Où sont passés nos médecins de famille ?

Le magazine « Enquête de santé »vous invite à découvrir et à partager le quotidien de quatre médecins généralistes. Quatre profils. Quatre histoires. Et une même vocation, celle de nous soigner, mais jusqu'à quand ? « Médecins de famille, soigner jusqu'à l'épuisement » est diffusé ce mardi à 21.00 sur France 5.

« Enquête de santé : Médecins de famille, soigner jusqu'à l'épuisement ». © 17 Juin

D’ici à 2030, la densité de médecins libéraux va baisser de l’ordre de 5 % d’après la Drees. Cette situation est la conséquence directe du resserrement du numerus clausus à la fin des années 1970, qui a réduit de manière drastique le nombre de médecins formés pendant 20 ans : aujourd’hui, 31 % des médecins libéraux ont plus de 60 ans, et 16 % ont même plus de 65 ans.

UFC-Que Choisir, extrait de « Accès aux soins. La médecine hospitalière et de ville en état d'urgence vitale » publié le 3 avril 2023 (numerus clausus : quota national de places en deuxième année de médecine, défini par arrêtés annuels, qui était en vigueur en France de 1971 à 2020)

C'est une profession au bord de l'asphyxie, voire du burn-out. Longtemps, à tort, on a cru pouvoir compter sur ses membres ad vitam aeternam. Que nenni ! Nos médecins généralistes sont en voie de raréfaction (et ils ne sont pas les seuls à manquer à l'appel), alors même que l'espérance de vie et la population ne cessent d'augmenter. Dès lors, comment réussir à maintenir un service de qualité, une écoute et une présence rassurantes lorsque le nombre de patients pour un même praticien dépasse l'entendement, lorsque les médecins traitants encore en activité décident, enfin, de faire valoir leurs droits à la retraite avec, bien souvent, une once de scrupule lorsqu’aucune consœur ou aucun confrère n’a souhaité prendre la relève. Cette désertification médicale est née bien avant la crise du coronavirus. Depuis longtemps déjà, il se disait que le nombre d'étudiant(e)s en médecine ne pourrait pas suffire à compenser les futurs départs en retraite. On était loin à l’époque d’imaginer que d’autres crises s’imbriqueraient pour offrir un tableau aussi désolant et inquiétant de l’accès aux soins en France. 

Ce qui me taraude, c'est de passer pour un, un... c’est un mot fort : “un déserteur".

Le docteur Pierre Levisse à propos de son départ à la retraite

Médecins de famille, soigner jusqu'à l'épuisement

Ils sont quatre praticiens à avoir accepté d'être filmés dans leur quotidien. Deux femmes et deux hommes qui ont choisi de nous venir en aide, de soigner nos maux, nos petits bobos et nos grandes détresses. Une étudiante, un presque retraité, un médecin de nuit et une salariée. En nous ouvrant leurs portes, ils se laissent aller à la confidence. Partageant leurs doutes, leurs espoirs. Évoquant les souffrances passées, celles rencontrées par d'autres confrères ou consœurs. Et ce sentiment de ne pas pouvoir ou de ne plus pouvoir tout absorber, tout compenser. On les devine soucieux de répondre présent, mais jusqu’à quand y parviendront-ils ?

Ce qui était dur, c'était la salle d'attente remplie, pleine à craquer, qu'on n'arrive pas à voir désemplir. Le cabinet ouvrait à 8 h 30 mais les gens étaient là à 7 h 30 parce qu'ils savaient très bien que sinon ils allaient attendre jusqu'à midi. J'avais l'impression d'entrer dans une arène. Je me disais : « Je ne vais pas y arriver. » À la fin de la journée, j'étais épuisée.

Docteur Dominique Ansidei-Bontoux

Portraits

À Lederzeele dans le nord de la France, le Dr Pierre Levisse, médecin généraliste depuis quarante ans, entame sa dernière semaine de consultations avant de prendre sa retraite. Faute de successeur, il laisse derrière lui 2 500 patients désœuvrés.
À 29 ans, Camille Bac n’est pas encore docteure. Étudiante en dernière année de médecine, elle débute un stage de six mois dans un cabinet de médecine générale à Millery, près de Lyon. Un stage qui va bouleverser ses plans de carrière.
À Montceau-les-Mines, le Dr Dominique Ansidei-Bontoux a choisi une activité salariée après un burn-out qui a mis un terme à vingt années d’exercice libéral. Elle exerce dans un centre de santé financé par le département et reçoit tous les jours des patients qui souffrent d’un manque cruel de soins dans ce désert médical.
Enfin, le Dr Benoît Gombert, 40 ans, exerce sa profession au sein de l’association SOS Médecins à Saint-Malo. Une fois la nuit tombée, il est l’ultime recours avant les urgences. Lorsque ses confrères ferment leurs cabinets, lui endosse sa blouse, avec le sentiment d'être utile.

