À l’occasion du 70e anniversaire du début de la guerre d’Algérie, France Télévisions propose de voir ou de revoir la monumentale série documentaire écrite par Georges-Marc Benamou et l’historien Benjamin Stora. Une fresque historique en cinq épisodes racontée par Benoît Magimel, dimanche 27 octobre à 21.05.
Il manquait une somme sur la guerre d’Algérie. « En France, un certain nombre de films ou de documentaires ont traité de la guerre d’Algérie, en évoquant les débuts des “événements”, le sort des appelés, la bataille d’Alger, le massacre du 5 juillet 1962 à Oran, l’exode des pieds-noirs, le massacre des harkis… » (Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora). Rien, cependant, d’exhaustif n’avait été produit depuis une trentaine d’années. « Pourtant, depuis le film de référence de Peter Batty, La Guerre d’Algérie (1984, Channel Four-RTBF), et la série Les Années algériennes de Benjamin Stora, Philippe Alfonsi et Bernard Favre (1991, INA-France 2), des archives ont été ouvertes, de nouveaux témoins ont parlé, des historiens, français, algériens, internationaux ont travaillé et enrichi l’historiographie de la guerre d’Algérie. C’était la guerre d’Algérie est une réponse à ce manque, la tentative d’un récit global. »
À partir d’archives rares, restaurées et colorisées, la série documentairese veut le récit à hauteur d’hommes d’une « guerre sans nom » dont tous les tabous sont abordés : ceux de la colonisation française et de ses promesses non tenues, ceux d’une histoire algérienne méconnue, avec ses vainqueurs et ses victimes, des massacres de Sétif en mai 1945 à l’indépendance de juillet 1962… Après s’être attachés à l’histoire de la colonisation elle-même depuis 1830, Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora racontent la plus chaotique, et la plus méconnue des indépendances qui ont émaillé l’histoire de l’empire colonial française. Le parti pris de la série a été de croiser la grande histoire avec la « petite », les témoins d’hier et les mémoires d’aujourd’hui : la comédienne Nicole Garcia ou le mathématicien Cédric Villani, Français d’Algérie, Ali Haroun, l’ancien chef du FLN en France, Kahina Bahloul, la jeune imame franco-algérienne, sans oublier d’anciens appelés en Algérie ou des descendants de harkis, comme l’ancien maire de Volvic, Mohamed Hamoumou.
Par-delà les archives et les témoignages, ce film est incarné par des figures identifiables dont nous suivons les destins contrastés : Albert Camus, le libéral engagé algérois, Ferhat Abbas et Messali Hadj, les pionniers malheureux du nationalisme algérien, François Mitterrand – qui sera en première ligne de 1954 à 1957 –, le paradoxal Jacques Soustelle, grand intellectuel libéral devenu un « dur », Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, parmi les plus fameux « fils de la Toussaint » à l’origine de l’insurrection en 1954, le général Massu et ses paras durant la bataille d’Alger, Germaine Tillion, qui, de 1934 à 1957, filme l’Algérie, lutte et raconte, Yacef Saâdi, le chef de la Casbah d’Alger, ou encore Charles de Gaulle, arrivant en sauveur, recherchant désespérément la paix des braves… et ne la trouvant pas.
Épisode 1 : L’Algérie française (1830-1945)
Pour comprendre la guerre d’Algérie, il faut remonter l’histoire, avant le 1er novembre 1954, son déclenchement officiel, et le 19 mars 1962, son terme tout aussi officiel. Il faut remonter à la conquête de 1830, à la « première guerre d’Algérie » avec l’émir Abdelkader et découvrir « l’Algérie française »… Durant cent trente ans, la France va tenter de faire de l’Algérie une « région française » en assimilant des territoires, en développant le pays ou en accueillant une population d’exilés venus de certaines régions françaises mais aussi de pays européens comme l’Italie ou l’Espagne (qui deviendront les pieds-noirs), sans jamais assimiler les populations « indigènes ». Nombreux seront les rendez-vous manqués et les promesses non tenues de la République, jusqu’à l’explosion du 8 mai 1945, l’émeute nationaliste de Sétif et sa terrible répression – qui annoncent la guerre, dix ans plus tard.
