« Femmes de la terre » : en lutte pour la reconnaissance des agricultrices
Aujourd’hui, les femmes sont à la tête de plus d’un quart des exploitations agricoles. Nous sommes bientôt le 8 mars (Journée internationale des droits des femmes) : une occasion d’évoquer la place qu’elles occupent dans ce monde agricole qui agite l’actualité. Dans son documentaire « Au nom de la terre », suivi d’un débat mené par Julian Bugier, Édouard Bergeon évoque le combat de ces femmes pour obtenir statut, droits et reconnaissance. Mardi 27 février à 21.10 sur France 2 et france.tv.
L’agriculture est une thématique centrale pour France Télévisions. C’est dans le contexte du Salon international de l’agriculture (du 24 février au 3 mars) que le documentaire Femmes de la terre est diffusé lors d’une soirée exceptionnelle. Quatre-vingt-dix minutes d’archives personnelles et historiques, de témoignages et de reportages pour rendre visible le travail de ces femmes. En plus d’être à la tête d’exploitations agricoles, ces « femmes de la terre » pilotent des organisations syndicales, des coopératives et des chambres d’agriculture. Un panel de profils varié et intergénérationnel qui montre la lutte qu’il a fallu mener pour que le statut d’agricultrice soit reconnu.
Séjours à la ferme, livres et places de cinéma à remporter !
Jeannette Gros, 81 ans, agricultrice retraitée et ancienne présidente nationale de la Mutualité sociale agricole (MSA) dans le Doubs, a dédié une partie de sa vie au milieu agricole. Suite à un événement personnel tragique, elle se battra des années pour la prévention des accidents du travail.
Elle était très écoutée... Jeannette, c’est l’humanisme incarné.
Christiane Lambert, à propos de Jeannette Gros
Anne-Marie Crolais, 72 ans, agricultrice retraitée et ancienne syndicaliste (Côtes-d’Armor), est la première femme à présider le Centre départemental des jeunes agriculteurs (CDJA) en 1976. Elle s'est battue pour l’obtention du statut juridique et social de sa profession, pour le salaire, la protection sociale, le congé maternité et la retraite. Elle est à l'époque à la tête des manifestations agricoles françaises et devient même la figure de la révolte.
Christiane Lambert, 62 ans, agricultrice (Maine-et-Loire) et ancienne présidente de la FNSEA (Fédération nationale des Syndicats d'exploitants agricoles), est la première femme à avoir dirigé les grands syndicats agricoles jusque-là dominés par des hommes. Elle incarnait, elle aussi, les jeunes agriculteurs et agricultrices dans les années 1990.
Marie-Paule Méchineau s'engage très tôt dans le mouvement « Paysans Travailleurs » (Loire-Atlantique) pour faire évoluer le statut des femmes de ce milieu. Cette agricultrice à la retraite témoigne de la période mai 68 en tant que militante féministe et ancienne étudiante à la faculté de Nantes.
Je veux raconter l’histoire de toutes les femmes de la terre qui, aux côtés de leurs hommes, ont travaillé durement pour nourrir la France et en faire une grande nation agricole, souvent au détriment de leur santé et de leurs droits.
Édouard Bergeon, réalisateur
Des femmes engagées qui, à l'époque, devaient concilier organisation de la maison et activité agricole.
L'agriculture en famille
Le monde agricole est souvent synonyme de famille, où le métier se transmet souvent de parent à enfant. Même si, initialement, certaines des femmes interviewées n'en voulaient pas à cause de sa dureté. C'est le cas de la famille Picard (Meuse). Le père, la mère, les grands-parents et les frères et sœurs travaillent aussi dans le milieu. Angélique, 12 ans, sait déjà qu'elle veut reprendre la ferme de ses parents. Dans la famille Picard, les filles seraient les plus motivées par l’élevage, mais c'est le fils qui hérite de l'exploitation de son père. La fille a dû quant à elle acquérir sa propre ferme. Les choses se faisaient dans cet ordre à l'époque.
Une différence de traitement que les grands-parents Marie-Claude et Claude (80 ans), agriculteur·rices retraité·es, perçoivent encore aujourd'hui. La retraite de Claude est quatre fois plus élevée que celle de sa femme. Malgré un travail double, celui de la ferme et de la maison, les agricultrices n'avaient à l'époque pas de statut officiel. Alors que le métier était déjà dévalorisé, elles étaient considérées comme « sans profession », ce qui a par exemple empêché Marie-Claude de cotiser assez tôt. En revanche, sa signature était bien requise à côté de celle de son conjoint pour contracter un emprunt.
