Quatre ans après le meurtre : « Julie, récit d’un féminicide »

Infrarouge

Le premier droit de Julie aurait dû être celui de rester en vie. Mais son conjoint en a décidé autrement. Elle lui appartenait, elle ne pouvait lui échapper, il l’a tuée. Quatre ans après le drame, la réalisatrice Giulia Montineri retourne ausculter l’écho de la violence ordinaire dans sa petite ville corse. « Julie, récit d’un féminicide », un documentaire « Infrarouge », mardi 12 mars à 23.15 sur France 2. 

 

Le 3 mars 2019, Julie Douib est assassinée par son ex-conjoint. À Île-Rousse, petit bourg du nord de la Corse, tout le monde savait que Bruno était violent. Julie Douib est devenue la victime visible d’un féminicide on ne peut plus prévisible — culturellement et institutionnellement. Quatre ans plus tard, Giulia Montineri, la réalisatrice, revient au village pour filmer « l’après », les évolutions du sexisme ordinaire, les conséquences de ce traumatisme collectif.
Le meurtre de Julie Douib avait entraîné, en 2019 en France, l’organisation par le gouvernement d’un « Grenelle » sur les violences faites aux femmes…

Il y a un problème sociétal, il faut toujours que la femme soit en dessous de l’homme ; un peu plus discrète. On nous l’apprend sans nous l’apprendre... Mais pourquoi ? Comment on va inverser ça ?

Une amie de Julie

Note d’intention de la réalisatrice Giulia Montineri
L’affaire Julie Douib m’interpelle tout d’abord en tant que jeune femme évoluant dans une époque où le féminisme se fait certes davantage entendre, mais actualise aussi des réactions misogynes inquiétantes. C’est d’une histoire tristement universelle que je pars.
Mais le féminicide de cette femme s’est déroulé dans mon village, où je connais tout le monde et où tout le monde me connaît. Mon indignation est au départ viscérale, le désir de ce film m’invite à plus de recul, et à trouver la juste distance.
À mes yeux, ce fait divers île-roussien est un fait social total. C’est un événement qui met « en branle la totalité de la société et de ses institutions » (M. Mauss). Le commentaire inaugural d’un reportage récent annonçait d’ailleurs : « derrière un homme qui tue sa femme, il y a l’échec de toute une société ». Hélas, je crois qu’il y a surtout confirmation de toute une société, de ses valeurs et de ses réflexes communs. Ajoutons-y que cela peut aussi déclencher le réveil, même tardif, de celle-ci. Ces trois axes m’intéressent pour faire le portrait de ma société insulaire, que je filmerai comme un miroir grossissant du reste du monde, puisque la violence sexiste est loin de nous appartenir en propre en tant qu’île méditerranéenne, que zone rurale ou que classe sociale. Île-Rousse sera mon point d’observation privilégié d’un mal(e) universel.
Une enquête sur le sexisme ordinaire et parfois inconscient. Sur ses rouages et ses injonctions intériorisées par l’ensemble d’une communauté. Ici pas plus qu’ailleurs : mais c’est de chez moi que je veux parler. De là où j’ai grandi. De là où je ressens le besoin intime que les choses changent. Là où l’assassinat de Julie a différemment marqué, hanté, plusieurs familles et générations. Là où il a pu aussi, au contraire, être refoulé par d’autres grâce à une puissante amnésie collective, plus ou moins volontaire.

Violences au sein du couple en 2022 

  • 118 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 27 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 12 enfants mineur.es sont décédé.es, tué.es par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple
  • 1 femme meurt sous les coups de son conjoint tous les 3 jours 
  • 1 toutes les 10 minutes dans le monde

82 % des mort.es au sein du couple sont des femmes. Parmi les femmes tuées par leur conjoint, 31 % étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon. Par ailleurs, parmi les 23 femmes ayant tué leur partenaire, 9 d’entre elles avaient déjà été victimes de violences de la part de leur conjoint.

En moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d’une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 321 000. 

Source : le site Arrêtons les violences


Infrarouge : Julie, récit d’un féminicide

Julie, récit d'un féminicide
« Julie, récit d'un féminicide ».
© Comic Strip Production / France Télévisions

Le 3 mars 2019, dans un petit bourg du nord de la Corse, un homme exécute son ex-compagne. Quatre ans plus tard, Giulia Montineri, la réalisatrice, revient dans son village pour filmer « l’après », les évolutions du sexisme ordinaire, les conséquences de ce traumatisme collectif.

Documentaire (63 min – 2023) – Réalisation
Giulia Montineri — Produit par
Thierry Aflalou — Production
Comic Strip Production — Avec la participation de 
France Télévisions

Julie, récit d’un féminicide est diffusé dans la collection Infrarouge mardi 12 mars à 23.15 sur France 2
À voir ou à revoir sur france.tv

 

Violentomètre
Le violentomètre peut servir dans tous types de relation.
© DR
Publié par Diane Ermel le 10 mars 2024