Épisode 2 : L’insurrection (1954-1955)
Dans cet après-guerre, malgré Sétif et sa terrible répression, rien n’a vraiment changé en Algérie. Même si certains musulmans, comme Ferhat Abbas, croient toujours en la France et à ses promesses d’égalité et de liberté. En 1947, un statut de l’Algérie plutôt « libéral » est voté par l’Assemblée algérienne. Il soulève bien des espoirs. Mais pour le parti des « grands colons », il y a le feu ! Il faut bloquer ce dangereux statut. Alors, les autorités françaises vont organiser une élection truquée : le bourrage des urnes est massif et systématique dans toute l’Algérie. Six ans avant le début de cette guerre, le modéré Ferhat Abbas sonne l’alarme : il se sent trahi. Au même moment, les jeunes du Parti du peuple algérien de Messali Hadj, le rival de Ferhat Abbas, créent une branche clandestine armée, l’Organisation spéciale, décidés à agir plus efficacement que les « anciens ». De 1947 à 1954, l’Organisation spéciale va tisser sa toile. Dans ses rangs, on trouve Ahmed Ben Bella, revenu de la guerre décoré par de Gaulle, et un jeune intellectuel kabyle de bonne famille, Hocine Aït Ahmed. Pour les jeunes dissidents comme Ben Bella et ses amis, Diên Biên Phu est un déclic. Il faut passer à l’action sans tarder, comme en Indochine. Une date est choisie pour l’insurrection générale : ce sera le 1er novembre 1954, le jour de la Toussaint.
Épisode 3 : La « sale guerre » (1956-1957)
Début 1956, la guerre dure depuis deux ans, même si tout le monde feint de l’ignorer. Avec les pouvoirs spéciaux que lui a accordés l’Assemblée nationale, Guy Mollet envoie le contingent en Algérie. Dans les années qui suivent, un million et demi de jeunes Français, des appelés venus de métropole, vont débarquer pour un service militaire porté à trente mois. Une génération entière va découvrir la guerre. Marquée par de terribles attentats, l’année 1956 voit s’affronter différents fronts. Les ultraradicaux de l’Algérie française, soutenus par certains militaires, cherchent à faire pression sur la population et le gouvernement. Tandis qu’en réaction à la guerre contre-révolutionnaire menée par l’armée française, le « FLN des débuts » va se structurer, éliminer ses rivaux, étendre son influence politique et mener son combat dans les villes. La vraie guerre d’Algérie peut alors commencer.
Épisode 4 : 1957, la bataille d’Alger
1957 : il y a trois ans déjà que la guerre a commencé. Plus de 200 000 jeunes appelés du contingent viennent de débarquer pour prêter main-forte à l’armée qui se bat dans les djebels contre le Front de libération national algérien (FLN). Bientôt, ils seront un million cinq cent mille, venus des quatre coins de la France, à participer à « cette guerre sans nom » qui est devenue une « sale guerre » où l’armée, les paras, la Légion traquent les maquisards du FLN. Une « sale guerre » dans les campagnes où le FLN attaque et s’en prend aux Européens et aux musulmans pro-Français. 1957 est une année pivot où, dans les deux camps, les durs vont l’emporter. Côté français, l’armée va imposer ses vues à un pouvoir politique en perdition. Côté algérien, c’est la montée en puissance du FLN, qui se structure, s’impose face à ses rivaux, et va inaugurer une nouvelle stratégie, un nouveau front : porter la terreur dans les villes et d’abord à Alger. Ce sera la bataille d’Alger.
Épisode 5 : Vers l’indépendance (1959-1962)
C’est le vrai-faux coup d’État du 13 mai à Alger qui ramène de Gaulle au pouvoir après douze années de traversée du désert. Il est l’homme providentiel pour les pieds-noirs et l’armée. Mais, très vite, des doutes s’installent chez ceux qui l’ont porté au pouvoir. Où va-t-il, ce de Gaulle de 1958 ? Où conduit-il l’Algérie ? Pense-t-il déjà à l’indépendance ? Ou seulement, comme on le dit, à quelques réformes profondes pour donner à l’Algérie un statut d’autonomie ? De 1958 à 1959, de Gaulle va tenter de trouver son chemin vers l’orient compliqué de l’Algérie. Il lance l’ambitieux plan de Constantine, pour développer économiquement l’Algérie et lier son destin à celui de la France. Il jure : « Jamais, moi vivant, le drapeau du FLN ne flottera sur Alger », et il poursuit la guerre militaire avec plus de force encore que ses prédécesseurs. Un déferlement militaire est déclenché avec le plan Challe afin d’écraser le FLN. Mais, de faux-semblants en équivoques, la guerre d’Algérie va durer trois années de plus. Et ce sera la plus chaotique des indépendances.
