Championnats du monde de natation : « On va vraiment se régaler ! »
Direction le Japon pour l’équipe de France de natation pour y disputer les Championnats du monde. Ils sont à suivre du 23 au 30 juillet sur france.tv et France 4. Une compétition aux allures de répétition générale à un an pile des Jeux de Paris, pour les sportifs comme pour France Télévisions, principal diffuseur des JO de 2024. Entretien avec « Monsieur Natation », Alexandre Boyon*.
Les nageurs français ont de vraies chances de médailles pour ces Championnats du monde. Qui sont ceux qui incarnent ces espoirs ?
Alexandre Boyon :Marie Wattel, Mélanie Henique (vice-championnes du monde sur 100 et 50 mètres papillon), Analia Pigrée (médaille de bronze sur 50 mètres dos, championne d'Europe), il y a une génération avec des filles qui vont chercher des médailles. Ça n'était pas arrivé depuis longtemps et c'est très encourageant. Avec également un paramètre important, la nageuse russe Anastasiia Kirpichnikova, naturalisée française, qui fait de la longue distance sur 5 et 10 kilomètres et qui va faire aussi les 800 mètres et 1 500 mètres. Elle est entraînée par Philippe Lucas, et c’est la première fois qu'elle va faire une compétition avec l’équipe de France. Donc on va suivre ça. Chez les garçons, on a un phénomène, Léon Marchand, déjà champion du monde du 200 mètres et du 400 mètres quatre nages. Il est engagé sur le 200 mètres papillon, où il est vice-champion du monde, et sur 200 mètres brasse, où il détient la meilleure performance de l’année. Il est invaincu cette année. C'est vraiment un phénomène qui est entraîné par Bob Bowman, l’entraîneur de Michael Phelps. Il a tout pour être une star de la natation mondiale, et déjà pour l’année prochaine à Paris. Florent Manaudou détient la meilleure performance mondiale de l’année sur 50 mètres nage libre. Il s'est fixé comme objectif d'aller chercher une quatrième médaille pour ses quatrièmes Jeux à Paris. Il est parmi les têtes d'affiche pour aller chercher un titre mondial. Et puis – et je sais que je vais en oublier — Maxime Grousset, vice-champion du monde du 100 mètres nage libre, troisième du 50 mètres nage libre. C’est maintenant l'un des meilleurs sprinteurs de la planète, toujours présent dans les grands rendez-vous. On retourne à Fukuoka, j’y étais allé en 2001 et, à l’époque, la délégation française, ce n’était que cinq nageurs. Là, on part avec une équipe beaucoup plus dense et ça, ça fait plaisir vraiment.
Il y a en effet une nouvelle génération, bien encadrée par ses aînés...
A. B. : Il y a « les anciens », Damien Joly (vice-champion du monde en bassin de 25 mètres, au mois de décembre à Melbourne, médaillé sur le 1 500 mètres aux Championnats d'Europe) ; Mélanie Henique et Florent Manaudou qui sont les grands frères. Il y a une génération intermédiaire avec des filles comme Charlotte Bonnet, Béryl Gastaldello, Marie Wattel qui sont dans la force de l’âge, à 25 ou 27 ans. Maxime Grousset qui à 23 ans commence à avoir une certaine expérience, tout comme Yohann Ndoye-Brouard. Et puis derrière, il y a des jeunes qui arrivent. Je pense par exemple à Analia Pigréeou Mary-Ambre Moluh qui était championne d'Europe l'an dernier chez les Juniors et qui montre un beau potentiel en papillon et en nage libre. Alors bon, est-ce qu’ils seront prêts pour les Jeux de Paris ou ceux de Los Angeles 2028 ? Il y a un mix de ces différentes générations et une bonne énergie.
Voilà pour les nageurs français à suivre. Mais qu’en est-il de leurs concurrents ? De qui faudra-t-il se méfier ?
A. B. : Du côté de la concurrence, il y a une dream team australienne vraiment très impressionnante. Entre Mollie O’Callaghan, la championne rapide du 100 mètres, Emma McKeon, Ariarne Titmus. Bien sûr il y a les Américaines qui sont évidemment présentes. Et puis je citerais aussi le phénomène Summer McIntosh, canadienne, qui, à seulement 16 ans, vient de battre le record du monde du 400 mètres quatre nages. Tout ça fait qu’on va avoir des courses de folie sur 200, 400 et 800 mètres. Chez les garçons, il y a une belle natation italienne et britannique (relais 4 x 200 mètres). En course de fond, les Allemands sont très forts sur 400 et 800 mètres. La natation européenne est vraiment d’un très bon niveau. Après, ça se passe au Japon et les Japonais ont quand même un vrai savoir-faire et restent sur la dynamique des Jeux de Tokyo. Il faudra également compter sur Kyle Chalmers, un nageur australien monstrueux. On peut s’attendre à beaucoup de belles courses et vraiment, on va se régaler !
Y a-t-il des absents notables ?
A. B. : Oui, quelques-uns... notables parce que certains sont des monstres de la discipline. Soit qu’ils ne soient pas au top psychologiquement, soit qu’ils aient pris des distances. On peut citer le sprinter américain Caeleb Remel Dressel qui avait été le roi des Jeux de Tokyo mais qui n’a pas réussi à se qualifier parce qu’il a fait une légère dépression après, et il revient tout doucement. Idem pour le Britannique Adam Peaty qui, lui, est le meilleur brasseur de l'histoire et ne défendra pas ses titres (il détient tous les records sur 100 et 50 mètres). Et puis le Hongrois Kristóf Milák qui est un peu moins bien en ce moment, ce qui est étonnant parce qu’il est le champion du monde, recordman du monde et champion olympique du 200 mètres papillon. C'est un peu particulier. On parle de plus en plus des conséquences du covid, de l’état psychologique des sportifs... J'espère vraiment qu'ils vont revenir parce que ce sont des nageurs majeurs.
Et qui pourrait créer la surprise ? As-tu un coup de cœur, un nageur à suivre ?
A. B. : J’ai un coup de cœur pour deux, trois nageurs, mais surtout pour David Popovici, un nageur roumain de tout juste 18 ans. Il était champion du monde du 100 et du 200 mètres l’année dernière à 17 ans ; il a aussi battu le record du monde du 100 mètres. C'est vraiment un phénomène incroyable. Comme à chaque fois, il faut quand même une révélation. Il y a un nageur que je voudrais suivre. C’est en quelque sorte un clin d’œil parce qu’il y a vingt et un, vingt-deux ans, un nageur s'était révélé un futur grand en devenant champion du monde en Coupe du monde, recordman du monde..., son nom ? : Michael Phelps. Et aujourd’hui, sur 200 mètres papillon, un jeune Américain de 16 ans, Thomas Heilman bat les records de Michael Phelps au même âge. Alors, quelque chose me dit que, celui-là, on va s’en prendre pour quelques années. Sur ce que j’ai vu, il a l'air monstrueux, c’est un énorme potentiel. Et puis il sera en duel avec Léon Marchand, vice-champion du monde sur la distance, et en l’absence du champion du monde, ça va être une course passionnante.
Propos recueillis par Sébastien Pouey
* En raison d'un accident survenu peu avant l'entretien Alexandre Boyon ne pourra assurer les commentaires de ces championnats du monde de natation. Christian Choupin le remplace aux côtés de Camille Lacourt, consultant France Télévisions.