La visite au domicile, d'une part, c'est un acte un peu particulier, on arrive dans l'intimité du patient et puis, quand on arrive en pleine nuit chez un patient, généralement ça ne va pas. Quel que soit le motif, il y a une souffrance derrière et ça crée un lien, sincère, beaucoup plus rapide qu'en consultation au cabinet.

Docteur Benoît Gombert

« UFC-Que Choisir »  — carte interactive de la fracture sanitaire (en métropole)

Carte interactive de la fracture sanitaire en métropole par l'UFC Que Choisir
Cliquez sur l'image pour accéder à la carte.

« En 2012, l’UFC–Que Choisir avait publié un état des lieux inédit de l’accès aux soins en France qui mettait en lumière l’inquiétante fracture sanitaire. Aux déserts médicaux géographiques s’ajoutent les dépassements d’honoraires qui freinent l’accès aux médecins.
Quatre ans plus tard, en 2016, alors que des négociations entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins étaient en cours, l’association a rendu publique une nouvelle étude sur cette situation.
Selon ces calculs, l'accès géographique ou financier à un médecin généraliste, un gynécologue, un ophtalmologue ou un pédiatre en 2016 s’est dégradé pour plus de trente millions d’usagers par rapport à 2012.
Plus récemment, en 2019, les associations locales de l’UFC-Que Choisir ont mené une enquête auprès de médecins généralistes qui a démontré que près de 1 médecin traitant sur 2 refusait désormais les nouveaux patients et que la situation la plus dégradée touche les villes moyennes (de 10 000 à 100 000 habitants).
Face à ce constat alarmant, les pouvoirs publics ont pris des mesures inefficaces et très coûteuses comme les politiques d’incitation financière accordées aux médecins pour les convaincre de s’installer dans les zones sous-dotées… L’actualisation de notre carte interactive en 2022 souligne que c’est un échec criant !
»
Source : UFC-Que Choisir

Ce que j'ai aimé, c'est vraiment l'ambiance. Bienveillante. Des gens qui prennent soin d'eux, entre eux, et qui, du coup, gardent leur empathie et leur écoute avec les patients. Pour moi, c'est le type d'endroit où je voulais m'installer.

Camille Bac, à propos du cabinet médical dans lequel elle a effectué son stage

Enquête de santé : Recherche médecin désespérément

Médecins de famille, soigner jusqu’à l'épuisement 
Il est le premier chez qui l’on frappe quand notre corps va mal. Le médecin généraliste est un personnage central de notre système de soins. Mais la profession traverse une crise profonde et ne fait plus rêver.
Ces généralistes que l’on a longtemps appelé « les médecins de famille » sont un peu moins de 80 000 en France. Si le nombre de praticiens exerçant en cabinet a baissé depuis dix ans, c’est surtout leur répartition sur le territoire qui inquiète. Dans les zones rurales mais aussi dans les grandes villes, les généralistes manquent cruellement à l’appel. À cause de cette pénurie, 11 % des patients n’ont pas de médecins traitants. Si les jeunes médecins sont si réticents à s'installer dans des déserts médicaux, c'est aussi parce qu'ils ne veulent pas reproduire les erreurs de leurs aînés. Car, derrière l’image du médecin de famille que l’on pouvait appeler jour et nuit se cache une réalité beaucoup plus sombre. Près de la moitié des médecins libéraux souffriraient d’épuisement professionnel.
Pourquoi les médecins qui partent à la retraite ne sont-ils pas remplacés ? Pourquoi certains craquent et font dévisser leur plaque ? Quelles sont les solutions qui existent pour rendre ce métier à nouveau attractif ? Pour répondre à ces questions et enquêter sur cette profession en pleine mutation, nous avons suivi 4 médecins généralistes en devenir, en exercice ou presque retraité.

Magazine (débat - direct - 48 min) – Présentation Marina Carrère d'Encausse
Documentaire (inédit 60 min) – Autrice et réalisation Céline Martel – Production 17 Juin Media, avec la participation de France Télévisions

Invités du débat 
Dr Pierre Levisse, médecin généraliste retraité, Dr Dominique Bontoux, médecin généraliste salariée, Dr Agnès Ansidei-Giannotti, présidente du syndicat MG France, Maria Roubtsova, chargée de mission santé à l'UFC-Que Choisir, Guillaume Julien, maire de Saint-Denis-sur-Sarthon (61), et Céline Martel, journaliste et autrice du documentaire

Ce magazine est diffusé mardi 16 mai à 21.00 sur France 5
Enquête de santé : Recherche médecin désespérément - Médecins de famille, soigner jusqu'à l'épuisement est à voir et revoir sur france.tv

Bonus vidéo. Charmant village recherche médecin

 

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