« C’était la guerre d’Algérie »
Juillet 1962, l’Algérie est indépendante. Ils sont des millions à travers tout le pays à fêter la naissance d’une nation et la fin de cent trente années de présence française. Un million d’autres, européens, appelés les « pieds-noirs », nés en Algérie, enracinés depuis des générations, quittent le pays dans un dramatique exode. « La guerre d’Algérie, c’est la guerre qui n’aurait jamais dû avoir lieu », a dit Ferhat Abbas, le premier président du gouvernement provisoire de la République algérienne. Et pourtant cette guerre qui longtemps n’aura pas de nom va durer huit longues années. De 1954 à 1962, la guerre d’Algérie, ce sont un million et demi de jeunes appelés français, contre des milliers de maquisards, côté algérien, 30 000 morts militaires français, des centaines de milliers d’Algériens tués, des milliers d’Européens disparus au moment de l’indépendance… On devrait dire « les » guerres d’Algérie. Une guerre entre nationalistes algériens et l’armée française bien sûr, mais aussi une guerre entre Algériens ; celle qui opposa cruellement deux mouvements indépendantistes rivaux. Et l’autre qui opposa les harkis, ces musulmans pro-Français, au Front de libération nationale algérien (FLN) et qui fit, à l’indépendance, des dizaines de milliers de morts côté harkis. Et enfin la guerre franco-française, qui commence à Alger en juin 1958 par un grand malentendu. Une guerre qui divisa la France, la terrorisa durant des années et faillit la faire basculer dans le chaos. C’est tout cela la guerre d’Algérie. L’histoire de deux peuples déchirés un temps, mais liés à jamais par ce passé commun.
Série (5 x 52 min – 2022) – Réalisation Georges-Marc Benamou – Auteurs Georges-Marc Benamou et Benjamin Stora – Coréalisation Mickaël Gamrasni et Stéphane Benhamou – Racontée par Benoît Magimel – Production Siècle Productions et ECPAD, avec la participation de France Télévisions, la Région Île-de-France, le CNC (Centre national du Cinéma et de l’Image animée), le Ministère des Armées (secrétariat général pour l’administration & direction des patrimoines, de la mémoire et des archives) et de LCP
Intervenants : Alain Gedovius, appelé en Algérie et photographe • Jean-Pierre Gaildraud, officier en Algérie, chef de harka (de 1960 à 1962) • Jean-Pierre Louvel, appelé en Algérie • Roger Saboureau, lieutenant parachutiste en Algérie • Jean-Louis Cerceau, appelé en Algérie • Bernard Zeller, fils du général André Zeller, un des organisateurs du « putsch des généraux » • Nicole Garcia, Française d’Algérie, actrice et réalisatrice • Jean-Félix Vallat, Français d’Algérie et président de la MAFA (Maison des agriculteurs et des Français d’Afrique du Nord) • Danielle Michel-Chich, Française d’Algérie, journaliste et écrivaine • Michèle Barbier, Française d’Algérie et écrivaine • François Benichou, Français d’Algérie • Cédric Villani, descendant d’Européens d’Algérie et mathématicien • Véronique Timsit, fille de Daniel Timsit, partisan du FLN (Front de libération nationale) • Louis Gardel, écrivain, auteur de Fort Saganne • Slimane Zeghidour, écrivain ayant grandi dans un « camp de regroupement » • Bachir Hadjadj, membre de l’ALN (Armée de libération nationale) • Ali Haroun, dirigeant de la Fédération de France du FLN (1958-1962) • Mehdi Boumendjel, petit-fils de l’avocat Ali Boumendjel, exécuté pendant la bataille d’Alger • Lakhdar Belaïd, fils d’un responsable du MNA (Mouvement national algérien), journaliste et écrivain • Kahina Bahloul, islamologue et imame • Yamina Benguigui, fille d’un militant du MNA (Mouvement national algérien) et réalisatrice • Kader Abderrahim, fils de militant FLN et chercheur en sciences politiques • Sanhadja Akrouf, fille de nationaliste algérien et écrivaine • Nadja Makhlouf, photographe du projet « Moudjahidates » • Nacer Kettane, fondateur et président de Beur FM • Abdelkader Hamoumou, président d’une association de harkis et ancien moghazni • Mohand Hamoumou, descendant de harki et universitaire • Pierre Joxe, appelé en Algérie et fils de Louis Joxe, ministre des Affaires algériennes du général de Gaulle • Guy Sitbon, correspondant du Monde auprès du FLN à Tunis (1958-1962)
Diffusion dimanche 27 octobre à 21.05 sur France 5
À voir et à revoir sur france.tv