« France, nid d'espions » : ils sont partout
Après « Paris, secrets d’espions », ce nouvel opus montre comment les services secrets étrangers agissent partout en France, et révèle des affaires d’espionnage très récentes. Tentatives d’assassinat contre des exilés politiques, cyber-espionnage ou recrutement de « taupes », les espions nous entourent. À voir dans « Le Monde en face », dimanche 11 février à 21.05 sur France 5 et sur france.tv
C’est le système de l’entonnoir… Un recrutement, voilà comment ça se passe. Au début, on ne se méfie pas et puis au bout d’un moment, on se retrouve un peu piégé.
Michel Guérin, inspecteur général DGSI
Ils dérobent des données sensibles, recrutent des sources, s’immiscent dans notre vie politique ou organisent même des assassinats ciblés. Dans l’ombre, les services de renseignements étrangers tissent leur toile sur l’Hexagone pour infiltrer sphères politiques, universitaires ou industrielles... Tour d’horizon dans Le Monde en face, présenté par Mélanie Taravant.
Il vit à Biarritz, protégé en permanence par la police française. Vladimir Ossetchkine, réfugié russe, raconte la tentative d’assassinat dont il a été victime. Ce dissident sait qu’il est traqué par le FSB, les services secrets russes, pour les enquêtes à charge qu’il publie sur son site très influent. C’est lui qui a révélé que Wagner recrutait des prisonniers pour les envoyer au front, ou les témoignages de mercenaires sur leurs exactions.
La côte basque est une destination prisée par les Russes depuis le XIXe siècle. Mais, pour l’activiste Pierre Haffner, retraité russophone ayant vécu vingt-cinq ans en Russie, Biarritz serait devenu le repaire de plusieurs agents travaillant pour le clan Poutine, qui y dispose de villas luxueuses. Il enquête inlassablement sur ces personnages, tel Alexey Lushnikov, homme de médias et proche de Poutine, qui possède à Anglet la villa Merkel. Lors du sommet du G7 qui s’est tenu en 2019 à Biarritz, il y recevait Alexandre Malkevitch, bras droit de Prigojine, expert de la désinformation pour Wagner, et activement recherché par les États-Unis pour avoir tenté d’influencer les élections américaines.
4 mars 2018, Salisbury, en Angleterre : une tentative d’assassinat au Novitchok, poison neurotoxique, cible le général russe — devenu espion britannique — Sergueï Skripal et sa fille. L’enquête révélera que l’attaque a été mûrement préparée en France, en Haute-Savoie. Cette région, ainsi que l’Ain, cache les espions russes les plus redoutables. « Si on veut rester discret, c’est l’endroit parfait », explique Daniel Raphoz, le maire de Ferney-Voltaire, à la frontière suisse. « Il y a une rotation constante de la population, on est sur une ville de résidence hôtelière. » C’est là qu’ont séjourné à plusieurs reprises les deux agents russes, recrutés pour la mission, et à qui l’on attribue la responsabilité d’autres attentats en Europe. Officiers travaillant pour le Kremlin, ils font partie de l’unité 29 155, qui s’est implantée dans la région durant de nombreuses années.
À Nantes, c'est un jeune opposant azéri, Mahammad Mirzali, qui a été la cible de trois tentatives d'assassinat, dont il a réchappé par miracle. L'enquête a entraîné la mise en examen de neuf hommes au profil de mafieux, sans doute recrutés par la dictature en Azerbaïdjan, qui n'apprécie guère les publications satiriques du youtubeur sur sa chaîne « Made in Azerbaïdjan », très populaire. Mirzali est désormais condamné à vivre sous protection policière : « Ma vie est ruinée, je ne pourrai jamais vivre normalement. Même dans cinq ou dix ans, je vivrai dans la peur car je ne sais pas quand ils viendront m’attaquer. »
Les plus grosses affaires récentes, ce sont des affaires de cyber-espionnage.
Bernard Barbier, directeur technique de la DGSE (2006-2014)
À l’ouest de la France, la rade de Brest constitue depuis longtemps un centre militaro-industriel stratégique qui capte l’intérêt de plusieurs puissances. « On a déjà eu le cas de doctorants qui ont disparu avec un disque dur », raconte ce fonctionnaire sécurité défense de l'Université Bretagne. « Et vous voyez la publication qui sort dans un autre pays avec les données qui avaient été produites. » Les candidatures de chercheurs, envoyées aux écoles d'ingénieurs ou instituts de recherches, sont systématiquement analysées par la DGSI. Surtout quand elles proviennent des « sept fils de la défense nationale », soit les sept universités chinoises qui forment les ingénieurs de l’armement chinois.
Le sénateur André Gattolin le rappelle : « C’est l’instrument de construction d’une influence pour demain. Il faut bien comprendre que la Chine agit surtout dans le très long terme. »
À Toulouse, Airbus et ses sous-traitants doivent faire face à des cyber-attaques récurrentes. Fin 2018, des données concernant la construction de l'A 320 ont été volées. L'attaque particulièrement sophistiquée a été lancée par le groupe APT 10 : des hackers affiliés à l'armée chinoise et recherchés par le FBI.
À Paris, sur le Campus Cyber de la Défense, des simulations de cyber-attaques massives permettent d'apprendre à améliorer la résistance des cyber-défenseurs. Pour Olivier Feix, responsable cyber chez Galileo : « Aujourd’hui, on est en passe de confier à l’IA des capacités qui peuvent être employées ou se retourner contre les individus. »
La France est devenue plus que jamais une cible de choix pour les services de renseignements dans le contexte de crise géopolitique avec la Russie et de guerre économique avec la Chine. Après des années à se focaliser sur le terrorisme, de nombreuses affaires montrent un regain d’activité de l’espionnage. Et tous les milieux sont concernés : politique, militaire, journalistique, scientifique, industriel… Chaque commune française peut être ciblée, dès lors qu’elle abrite un laboratoire de haute technologie, un lieu de décision, ou qu'elle offre un refuge à l’abri des regards. Et les espions sont bien difficiles à identifier : certains voyagent sous de fausses identités ou travaillent sous couverture diplomatique. D’autres se fondent dans la population pendant des années...
France, nid d'espions
Documentaire (90 min – inédit) – Présentation Mélanie Taravant – Réalisation Nicolas de Labareyre – Production Magneto Presse, avec la participation de France Télévisions
Le Monde en face : France, nid d'espions est diffusé dimanche 11 février à 21.05 sur France 5
À voir et revoir sur france.tv