La réalisatrice Cécile Tartakovsky a suivi quatre détenus de la maison d’arrêt de Nanterre, ainsi que la directrice du centre scolaire, Sylvie Paré, et ses professeurs. À travers leurs portraits, elle dévoile un lieu méconnu où l’on fait le pari de l’éducation contre la récidive. Dans « Infrarouge », présenté par Marie Drucker, mercredi 29 mai à 23.20 sur France 2.
C’est un jour ordinaire pour cette enseignante et directrice d’école. Sauf que son école, elle, n’est pas ordinaire : c’est un sanctuaire au cœur d’une forteresse – la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine –, un îlot de 260 hommes – sur un millier de détenus – qui ont repris leurs études là où ils les avaient laissées. Dix-huit mineurs mis à part – pour qui l’enseignement est obligatoire –, tous ont fait la démarche de revenir s’asseoir sur les bancs de l’école pour préparer leur sortie ou pour fuir le désœuvrement. C’est là que Sylvie Paré et son équipe d’enseignants, faisant abstraction des raisons qui ont mené là ces prisonniers, œuvrent à réinstaurer de la confiance (en l’institution scolaire, en soi-même) et redonner le goût d’apprendre. « On ne transmet pas seulement des connaissances, confie l’un d’eux, mais aussi l’autorisation de se projeter d’une autre façon dans l’avenir. »
Lors de notre première rencontre, Sylvie Paré me brosse le portrait de ses élèves, des hommes âgés de 18 à 70 ans, « tous volontaires ». Je suis immédiatement séduite par son charisme et son désir intact depuis vingt ans de les éloigner de la récidive par l’instruction. Ici, les prisonniers ne sont plus seulement des numéros d’écrou, mais des élèves à part entière, avec leurs spécificités, leurs difficultés et leurs rêves.
Cécile Tartakovsky
« Le service public pénitentiaire assume une double mission, peut-on lire sur le site du ministère de la Justice : il participe à l’exécution des décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique et il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire*. » C’est la seconde de ces missions qui suscite depuis toujours les plus âpres débats concernant l’efficacité de la prison puisque globalement un tiers des détenus libérés récidive dans l’année de leur sortie et près de la moitié dans les deux ans. Dans ces conditions, l’éducation et la formation constituent un enjeu capital : en France, à leur arrivée en prison, 44 % des détenus n’ont aucun diplôme, 90 % ont un niveau inférieur au bac et 12 % sont illettrés.
Le défi est de taille. Beaucoup de détenus ont eu un rapport difficile avec l’enseignement, l’autorité, le savoir. Les conditions ne sont pas non plus idéales, comme le souligne Sylvie Paré : « Il faut être disponible dans sa tête pour pouvoir bien apprendre. Or, ici, d’une certaine façon, tout va mal pour eux. » Parloir qu’on attend trois semaines et où personne ne vient, ou bien qui s’avère émotionnellement douloureux, convocation du magistrat, angoisses, tensions, etc., « plein de choses les parasitent ». La directrice du centre scolaire fait néanmoins le pari que la maturité de ces adultes leur permet d’aller vite dans les apprentissages pour peu qu’on les aide à prendre conscience de leurs capacités.
* Ministère de la Justice : Les missions de l’administration pénitentiaire
Derrière les barreaux, l’école
Ils ont parfois quitté l’école en primaire, au collège ou après le lycée. Certains sont illettrés, analphabètes ou étrangers. D’autres ont simplement choisi de fuir le désœuvrement. Tous sont incarcérés pour avoir commis des délits ou des crimes allant du vol au meurtre. Ces hommes, majeurs pour la plupart, ont décidé de mettre leur détention à profit pour passer les diplômes qui leur manquent ou simplement retrouver le goût d’apprendre avec l’espoir, plus tard, de pouvoir prétendre à un avenir meilleur. Cécile Tartakovsky et Simon Fichet ont pu suivre, pendant une année entière, quatre détenus de la maison d’arrêt de Nanterre, « Ousmane, 18 ans, à la poursuite de son bac ; Gogo, 23 ans, en BEP d’optique ; Arnaud, 30 ans, qui, après avoir passé son brevet en détention, souhaite maintenant obtenir son DAEU (diplôme d’accès aux études universitaires) ; ou encore Christophe, qui renoue avec l’écriture en cours de littérature. Ces détenus nous livrent leur parcours, leur relation souvent conflictuelle à l’école et ce désir de surmonter les échecs passés. »
Documentaire (52 min – 2023 – inédit) – Réalisation Cécile Tartakovsky – Chef opérateur prises de vues Simon Fichet – Production Capa Presse, avec la participation de France Télévisions
Diffusé dans Infrarouge, mercredi 29 mai à 23.20 sur France 2
À voir et à revoir sur france.tv