Ces femmes qui, aux côtés de leurs maris, ont cumulé les activités à la ferme : un travail physique harassant et usant avec les animaux, la comptabilité de l’exploitation, les enfants, les tâches ménagères.
Édouard Bergeon, réalisateur
C'est à partir du moment où la T.V.A. est imposée au monde agricole que les femmes vont être désignées pour s'occuper des papiers – tâche dont les agriculteurs se sont ainsi débarrassés. Elles commencent alors à se réunir pour réclamer leurs droits.
Avant de devenir réalisateur, j'ai grandi et travaillé à la ferme jusqu’à mes vingt ans. Un monde rude, taiseux, un monde d’hommes. […] Aujourd’hui, je veux raconter l’histoire de ma mère agricultrice, qui était dans l’ombre mais qui a tenu la famille et la ferme dans les moments de joie comme dans les plus difficiles.
Édouard Bergeon, réalisateur
La relève de l'agriculture française
Les générations cohabitent et les femmes font perdurer ces métiers. Nous suivons l'histoire d'Anne-Cécile Suzanne, 33 ans, éleveuse de blondes d'Aquitaine (Orne) et consultante en cabinet de conseil en stratégie sur les sujets agroalimentaires (Paris). Il y a aussi Lucie Mainard, 36 ans, éleveuse de poules pondeuses bio et administratrice d’une coopérative agricole (Vendée). Claire Gervais, 29 ans, est quant à elle éleveuse de vaches laitières (Manche). Ces femmes ont maintenant des droits.
J’adore conduire le tracteur, c’est vraiment un plaisir.
Claire Gervais
Claire Gervais profite aujourd'hui du congé maternité alors que la mère du réalisateur est allée seule jusqu’à la clinique pour accoucher, car son mari devait travailler à la ferme. Ces agricultrices mettent en place des projets pour que davantage de femmes accèdent aux postes décisionnaires. Elles cultivent l'indépendance tant au travail que dans leur famille. Claire et son conjoint se sont marié·es, mais chacun·e a conservé son exploitation.
En recueillant ces témoignages, le réalisateur a une grande ambition : retracer l'histoire invisibilisée de ces « femmes de la terre » de l'après-guerre à nos jours. Suivez le parcours de ces femmes qui ont travaillé toute leur vie pour faire reconnaître leurs droits et de celles qui bénéficient aujourd’hui de ces acquis sociaux. Ces dernières contribuent à leur tour à cet héritage, même si, malgré leur place fondamentale dans le monde agricole, certaines sont encore confrontées à des hommes récalcitrants.
En savoir plus sur le réalisateur
Édouard Bergeon est aussi producteur.
Après plusieurs années comme reporter, il réalise Les Fils de la terre (2012), un documentaire sur le suicide des paysans français.
Suivront L’Entrée des Trappistes (2012), Liberté, égalité, improvisez ! (2014), Du miel et des hommes (2016) Marseille, ils ont tué mon fils (2018) et L’Amour vache (2023).
En 2019, son premier long-métrage, Au nom de la terre, qui s’inspire directement de l’histoire de son père, interprété par Guillaume Canet, attire plus de 2 millions de spectateurs au cinéma.
Son deuxième film, La Promesse verte, avec Alexandra Lamy et Félix Moati, sort au cinéma le 27 mars 2024.
Femmes de la terre
Documentaire inédit (90 min - 2023) – Réalisation Édouard Bergeon – Écrit par Édouard Bergeon, Frédérique Lantieri, Luc Golfin – Production Bien Media, Babel Doc, avec la participation de France Télévisions
Après la diffusion du documentaire, Julian Bugier proposera un débat avec : Édouard Bergeon, réalisateur de Femmes de la terre ; François Purseigle, sociologue des mondes agricoles ; Léonie, 17 ans, en lycée agricole, et sa mère Béatrice Jourdan, éleveuse de bovins et de poulets dans le Puy-de-Dôme ; Lorine Manceau, éleveuse de chèvres (79) installée depuis cinq ans ; Temanuata Girard, 45 ans, éleveuse de chèvres, vice-présidente de la Région Centre-Val de Loire, chargée de l'agriculture et de l'alimentation ; Lucie Mainard, éleveuse de poules pondeuses.
Diffusé mardi 27 février à 21.10 sur France 2 et france.tv
À voir aussi sur france.tv : Moi, agricultrice, un documentaire de Delphine Prunault