fois par semaine, une dizaine de prévenus défilent à la barre de la 5e chambre correctionnelle de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Jugés en appel, ils reviennent sur les circonstances de leur délit sous la houlette scrupuleuse du président Fabrice Castoldi avec l’espoir d’alléger leurs condamnations de première instance. À la clef, des peines de prison avec sursis, voire fermes, et des amendes pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. En 2020, 587 012 délits routiers ont été relevés par les services de police et de gendarmerie.

Série documentaire (52 min - 2022 - inédite) – Réalisation David Montagne, Karine Astier, Anne Lorrière et Laurent Chevalier – Avec Dominique Verdeilhan – Coproduction France TV Presse et Morgane Production, avec la participation de France Télévisions

Ce troisième documentaire est diffusé mercredi 30 novembre à 23.10 sur France 3
Justice en France est à voir et revoir sur france.tv

Bande-annonce de la première émission

 

Commentaires