« Cuisine bretonne : plus de beurre que de mal »
Impensable de séjourner en Bretagne sans goûter à quelques-unes de ses spécialités, indissociables de la culture et de l’identité bretonne. Frédérique Mergey vous convie, ce mardi à 21.00 sur France 5, à un tour d’horizon de cette cuisine généreuse, populaire et un tantinet riche en beurre salé (c’est une question de point de vue).
Je me rappelle, je disais à ma mère : « Moi, quand je serai grande, je ferai des crêpes. » J’ai toujours aimé faire des crêpes. Et j’aime toujours. Même quand je suis fatiguée, je me mets à faire des crêpes, ça me détend, ça me donne la forme (...). Je crois que c’est le plus beau métier du monde.
Joséphine
Nos recettes traditionnelles, nos plats du dimanche, nos habitudes culinaires ont façonné notre goût et notre attrait pour les bonnes choses. À chaque région, ses spécialités. En Bretagne, parmi les incontournables, figurent les galettes ou crêpes (selon qu’on vienne d’un pays gallo ou bretonnant), le kouign-amann et l’andouille de Guémené. On pourrait compléter cette liste non exhaustive en citant le kig ha farz, les fruits de mer, la saucisse, quelques poissons d’eau douce ou de mer, l’artichaut, le chou-fleur, le far breton, les sablés, les craquelins, les gavottes, le gâteau breton, le caramel au beurre salé, le cidre ou encore le lait ribot.
Pourtant, à la fin du XIXe siècle, la cuisine bretonne n’avait pas bonne presse. « Au départ, [la galette] était la nourriture des pauvres, mangée sur le pouce par les ouvriers, méprisée par les voyageurs, écrivains ou peintres, explique Bernard Hulin (auteur de Et vous ? Êtes-vous crêpe ou galette ?). Sa célébration concorde avec l’arrivée des Bretons à Paris et l’essor du tourisme. » Pensez bien que le fameux kig ha farz n’était pas mieux loti. Mais c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, on est prêt à faire la queue sur la place d’un marché (celui des Lices, à Rennes, en premier) pour repartir avec sa galette saucisse. C’est presque devenu un rituel pour certains Rennais le samedi matin. Cette préparation à base de farine de sarrasin, d’eau et de sel (certains seraient tentés d’y ajouter de la farine de blé et du lait…) demande un sacré coup de main pour aérer suffisamment la pâte (qui par la suite se reposera, tout comme votre bras).
En témoigne le geste vigoureux de Joséphine. À 84 ans, bien que retraitée, elle continue d’accueillir, le samedi midi, amis, famille et gourmands dans son garage, qui lui a tenu lieu de restaurant et de cuisine à partir des années 1970. Ici, la crêpe (puisque tel est son nom dans cette partie de la Bretagne) se déguste émiettée dans un lait ribot ou de manière plus conventionnelle. « [Autrefois], il n’y avait pas d’autres ingrédients que le beurre et l’œuf. C’était incongru de mettre autre chose, explique l’un des convives, d’ailleurs, on n’y pensait pas. Après est venu le jambon, le gruyère. Mais beaucoup plus tard. » Depuis, la liste des ingrédients proposés s’est allongée, les crêperies se sont essaimées à travers le monde, permettant à chacun d’apprécier ce plat autrefois dénigré. Un beau pied de nez au passé, vous ne trouvez pas ?
Le reste de ce voyage culinaire concocté par Frédérique Mergey vous conduira, entre autres, à Vitré, Saint-Malo, Guémené-sur-Scorff, Gestel et Concarneau. Vous aurez ainsi l’occasion de croiser un ancien chef étoilé, un meunier d’exception, un pâtissier révolutionnaire, un boulanger héritier d’un savoir-faire, un éleveur aux méthodes surprenantes mais savoureuses, un artisan-charcutier défenseur des traditions et un cuisinier-entrepreneur passionné de gastronomie.
À Douarnenez, on fait le kouign-amann. Ailleurs, ils font du kouign-amann. C’est pas pareil.
Thierry Lucas, boulanger
Cuisine bretonne : plus de beurre que de mal
La cuisine bretonne est réputée savoureuse, généreuse et populaire… La galette, autrefois considérée comme un repas de pauvre, a largement gagné ses lettres de noblesse, et figure aujourd’hui en bonne place au registre de la gastronomie française. Mais une guerre sémantique fait rage : doit-on dire « galette » ou « crêpe de blé noir » ? L’andouille a sa capitale autoproclamée : la ville de Guémené-sur-Scorff. Une confrérie lui est même dédiée ! Elle en sacralise l’élaboration, résolument hostile aux pratiques industrielles bien éloignées de la recette originelle… Quant au kouign-amann, il serait né à Douarnenez. Sa recette beurre-sucre-farine en a fait l’un des desserts les plus riches au monde… Mais il est aujourd’hui revisité par les Bretons eux-mêmes, en version fourrée et même — ô ! sacrilège — salée ! Ce documentaire enlevé et drôle revisite la cuisine bretonne et nous promet « plus de beurre que de mal » !
Documentaire (52 min - inédit) – Réalisation Frédérique Mergey, avec Morgane Courgeon – Compositeurs Vincent Jacq et Thomas Mercier – Production Auxyma & C Ton Film, avec la participation de France Télévisions et du Centre National du Cinéma et de l’Image animée