De Lyssenko à Raoult : les grandes controverses scientifiques

 

Ce qui est frappant, c’est que la ciclosporine, la mémoire de l’eau et l’hydroxichloroquine, ont été portées par des équipes qui n’étaient pas n’importe qui… de grands scientifiques ou médecins, et qui, à un moment donné, dérivent.

Jean-François Delfraissy, professeur de médecine

De Trofim Lyssenko à Didier Raoult : qui ont été les grands mystificateurs de ces dernières décennies ? Ce documentaire, qui prend la forme d’une enquête menée par le journaliste Patrick Cohen, nous plonge dans quatre grandes controverses scientifiques passées. Tout au long de ces quatre-vingt-dix minutes, il explore – dans une approche historique et sociétale – les éléments qui leur ont permis de prospérer.

« Quel est l’élément de bascule pour que des professeurs renommés sortent des rails de la méthode scientifique, défendent des thèses erronées, produisent des mystifications ? » En posant la question, Patrick Cohen propose de remonter le fil, d’enquêter dans l’histoire récente de l’anti-science, avant même l’arrivée des réseaux sociaux. De partir des « mystifications » et de raconter qui se cache derrière, avec quelles méthodes et quelles intentions. Afin de révéler comment se propagent de fausses informations qui mettent en danger la santé publique et entraînent une perte de confiance dans la science et la médecine.

La ciclosporine

« La ciclosporine est un exemple très clair de mauvais mélange entrepolitique et science. » Christophe Barbier, journaliste

Le 29 octobre 1985, lors d'une conférence de presse annoncée par la ministre des Affaires sociales, trois chercheurs – un cancérologue, un pneumologue, un immunologiste – démontrent en conférence de presse l'efficacité de la ciclosporine pour « contribuer à une forme de réparation du système immunitaire » et prolonger l'espérance de vie des victimes du sida, pour lesquelles il n'existait à l'époque aucun traitement.

Extraits

« On a là une ministre – Georgina Dufoix – qui se transforme en caution de chercheurs qui ont cru leur moment de gloire arrivée. » Noël Mamère, ancien journaliste

« Très vite, on a compris que c’était un faux espoir. » Jean-François Delfraissy

« Ce qui est incroyable dans cette histoire, c’est que ça n’a pas gêné les uns et les autres dans leur carrière. »

Le lyssenkisme

« Le lyssenkisme est d’actualité : le politique peut toujours partir de la science, de ce qu’elle trouve ou qu’elle invente, pour faire de l’idéologie. Ça, c’est toujours d’actualité. » Christophe Barbier

En 1948, le technicien agricole soviétique Trofim Lyssenko prononce un discours prônant l'anti-génétique – qu’il qualifie de « science bourgeoise et réactionnaire » – prétendant qu’on peut tout faire pousser en agissant sur le milieu, peu importe le patrimoine génétique des espèces, et qu’on peut les modifier y compris les humains. Soutenu par Staline depuis 1935, Lyssenko va dominer les sciences biologiques et agronomiques pendant plus de trente ans.

Extraits

« L’affaire Lyssenko est un archétype de la politique qui vient s’infiltrer dans le domaine scientifique et le dévoie totalement. » Jean-François Delfraissy, professeur de médecine

« Staline en fait un véritable produit d’exportation, le lyssenkisme est un missile en terre planétaire avec lequel Staline va polluer les esprits occidentaux en trouvant des relais dans la presse communiste. » Christophe Barbier
« Personnellement je ne suis pas biologiste mais… » Louis Aragon, dans la revue Europe en 1948, où il défend les thèses du pseudo-agronome soviétique

« La leçon, c’est de montrer qu’à un certain moment l’ingérence politique peut être néfaste, pas seulement à l’univers scientifique, mais au peuple tout entier. » Dominique Leglu, journaliste scientifique

La mémoire de l'eau

« L’épisode le plus étrange et le plus navrant de toute l’histoire de la science » selon Jacques Monod, Prix Nobel de médecine (1965)

En 1988, le médecin et immunologiste Jacques Benveniste affirme avec son équipe que, à haute dilution, l'eau a de la mémoire : « C’est l’idée qu’une cellule sanguine peut recevoir par une molécule d’eau une information et un effet moléculaire alors que la molécule a disparu. » Une théorie jamais confirmée et contredite par les physiciens Georges Charpak et Claude Heignon.

Extraits

« Cela aurait voulu dire que deux siècles de biologie moléculaire s’effondraient, l’industrie pharmaceutique aussi : on imagine bien tous les enjeux qui pouvaient exister... Et cela donnait une caution forte à l’homéopathie. » Éric Fottorino, auteur d’une enquête sur Jacques Benveniste

« La question de la mémoire de l’eau, qui est au départ un enjeu scientifique, devient un enjeu de pouvoir. » 

« Ça ressemble beaucoup, toute cette affaire, à ce qui s’est passé avec le professeur Raoult qui s’est, un petit peu, lui-même enfermé dans quelque chose d’extrême alors qu’il était un bon médecin. » Claude Heignon, physicien

Le climato-sceptique

« Sur les réseaux sociaux, le climato-scepticisme reste toujours très présent et surtout se déplace. » Jean Jouzel, paléoclimatologue, médaille d’or du CNRS, vice-président du groupe scientifique du GIEC (2002 - 2015) 

En 2010, Claude Allègre, le géo-chimiste et ancien ministre de l'Éducation nationale du gouvernement Lionel Jospin, publie L'Imposture climatique. En réaction, quatre cents chercheurs publient une tribune dans le journal Le Monde. La polémique est ouverte pour des années.

Extraits

« Claude Allègre disait clairement qu’être un climatologue n’était pas être scientifique. » Jean Jouzel

« C’est parce qu’il avait de bons réseaux dans la politique, les médias et chez les scientifiques qu’il a pu développer ce discours. » Noël Mamère

« Le politique Claude Allègre tenait souvent la plume du scientifique Claude Allègre. » Christophe Barbier

Mystifications

Documentaire (90 min - 2023) – Auteur Patrick Cohen – Réalisation Dimitri Queffelec – Production Troisième Œil avec la participation de France Télévisions

Mystifications est diffusé dimanche 3 septembre à 20.55 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv