Nouvelle-Calédonie : le drame qui a permis l’émancipation
La tragédie de la prise d’otages de la grotte d’Ouvéa demeure un point de paroxysme dans les tensions entre Kanaks et colons, et un traumatisme pour tous les Calédoniens. Trente-cinq ans après, la réalisatrice de ce film déroule, grâce aux témoignages des acteurs et témoins directs de l’époque, les débuts d'un processus d’émancipation inédit. « Grotte d'Ouvéa, le prix du sang » est à voir dans La Case du siècle dimanche 16 avril à 22.50 sur France 5.
Cette poignée de main est un héritage qui nous engage.
Emmanuel Tjibaou
On connaît le drame qui a soudain fait découvrir aux hexagonaux le combat des Kanaks pour leur indépendance. En remontant aux origines du mouvement, mené par Jean-Marie Tjibaou, qui redonna sa fierté au peuple kanak, ce film permet de comprendre les enjeux de ce qu’on a longtemps appelé « les événements », et le chemin ainsi ouvert, malgré les cicatrices, vers un avenir calédonien pacifié.
« J’espère que la réconciliation viendra assez vite, mais ce sera dur… J’essaie de ne pas avoir de haine. » Beaucoup se souviennent des paroles de Jean-Marie Tjibaou au lendemain de l’embuscade meurtrière du 5 décembre 1984 qui entraîne la mort de dix indépendantistes dont deux frères du leader kanak. Cela fait alors déjà plusieurs années que les tensions et la violence se sont intensifiées entre communautés : les caldoches - descendants des colons français - et les kanaks, natifs du territoire. À son accès au pouvoir en 1981, Mitterrand a fait un pas vers la reconnaissance de l’identité des peuples d’outre-mer : pas suffisant pour ceux qui se reconnaissent désormais sous le drapeau de la Kanakie, et veulent mettre fin à la domination coloniale. Mais cette fois le sang a coulé… « Cette phrase de Jean-Marie Tjibaou, qui me poursuit jusqu’à aujourd’hui encore, se souvient Walles Kotra, c’est quelque chose qui nous a bousculés. »
L'apaisement ne viendra qu'après des années de troubles, alimentés de part et d'autre, qui culmineront avec la prise d'otages de la grotte d'Ouvéa.
Ce film revient sur cette période de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, grâce à l’éclairage de celles et ceux qui en ont été les acteurs et témoins directs. Boycott d’élections, assassinats, prise d’otages, barrages et manifestations ponctuent cette décennie, qu’on appelle encore pudiquement « les événements », quand certains historiens préfèrent parler de guerre civile. Le 22 avril 1988, en pleine campagne présidentielle, la prise d'otages de la grotte d’Ouvéa, qui se soldera par la mort de six militaires et dix-neuf Kanaks, aura un impact considérable et marquera le début d'un processus d’émancipation inédit dans l’histoire de France, incarné par la signature, le 26 juin 1988, des accords de Matignon, incarnés par la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, qui sera assassiné un an plus tard...
Extraits
« La société kanak est une société de la complexité et de la diversité : il y a 27 langues, des aires culturelles, des chefferies… Et je crois que Jean-Marie Tjibaou a été le premier visage commun, et la première parole commune… C’est la force de la parole qui a donné une certaine fierté au monde kanak. »Walles Kotra, journaliste (1981 - 2022)
« C’est une part de nous, on relève la tête, on regarde un pays nouveau qui se lève en même temps que le drapeau. » Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou
« Le bain de sang qui conclut cette tragédie montre combien le problème calédonien n’est absolument pas réglé. C’est pour cela d’ailleurs que l’on peut qualifier la mission du dialogue, qui sera envoyée par Michel Rocard, d’un véritable miracle. » Olivier Houdan, historien spécialiste de la Nouvelle-Calédonie
Les intervenants
- Benoît Tangopi, militant indépendantiste
- Alain Guilloteau, ancien membre du GIGN
- Walles Kotra, journaliste (de 1981 à 2022)
- Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou
- Christian Blanc, secrétaire général de la Nouvelle-Calédonie (1984-1985) puis coordonnateur de la Mission du dialogue (1988)
- Olivier Houdan, historien spécialiste de la Nouvelle-Calédonie
- Roger Galliot, éleveur et ancien maire de Thio (1971-1985)
La Case du siècle : Grotte d'Ouvéa, le prix du sang
Le 22 avril 1988, la prise d'otages de la grotte d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie, fait la une de l’actualité métropolitaine. La France prend conscience qu’à 17 000 kilomètres de Paris des Kanaks luttent pour leur indépendance. Un combat politique qui a pris une dimension violente au début des années 80 et dont la tragédie d’Ouvéa représentera le point culminant.
Documentaire (50 minutes - 2023 - inédit) – Auteur Mathieu Lère – Réalisation Marion Guégan – Musique originale The French Kids – Production Premières Lignes Télévision, avec la participation de France Télévisions
Grotte d'Ouvéa, le prix du sang est diffusé dans La Case du siècle dimanche 16 avril à 22.50 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv