70 ans après son célèbre appel, un portrait vibrant de l’abbé Pierre dans « La Case du siècle »
1954. Révolté par le sort des mal-logés soumis à un hiver meurtrier, un prêtre inconnu, à la tête d’une petite communauté de chiffonniers, lançait un appel à l’insurrection : l’insurrection de la bonté. Soixante-dix ans plus tard, « La Case du siècle » revient sur ce mouvement de solidarité extraordinaire en racontant de l’intérieur la vie et les combats de l’abbé Pierre, aumônier rebelle devenu héros national. Dimanche 28 janvier à 23.20 sur France 5.
Hiver 1954, le thermomètre descend en dessous de - 20 °C. La France est frappée par une crise du logement sans précédent. La Seconde Guerre mondiale et les destructions liées aux bombardements alliés ont jeté des millions d’hommes, de femmes, d’enfants à la rue. Mais, en ce début des retentissantes Trente Glorieuses, les autorités ferment les yeux. Pas pour longtemps. Un prêtre va les contraindre à agir, qui va changer à jamais le sens du mot solidarité. Il s’appelle l’abbé Pierre. Dans un portrait vibrant signé Cédric Condon, La Case du siècle revient sur son parcours, sa vocation, ses idéaux et ses combats. Au moyen de documents rares et d’enregistrements sonores, issus notamment des Archives nationales du monde du travail (à Roubaix) et de l’INA, ce film indispensable fait vivre de l’intérieur ce destin qui a marqué l’histoire politique, sociale et humanitaire du XXe siècle.
Et quand le soir, dans vos belles maisons, vous allez embrasser vos petits enfants avec votre bonne conscience, au regard de Dieu vous avez probablement plus de sang sur vos mains d’inconscients que n’en aura jamais le désespéré qui a pris les armes pour essayer de sortir de son désespoir.
Abbé Pierre, discours, 1984
Ancien résistant, l’abbé Pierre, né Henri Grouès dans une famille bourgeoise aisée de Lyon, est depuis 1949 à la tête d’une communauté de chiffonniers en banlieue parisienne, baptisée « Emmaüs », où logent et s’entraident les exclus de la société. « Partout où il y a une collectivité humaine, il y a des hommes brisés, expliquait-il. Et il y a un seul moyen de les refaire hommes, c’est qu’ils deviennent sauveurs des autres. » Quand, en 1954, la vague de froid qui s’abat sur la France frappe des milliers de sans-logis et va jusqu’à provoquer la mort d’un bébé de 3 mois, l’ancien député MRP (Mouvement républicain populaire), las de se heurter à l’inertie des hommes politiques, lance sur Radio Luxembourg un retentissant « Au secours ». « Devant leurs frères mourant de misère, s’écrie-t-il, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. » Fort de son expérience avec ses compagnons d’Emmaüs, il en appelle à « l’insurrection de la bonté ». Dès le lendemain, des tonnes de vêtements et de biens de première nécessité affluent à Paris. En seulement trois semaines, les dons atteignent 500 millions de francs.
Pour l’accès à tous à un logement décent et à une vie digne
Soixante-dix ans plus tard, on estime à plus de 330 000 le nombre de personnes sans domicile en France : le message de l’abbé Pierre continue d’interpeller notre société et de nous alerter sur les conditions de vie des plus démunis. Au réflexe du repli sur soi, à la peur de l’autre, l’abbé Pierre a, sa vie durant, opposé la puissance de la générosité et de la confiance. Aujourd’hui, la Fondation Abbé-Pierre lutte plus pour l’accès à tous à un logement décent et à une vie digne. Elle sensibilise sur l’état du mal-logement, conduit et finance les actions de 600 associations de terrain et publie chaque année le Rapport annuel sur l’état du mal-logement en France. Les communautés Emmaüs, quant à elles, fortes de 425 groupes répartis dans 41 pays, rassemblent plus de 30 000 personnes dans toute la France, et œuvrent à une société plus juste et plus écologique grâce à son activité de collecte, de réemploi et de revente d’objets.
Il faut que la voix des hommes sans voix empêche les puissants de dormir.
Abbé Pierre, « Servir » (éd. Presses du Châtelet)
Jusqu’à son dernier souffle le 22 janvier 2007, l’abbé Pierre aura été la voix des mal-logés, des expulsés, des « cabossés de la vie » et des opprimés de tout bord. Le béret vissé sur la tête, la barbe en bataille, son inséparable soutane noire sur les épaules, il était devenu une figure éminemment populaire, nommée seize fois « personnalité préférée des Français » au classement IFOP-JDD. Mais, derrière ces apparences, le documentaire de Cédric Condon rappelle quel combattant infatigable il était, quel homme déterminé, intransigeant. Il ne tendait pas la main mais demandait justice, il ne voulait pas la charité mais le droit. En dépit des honneurs dont il se moquait, l’apôtre des sans-logis, des plus faibles, des plus démunis était l’expression d’une colère permanente dont ce documentaire s’empare pour que, aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, nous réussissions à l’entendre et la recevoir pour la transformer en action.
Hiver 54 : l’abbé Pierre et l’insurrection de la bonté
Documentaire (inédit - 60 min – 2023) – Réalisation Cédric Condon – Scénario Jean-Yves Le Naour – Narration Céline Sallette – Musique originale Philippe Charriot / David Lassalle – Production Bleu Kobalt, en coproduction avec l’INA, avec la participation de France Télévisions et du CNC – En association avec La Fondation Abbé-Pierre
La diffusion de ce documentaire s’inscrit dans une programmation spéciale de France Télévisions à l’adresse de toutes les générations, pour commémorer l’appel de l’hiver 54, rappeler et éclairer le parcours et l’œuvre de l’abbé Pierre :
– La Nuit de la Rue, la scène urbaine répond à l’appel, diffusé vendredi 26 janvier à 22.45 sur France 2
– Hiver 54 : l’abbé Pierre et l’insurrection de la bonté, diffusé dans « La Case du siècle » dimanche 28 janvier à 23.20 sur France 5
Tous les programmes sont à (re)voir sur france.tv