Cinquantenaire de la mort du président : « Georges Pompidou – La cruauté du pouvoir »
Il fut le seul président qui décéda au cours de son mandat, le 2 avril 1974. France Télévisions commémore le cinquantième anniversaire de la disparition de Georges Pompidou. Ce documentaire retrace le destin républicain et l’empreinte de ce petit-fils de paysans et fils d’un couple d'instituteurs, qui a fait entrer la France dans une modernité conquérante et inédite. À voir mercredi 27 mars à 21.10 sur France 3 et sur france.tv.
Rien ne le prédestinait à devenir président de la République. Ce film est un récit chronologique du parcours hors norme de Georges Pompidou. Celui qui a grandi dans l’ombre du général de Gaulle imaginait-il que, pour lui succéder, il lui faudrait encourir autant de violence ? Sa correspondance, les images d’archives et la voix de l’acteur Denis Podalydès nous replongent au cœur des Trente Glorieuses, de l’ascension du « plus exceptionnel de tous les Français moyens », selon la formule de Jean d’Ormesson, et des défis qu’il a relevés pour incarner la France.
« On ne succède pas à de Gaulle, on est élu président de la République après de Gaulle. » Les paroles du général sont cinglantes pour l’homme qui vient d’être élu, ce 15 juin 1969, deuxième président de la Ve République. Les années de collaboration, de confiance et d’amitié sont définitivement terminées : désormais, Georges Pompidou affrontera la solitude du pouvoir avec ses attaques violentes et ses trahisons.
Si loin que je remonte, je n’ai reçu que des leçons de droiture, d’honnêteté et de travail. Il en reste toujours quelque chose.
Georges Pompidou
Les années de bonheur
Le jeune Georges n’en avait nullement rêvé. Ce passionné de lettres et de poésie, fils d’instituteurs du Cantal, s’imaginait plutôt en poète ou en écrivain. Brillant élève à Albi, il rencontre sur les bancs du lycée son ami Robert Pujol à qui, toute sa vie, il confiera son état d’esprit dans de longues lettres, dont les extraits nourrissent ce film.
Militant à gauche à Paris lors de ses années d’étudiant (khâgne, hypokhâgne et Normale Sup') – durant lesquelles il se lie d’amitié avec Léopold Sédar Senghor –, il ne se prendra au jeu du pouvoir que plus tard. À ses débuts, Mendès France le qualifie même de « socialiste remuant nettement à sa gauche ».
C’est à la même époque qu’il rencontre Claude Cahours, fille de médecin, qu’il épousera en 1935.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il combat avec l’infanterie alpine lors de la bataille de la Somme puis, durant les années d’Occupation, il se replie avec sa femme à Paris où ils vont adopter leur fils. Il fréquente des résistants, « mais il était évident que je manquais d’esprit d’aventure », avoue-t-il… C’est bien ce que lui reprocheront toute sa vie les Compagnons du libérateur de la France.
Après la Libération, Georges Pompidou utilise ses contacts auprès du héros national pour travailler auprès de lui : le professeur de lettres veut être « utile ». Dès sa nomination à ses côtés, Georges Pompidou s’attire haines et rancœurs. « Mon arrivée auprès du Général n’était pas bien vue de tout le monde, et certains se demandaient s’il fallait me tuer tout de suite ou plus tard. » Ce sera plus tard…
Le général et son héritier
Au fil du temps, Georges Pompidou va rapidement s’imposer comme le collaborateur indispensable du général de Gaulle qui le nomme chef de son cabinet – poste qu’il gardera jusqu’en 1953. Ce duo improbable fonctionne, et leurs liens vont au-delà de l’estime politique. Le 18 juin 1954, de Gaulle lui dédicace ainsi une photo de lui : « À Georges Pompidou, mon collaborateur depuis dix ans, mon compagnon, mon ami pour toujours. » Mais les soubresauts de la vie politique et nationale vont mettre à mal cette relation de confiance.
En avril 1962, quatre ans après son élection à la tête du pays qui vient de vivre la guerre d’Algérie, le général fait appel à Pompidou – en poste à la banque Rothschild – pour remplacer Michel Debré, son Premier ministre. Ensemble, ils vont vivre le référendum et le passage à la Ve République. En octobre 1962, de Gaulle refuse la démission de Pompidou après le vote de la motion de censure à l’Assemblée qu’il choisit de dissoudre. Ce sera la première d’une liste de lettres de démission du Premier ministre à son président.
Le fossé continuera de se creuser entre Pompidou, qui a engagé un vaste projet de modernisation et d’industrialisation du pays, et la figure tutélaire historique. Après Mai 68, le général nomme Couve de Murville à la place de Pompidou. Isolé, celui-ci devient la cible de ses vieux ennemis qui se déchaînent contre lui. À l’élection présidentielle de 1969, c’est pourtant lui qui remporte les suffrages avec 58,2 % des voix. Cette fois, la rupture est consommée entre le fondateur de la Ve République et son successeur. Ils ne se reverront plus jusqu’à la mort du général, en 1970.
L’homme, qui déclare alors « je me sens prisonnier, je suis en marge du bonheur », poursuit ses réformes pour moderniser le pays, qui bénéficie d’une croissance industrielle record et d’une paix sociale relative. Mais la maladie incurable de la moelle épinière qu’on lui découvre en 1972 – longtemps cachée aux Français – va mettre fin prématurément à son mandat en 1974. Comme pour l’hommage rendu au général de Gaulle trois ans et demi plus tôt, ses obsèques seront célébrées à Notre-Dame de Paris, avec le même cérémonial et les mêmes grands de ce monde. Toujours dans le sillage de celui qui lui a ouvert les portes, de manière inattendue, d’un destin national.
Georges Pompidou – La cruauté du pouvoir
À la différence de tous ceux qui ont exercé la charge suprême depuis 1958, Pompidou n’a pas passionnément recherché le pouvoir. D’étape en étape, les responsabilités semblent s’être imposées à lui. Comme s’il obéissait à un destin. Destin hors norme mais destin cruel aussi. Car cet homme aimant la vie et fait pour le bonheur n’accéda aux sommets que pour rencontrer l’adversité, la trahison et le malheur. France Télévisions commémore le 50e anniversaire de la disparition de Georges Pompidou, seul président décédé au cours de son mandat, le 2 avril 1974, avec ce documentaire-événement.
Documentaire (2024 - 104 min) – Réalisation Jean-Pierre Cottet – Auteurs Éric Roussel, Jean-Pierre Cottet et Patrice Duhamel – Texte raconté par Denis Podalydès et Bruno Raffaelli –Production Martange Production, avec la participation de France Télévisions
Georges Pompidou – La cruauté du pouvoir est diffusé mercredi 27 mars à 21.10 sur France 3
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